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Macky Sall renonce à se représenter: retour au calme à Dakar

L'exception sénégalaise


Macky Sall renonce à se représenter: retour au calme à Dakar
Macky Sall, président du Sénégal depuis 2012, photographié ici à Paris le 23 juin, ne briguera pas de nouveau mandat © Christophe Ena/AP/SIPA

Dans une Afrique de l’Ouest où la démocratie reste l’exception, le Sénégal peut faire la fierté des Africains. En annonçant qu’il ne briguerait pas un troisième mandat, Macky Sall a pris une décision honorable et permet à son pays de retrouver le calme. Début juin, la répression des émeutes ayant suivi l’emprisonnement d’Ousmane Sonko avait fait une vingtaine de morts.


Actuel président du Sénégal, Macky Sall a décidé de ne pas briguer un troisième mandat en février 2024. Une décision qui a surpris les observateurs mais qui confirme le sens des responsabilités des tenants des institutions à Dakar, démocratie stable sur un continent où ce modèle politique n’est pas le plus courant. Les principaux acteurs diplomatiques régionaux et mondiaux semblaient d’ailleurs contents de ce revirement. Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a salué l’allocution et le sens des responsabilités de Macky Sall sur Twitter, jugeant que le discours tenu constituait un « exemple très important pour son pays et pour le reste du monde ». Il a été suivi de près par Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine, qui a de son côté reconnu une « décision sage et salutaire » avant d’exprimer son « admiration au grand homme d’Etat qu’il est d’avoir privilégié l’intérêt supérieur du Sénégal » et d’avoir préservé « le modèle démocratique sénégalais qui fait la fierté de l’Afrique ». À l’heure où l’ombre de Wagner plane plus encore sur l’Afrique, le vrai-faux coup d’Etat de son fondateur Prigojine laissant craindre à quelques spécialistes un redéploiement de la société militaire privée, et organisation terroriste selon Paris, le Sénégal continue d’offrir un visage rassurant. Les dernières semaines laissaient pourtant craindre le pire avec une multiplication d’émeutes urbaines intenses, lesquelles furent notamment alimentées par l’avocat et activiste Juan Branco. Un homme qui a tenté de reproduire la formule chez nous, accusant la France de pratiquer une politique raciste et colonialiste dans les quartiers d’émeutiers au micro de Channel 4.


Présenté désormais comme un « avocat des droits civiques » à l’américaine, le militant germanoprantin est désormais l’avocat d’Ousmane Sonko, opposant à Macky Sall. Il a à ce titre déposé une plainte à la Cour pénale internationale – notons que les exactions russes en Ukraine semblent moins l’émouvoir. Il suffit de voir ce dont Juan Branco accuse la police française pour émettre quelques réserves quant à la démarche. Est-ce bien la paix civile ou son autopromotion qui suscite son intérêt professionnel ? Reste que cette situation fortement perturbatrice n’est pas neutre pour la France, le Sénégal étant un pays allié au potentiel encore largement inexploité, notamment dans le domaine des hydrocarbures où de nombreux gisements ont été découverts et n’attendent que d’être exploités. Depuis son élection en 2012, Macky Sall a su préserver son pays du danger islamiste et des coups d’Etat alors que les pays frontaliers sombraient. Au Mali, au Burkina ou en Guinée Conakry, des gouvernements ont été renversés sans que la menace djihadiste ne soit endiguée. Des pays autrefois paisibles comme le Bénin ou le Togo assistent aussi à une progression du salafisme politique. Le Sénégal est-il toujours à l’abri ? En 2021, menés par l’opposant Sonko qui venait de voir son immunité parlementaire levée pour une affaire de droit commun, des manifestants avaient pillé et dévalisé 14 magasins Auchan censés représenter les intérêts français… Le fait que Macky Sall renonce à se représenter pourrait suffire à faire revenir la paix civile dans un pays tiraillé par les divisions sociales. Est-ce de nature à pérenniser la démocratie sénégalaise ? Il faut le croire et l’espérer. Pour eux comme pour nous. Car les vautours continuent de planer. Tariq Ramadan s’est ainsi déjà positionné dans un long tweet démontrant que les Frères Musulmans rodent autour du Sénégal : « Macky Sall vient d’annoncer qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat. Les partisans du respect de la Constitution et de la transparence démocratique peuvent se réjouir. Pourtant, rien n’est joué. Les dernières manœuvres politiciennes montrent que l’avenir du Sénégal se joue derrière la scène, et pas uniquement au Sénégal. La vigilance s’impose, car ce qui vient pourrait être pire que ce qui a été évité. Il appartient au peuple sénégalais de ne pas verser dans la naïveté en se souvenant de l’Histoire : combien de fois a-t-on trompé les peuples en leur faisant croire à un avenir radieux, puisqu’on les avait débarrassés d’un mal… pour leur préparer de sombres lendemains ? Les semaines et les mois prochains seront décisifs ». Décisifs, c’est bien le mot.




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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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