Si notre nouveau président est encore loin d’avoir résorbé le chômage et la malaise identitaire, il a su conquérir une stature internationale et remettre le pays en ordre de marche. La France n’est plus le village gaulois de la mondialisation. Il était temps.
Ainsi donc l’homme malade de l’Europe est devenu son dernier rempart. Jusqu’à être sacré par The Economist, si critique ces derniers temps, comme le « pays de l’année 2017 ». Que cela plaise ou non, ils sont nombreux au-delà de nos frontières à estimer que la France est de retour grâce à Emmanuel Macron. « Tous mes amis anglo-saxons l’adorent », confie Lara Marlowe, une Californienne correspondante à Paris de The Irish Times, qui ajoute : « Il n’y a pas si longtemps, nous les Américains, nous avions Obama et vous aviez Hollande… Aujourd’hui, vous avez Macron et nous, nous avons Trump… »
Macron, yes he can ?
L’aura du président français est due pour partie à une conjonction astrale favorable. Sur le plan international aussi, il a la baraka. En Allemagne, Angela Merkel est engluée dans des difficultés internes, conséquence de sa gestion angélique de l’arrivée massive de migrants. Elle a eu du mal à trouver un allié pour gouverner. Plus personne ne la désigne comme la « patronne ». En Angleterre, Theresa May est embourbée dans le Brexit, plus facile à décider qu’à gérer. Nombre de Français qui s’étaient établis à Londres sont sur le retour. En Espagne, Mariano Rajoy est encore plus affaibli après les élections en Catalogne. Quant à l’Italie, elle est prise entre deux spectres : l’arrivée au pouvoir de Beppe Grillo et le retour de Sylvio Berlusconi.
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Macron s’est imposé sur la scène internationale en un temps record. Jusqu’à faire naître l’idée d’un printemps français. Après tout, même un vieux pays, passablement fourbu, peut connaître une nouvelle jeunesse. En l’espace de quelques mois, l’hexagone n’a pas résolu comme par enchantement les problèmes qui le minent depuis de nombreuses années : en particulier un chômage de masse qui touche au premier chef les jeunes des milieux défavorisés, et un malaise identitaire provoqué par la difficile intégration des immigrés d’origine extra-européenne. Sur ces deux plans, on est loin du compte. Mais, à nouveau, impossible n’est plus français. Et l’on se prend à penser à propos de Macron : yes, he can…
La France est le dernier pays à s’apercevoir qu’elle va mieux
Naturellement, la France est le dernier pays à s’apercevoir qu’elle va mieux. Bisbilles, as usual : notre tempérament national nous porte toujours à privilégier ce qui fâche. Du côté de Mélenchon, on qualifie Macron de « président des riches ». Du côté du FN et de la droite, on met en cause son européisme assumé et son laxisme supposé en matière d’immigration et d’insécurité. Nos indécrottables droit-de-l’hommistes le présentent au contraire comme un quasi-nazi lancé dans la chasse aux migrants. L’important reste toutefois que les Français le regardent avec une certaine bienveillance : désarçonnés dans un premier temps par son ego effectivement surdimensionné, ils créditent désormais Macron de faire. Quoi donc ? Le job, tout simplement !
Par quel miracle ? Pour la première fois depuis longtemps, la France a un président libre, libre de ses décisions. François Hollande l’a illustré jusqu’à la caricature : en choisissant de gouverner avec la seule gauche, il s’est placé sous le joug de la fraction de la gauche qui refuse de mettre ses montres à l’heure depuis… 1917. On l’a vu avec la loi El Khomri : à partir du moment où Hollande s’est vu suspecter de dérive libérale, des frondeurs se sont dressés au sein même du Parti socialiste pour l’empêcher d’avancer. Pas question de revenir sur les « acquis ». Le libéralisme ne passera pas !
Macron, un homme sans idéologie
Même s’il s’est efforcé de donner le change par son volontarisme sautillant, Nicolas Sarkozy est resté pareillement enfermé dans son camp : la droite. Ce faisant, il a gouverné à l’ombre du Front national et sous les projecteurs de la gauche morale. La majorité des électeurs de l’UMP souhaitaient davantage de fermeté en matière d’immigration et d’insécurité. Mais comment y parvenir sans donner le sentiment de faire du FN light ? Sarkozy n’a pas su gérer la contradiction. Même échec sur le plan économique. Quand on est à droite, comment donner plus de libertés aux entreprises sans passer pour un agent du Medef ? Sarkozy n’a même pas esquissé une réforme du marché du travail. Comme… Jean-Luc Mélenchon, l’ex-président était convaincu que les Français étaient brouillés avec le libéralisme.
De là vient la force d’Emmanuel Macron : il a cassé un système paralysant en choisissant de s’appuyer sur une coalition rose, bleu et orange. Il a détaché de la gauche les sociaux-démocrates assumés, séduit la droite moderniste en se proclamant probusiness, et rallié le centre. Ce faisant, il a donné vie à un monstre pas franchement attrayant : l’UMPS. Sauf que grâce à un système électoral qui permet d’obtenir une majorité parlementaire à partir d’une minorité dans le pays, il a réalisé l’UMPS sans l’UMP, aujourd’hui rebaptisée les Républicains, et sans le PS. Du coup, le monstre s’est trouvé paré des attraits de la nouveauté.
Cette coalition transpartisane permet à Macron de gouverner à l’abri de la tyrannie de l’idéologie. Ayant « coupé l’omelette par les deux bouts », pour reprendre une expression d’Alain Juppé, il a mis les « deux bouts » hors d’état de nuire. Contrairement à ses prédécesseurs, l’actuel président n’est entravé ni par la gauche radicale ni par le Front national. Mélenchon l’avait promis : le libéralisme était si étranger au génie français que sa formation allait réunir plus d’un million de manifestants sur les Champs-Élysées pour s’opposer à la réforme du marché du travail. On connaît la suite… Le porte-parole de la France insoumise a reconnu lui-même que Macron avait « marqué le point ». La France n’est plus condamnée à affronter la mondialisation à reculons.
La France n’a plus peur
La liberté retrouvée du président lui permet de s’attaquer à des dossiers réputés « indémerdables » sans paraître guidé par des a priori. Ainsi, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il n’est pas très glorieux d’avoir cédé aux zadistes, mais du moins en a-t-on fini avec cet interminable feuilleton. Ainsi, la maîtrise des flux migratoires. La loi reste à voter, mais la volonté affichée est claire : la France continuera d’accueillir les demandeurs d’asile, tout en limitant l’entrée des immigrés pour raisons économiques.
Il serait ridicule de ne décerner à Macron que des prix d’excellence. Sur chaque dossier, on peut émettre des réserves, trouver les choix malgré tout timides, voire franchement contestables. On peut estimer par exemple que la réforme du marché du travail ne va pas assez loin. Ou encore déplorer que le président persiste dans le flou sur les rapports entre la République et l’islam, sur la question de la laïcité. On peut encore regretter que la France reste une monarchie et que Macron le souligne en choisissant régulièrement Versailles pour ses grands shows.
Mais, enfin, la France respire ! Enfin, la France n’est plus enfermée dans des querelles scolastiques où elle s’épuisait. Enfin, la France est réconciliée avec le réel. Enfin, la France ne regarde plus les exemples étrangers comme des menaces sur son identité. Enfin, la France n’a plus peur de son ombre. C’est le grand mérite du créateur de la République en marche : avoir remis la France… en marche.