Les Rencontres du Papotin, où le président de la République a répondu aux questions d’autistes, a battu un record d’audience. Un succès mérité, selon Philippe Bilger.
Parfois on a besoin de légèreté, d’éviter les maux de tête que notre monde sécrète et de ne pas donner l’impression de porter la France sur nos épaules… Le hasard a fait que j’ai regardé pour la première fois Les Rencontres du Papotin, sur France 2, où une soixantaine de journalistes autistes questionnent une personnalité, qui est donc confrontée à de l’imprévisible et à des interrogations qui n’évitent rien, même pas l’intime.
Macron pas épargné par les autistes
Emmanuel Macron s’est livré à cet exercice et j’ai trouvé qu’il avait relevé le défi avec classe. Pourtant il n’a pas été épargné. Il a eu droit à tout ce qu’on n’a jamais osé formuler à son sujet, sur l’argent, sur son couple, sur son histoire, ses échecs à l’Ecole normale supérieure…
Sur Twitter, alors que je louais le président et la manière dont il avait affronté l’épreuve, j’ai été vertement critiqué par certains. D’autres ont reproché à Emmanuel Macron son narcissisme et l’ont mis en cause, ainsi que son épouse, pour les péripéties d’une union amoureuse conquise de haute lutte. Pire, on m’a accusé de valider la pédophilie ! Une minorité a dénoncé le caractère dérisoire et insignifiant d’une telle émission, estimant qu’elle n’avait rien à voir avec le vrai journalisme.
S’il est clair que le président n’a jamais été étranger à la volupté d’expliquer, voire d’exhiber qui il était, je persiste cependant. Ces Rencontres ne remplacent pas les séquences purement politiques, mais complètent la vision qu’on a d’Emmanuel Macron, en ajoutant à sa dimension intellectuelle une part psychologique, infiniment personnelle. Elle a le mérite de satisfaire ceux que les médias classiques déçoivent parce qu’ils considèrent que seul le sujet présidentiel serait noble et utile. Ce n’est pas exact ou alors c’est délibérément omettre de quoi est composé l’être de pouvoir: d’âme, d’esprit, de corps, de sang et de chair, d’ombres et de lumières. De frustrations et d’espérances.
Ne faisons pas la fine bouche
J’irais jusqu’à soutenir que certaines des questions posées vont si loin, si profond qu’elles ringardisent les processus traditionnels et en disent plus que ceux-ci sur l’essentiel de la personnalité de l’homme Macron et donc aussi du président. Il faut cesser de faire la fine bouche devant ce qui est trop rapidement méprisé et qui pourtant est très éclairant.
Puis-je continuer sur ce registre frivole en l’aggravant même ? J’ai toujours eu un faible pour Brigitte Bardot à tous ses âges. J’apprécie qu’elle soit devenue cette personne libre, indifférente au politiquement correct, répugnant à tous les hommages traditionnels et seulement soucieuse d’être elle-même. Pour moi – je conçois que la comparaison puisse surprendre, voire choquer -, elle est le contraire, avec sa parole et son tempérament résistant aux modes de la pensée, de la bienséance et du conformisme, d’un Omar Sy.
On peut alors imaginer comme je me suis régalé quand j’ai lu son avis dans le JDD sur le projet de minisérie que France 2 prévoit de lui consacrer : « Je ne suis même pas au courant de ce truc ! Mais je m’en moque : la seule chose qui m’importe, c’est ma vraie vie avec moi dedans, et pas des biopics à la con ». On m’excusera mais quelle respiration, quelle franchise et quelle spontanéité face à ces multiples propos de stars, d’actrices, d’artistes nous étouffant sous les poncifs et les idées obligatoires ! Faut-il que j’aie l’impudence de me placer sous l’égide de Nietzsche, pour plaider la cause de ma frivolité, puisqu’il invoquait « la superficialité par profondeur » ?