Une stratégie de défense européenne, ce n’est pas pour demain…
Comment la France pouvait-elle rebondir après le camouflet subi avec l’annonce, le 15 septembre, de l’alliance Aukus qui a entraîné la rupture du contrat entre le constructeur français Naval Group et la marine australienne pour la livraison de 12 sous-marins ? Moins de quinze jours plus tard, le président Macron annonçait la vente à la Grèce de 24 avions Rafale et trois frégates.
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Non seulement ce contrat, d’une valeur de 6 milliards d’euros, permettait de préserver des emplois chez Naval Group, mais il apportait une petite vengeance dans la mesure où les États-Unis avaient espéré vendre leurs propres frégates à Athènes. Par-dessus le marché, la France et la Grèce concluaient un accord d’assistance mutuelle. On a peu remarqué, cependant, que ce rapprochement avec Athènes marquait une forme d’éloignement par rapport à Berlin. En effet, l’Allemagne est en train de livrer six sous-marins à la Turquie, ennemie mortelle de la Grèce. Selon les termes d’un contrat ratifié en 2009, le premier de ces sous-marins, construits par ThyssenKrupp, a été mis en service en mars de cette année. Son moteur diesel est d’un type très sophistiqué qui est plus silencieux et permet de rester submergé plus longtemps. La marine grecque en possède quatre, mais si la marine turque, déjà plus puissante, en détient six, le rapport de forces en Méditerranée orientale sera définitivement modifié.
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Du reste, en juin, Athènes a protesté contre cette vente. Une tentative grecque pour bloquer les exportations d’armes européennes vers la Turquie avait déjà été déjouée par l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. L’Allemagne, qui est leader sur le marché des sous-marins, ne renoncera pas à un contrat aussi juteux, d’autant que Berlin compte sur Ankara pour protéger l’Europe contre des vagues de migrants et que le pays possède la plus grande diaspora turque. Si la France et l’Allemagne vendent des armes à deux pays ennemis, c’est parce que leurs intérêts stratégiques et industriels divergent, comme le montrent leurs difficultés à se mettre d’accord sur le Système de combat aérien du futur (SCAF) et le choix du chasseur qui sera au cœur de ce projet européen. Plus on parle de l’Europe de la défense qui se construit, plus elle se déconstruit.