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Ma vie après l’Assemblée

Chaque mois, retrouvez la chronique d'Emmanuelle Ménard dans le magazine "Causeur"


Ma vie après l’Assemblée
©Coudert/Sportsvision/SIPA

Résistance, volonté, travail, courage : l’été à Béziers n’a cessé de me confronter à des êtres incarnant pleinement et merveilleusement ces qualités. Comme pour mieux me rappeler leur pendant : humilité et force morale. Enseignements d’une défaite en politique.


Liberté

L’été a très mal commencé pour moi. Avec une sévère défaite aux élections législatives. Pas vraiment anticipée, pour être honnête. L’échec a été difficile à avaler. Face à cela, j’avais deux solutions. Non, en fait, il n’y en avait qu’une : se remettre en selle immédiatement. C’est ce que j’ai tenté de faire en repartant travailler à la mairie de Béziers dès 7 h 30 le lendemain matin. En dressant la liste des dossiers importants que je gérais en tant que député. Et que je continuerai à suivre en tant que conseillère municipale. Ne jamais se résigner.

Je refuse de me laisser envahir par l’amertume. J’aime ma ville et les Biterrois. Je continuerai à travailler pour eux. Différemment. Et même si le sentiment d’injustice continue de temps en temps à pointer le bout de son nez, le travail guérit de tout… Plus qu’une chose à faire : savourer pleinement – une fois n’est pas coutume – l’été biterrois. Avec quelques points d’orgue. Et un sentiment de liberté retrouvée.

Résistance

Raimond Trencavel le premier est venu me faire la leçon. Huit siècles plus tard ! En 1209, le vicomte et sa famille règnent sur Béziers, dans un esprit de tolérance peu commun à cette époque – et probablement à la nôtre encore. Alors qu’ils sont souvent persécutés ailleurs, les juifs participent à l’administration de la ville et vivent en bonne entente avec l’ensemble de la population. De même, les cathares, cette minorité pacifique qui a fait sécession avec l’Église, est protégée. Ce n’est du goût ni du roi de France ni du pape de l’époque. Les deux vont donc s’entendre pour réduire à néant cette anomalie, ce Béziers trop libre qui pourrait faire des émules.

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Le 22 juillet 1209, c’est l’invasion. Des milliers de Biterrois sont massacrés. « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens », aurait dit Simon de Monfort, le prélat du pape, chef de la croisade. Béziers n’est plus qu’un immense hurlement. Une plaie béante. Trencavel est bouleversé. Et décide de défendre ce qu’il est encore possible de défendre. Mais l’ennemi est plus fort. Trencavel, réfugié dans sa citadelle de Carcassonne, est capturé. Débute alors son martyre. Il faut tuer le symbole qu’il est devenu. Il est jeté dans un ignoble trou infesté de vermines. On l’y laissera pourrir, sans aucune pitié. La loi du roi de France règne désormais en Languedoc.

Huit siècles plus tard, justice lui est enfin rendue dans notre ville : une statue de plus de trois mètres de haut de notre ancêtre commun vient d’être érigée en ce mois de juillet, juste à côté de la cathédrale, abritée par les arbres lui offrant une ombre bienvenue en ces chaleurs estivales. Et surtout, nous rappelant que nous sommes les héritiers de cette épopée unique, exceptionnelle et que nous devons en être dignes. Une leçon de courage à méditer…

Jeux olympiques

Non, je ne vous parlerai pas de la cérémonie d’ouverture. Tout a été dit ou presque. On les a tous entendus. Ceux qui l’ont trouvée choquante ; ceux qui l’ont trouvée formidable ; et même ceux qui y ont vu la marque de satan, c’est vous dire… Comme j’ai décidé d’être positive, je ne me souviendrai que de la ferveur du public, de La Marseillaise entonnée à chaque instant, des drapeaux bleu, blanc, rouge agités pour encourager nos sportifs. Et puis, des exploits de Léon Marchand (gageons que son prénom se hissera très vite dans le top 10 des nouveau-nés à venir), des essais d’Antoine Dupont, des médailles d’or homériques de Teddy Riner ou encore des performances de Félix Lebrun… Je suis injuste pour tous nos autres athlètes, mais ils me pardonneront : la moisson a été plus que fructueuse et c’est tant mieux !

Art équestre

Devenu rendez-vous incontournable de l’été à Béziers, nous accueillons chaque année avec un immense plaisir les Folies Gruss. Et pour deux mois. Quel talent ! Quel travail aussi… C’est la première fois que le spectacle sera présenté sans Alexis, le patriarche parti en avril dernier. Stéphane, Maud et Firmin, ses trois enfants, sont là. La conférence de presse déborde d’émotion. Quand les mots se font difficiles pour l’un, un autre prend le relais. Une vraie famille. Qui sait, elle aussi, résister à l’air du temps…

Feria

Pas d’été à Béziers sans sa feria. Cinq jours de fête non-stop, du matin jusque tard dans la nuit. Qui n’a pas vécu sa feria n’est pas un vrai Biterrois. Elle commence par une messe dans les arènes, qui a réuni 6 500 personnes cette année ! Ce qui n’empêche pas les râleurs de service de tempêter comme chaque fois contre le sacro-saint principe de laïcité qui ne serait pas respecté… Chez nous, on les appelle les « anti-tout ». Anti-chasse, anti-corrida, anti-crèche de Noël, anti-messe dans les arènes : le spectre est large et ils n’abandonnent jamais. Nous non plus…

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Léa

Qui dit feria dit corrida. Dans les arènes, nous croisons Gaël Tchakaloff, qui vient d’écrire un livre sur Léa Vicens, superbe torero à cheval qui a une nouvelle fois triomphé chez nous. L’écrivain a suivi durant un an cette femme hors norme, qui a su, seule, se faire une place dans un monde totalement masculin – on peut dire machiste – et qui ne lui fait pas de cadeau. Où l’on découvre – ou redécouvre – les efforts, la volonté, le courage, la quantité de travail incroyable qu’il lui a fallu fournir pour arriver à ce résultat exceptionnel. Un livre d’autant plus intéressant que Gaël Tchakaloff le dit d’entrée : la corrida lui fait horreur. Ancien matador, devenu banderillero avec Léa Vicens, José Maria résume : « L’art tauromachique inculque la force d’âme. La corrida défend le courage, l’honnêteté, la franchise, la persévérance, le don de soi, l’éthique, le respect de l’autre, de l’animal et de la nature. » Il faudrait peut-être rendre la corrida obligatoire…

Premier ministre

Pendant ce temps, le feuilleton politique de l’été se poursuit. À l’heure où je boucle cette chronique, Emmanuel Macron prend son temps. Et consulte toujours. Je repense à la vie hors norme, exceptionnelle de nos champions olympiques, de la famille Gruss, de Léa Vicens. Et si on invitait le président de la République à venir à Béziers ?

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Septembre 2024 - Causeur #126

Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne députée

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