Accueil Édition Abonné Il n’y a pas que les prix qui subissent l’inflation: la démagogie aussi

Il n’y a pas que les prix qui subissent l’inflation: la démagogie aussi

Ma vie à l’Assemblée, la chronique d'Emmanuelle Ménard


Il n’y a pas que les prix qui subissent l’inflation: la démagogie aussi
Ugo Bernalicis © Chang Martin/SIPA

La réforme des retraites est passée, mais ne tardera pas à revenir. En attendant, chronique de la vie quotidienne dans l’Hémicycle… et en dehors !


Miss France

Fin avril, l’Assemblée nationale s’est arrêtée deux semaines. Ouf ! Deux semaines pour, selon les cas, partir en vacances ou travailler « en circonscription », pour être sur le terrain et prendre le pouls de notre chère bonne vieille province, ce mot qu’il ne faut surtout plus employer mais que, pour ma part, j’affectionne. J’utilise la première semaine, qui est en décalé avec les vacances scolaires, pour visiter quelques écoles. Je propose, chaque début d’année scolaire, aux directeurs des écoles de Béziers et des villages alentour de venir durant deux heures dans les classes de CM1/CM2 pour expliquer le fonctionnement de l’Assemblée nationale et le rôle du député. Une vraie bouffée d’air frais pour moi. Et d’humilité aussi… J’ai l’habitude de démarrer mon intervention en demandant aux enfants à quoi on reconnaît un député. Je sors alors de mon sac l’écharpe tricolore pour leur expliquer ce qu’elle représente et comment on doit la porter. Je leur demande ensuite qui d’autre a le droit de porter une écharpe tricolore… Et là, une fois sur deux, un doigt se lève pour répondre… « Miss France ! » On est peu de chose…

Drapeau européen

Mais nous voilà bien vite de retour dans l’Hémicycle, avec une question cruciale à trancher : faut-il obliger les mairies à arborer le drapeau européen ? En voilà une proposition de loi importante ! Quelle mouche a donc encore piqué Aurore Bergé de vouloir à tout prix faire adopter ce nouveau texte ? Quelle mouche ? La basse politique, bien sûr ! Une proposition de loi d’un pénible opportunisme qui ne relève d’aucune nécessité. Une simple vengeance, afin de mettre des bâtons dans les roues du Rassemblement national et de la France insoumise. Pourquoi ces nouveaux débats alors que le rapporteur de la majorité reconnaissait lui-même que « ce texte ne répond pas aux défis politiques et sociaux du moment… » Rejeté en commission, Aurore Bergé a quand même voulu maintenir son examen en séance en se targuant de sa portée « éminemment symbolique ». Avec, au summum de la mauvaise foi, ce chantage, cet oukase : « Si vous êtes contre le drapeau européen, c’est que vous êtes contre l’Union européenne ! » En réalité, avec cette nouvelle loi – ce n’est plus une inflation législative, c’est une véritable indigestion ! –, c’est une nouvelle dépense pour les mairies. Et que de temps perdu quand on sait que beaucoup le font déjà, comme à Béziers où le drapeau tricolore flotte à côté des drapeaux européen, occitan et de celui de notre ville, la plus ancienne de France ! Que d’énergie gâchée alors qu’Élisabeth Borne affirmait dans sa feuille de route vouloir mener de grandes réformes ! Que nous attendons toujours…

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Les « nuances » de la France insoumise

Évidemment, je ne pourrai jamais être exhaustive en quelques lignes de cette chronique tant la Nupes nous honore régulièrement de ses outrances. En ce début du mois de mai, c’est Gérald Darmanin qui est la cible préférée de l’extrême gauche. Avec, pour commencer, le député du Nord, Ugo Bernalicis, qui vitupère contre les forces de l’ordre – c’est une véritable obsession. Nous avons donc eu droit le 10 mai à une belle sortie de l’élu d’ultra-gauche qui nous explique que le ministre de l’Intérieur instaure ni plus ni moins la loi du talion dans les manifestations et conclut son intervention par un sonore « La Brav’M, ce n’est que les black blocs de Darmanin ! » Rien que cela… Mais bien relayée sur Twitter et YouTube, la vidéo fait le buzz auprès de son électorat ravi. Le désormais « célèbre » Thomas Portes, député de la Seine-Saint-Denis qui s’était illustré en mettant son pied sur un ballon de foot représentant la tête du ministre Olivier Dussopt, explique quant à lui : « Avec Darmanin, c’est tapis rouge pour les nazis et coups de matraque pour la mobilisation sociale ! » Décidément, il n’y a pas que les prix qui subissent l’inflation en France : la démagogie aussi !

Billets d’avion

Les députés bénéficient de certains avantages. Parmi ceux-ci, des fonctionnaires à notre disposition pour nous faciliter la vie, et notamment nos déplacements. Évidemment, vous vous en doutez, venir chaque semaine à l’Assemblée nationale quand on habite à 800 kilomètres de là nécessite une logistique bien rodée. Un service des transports que je mets souvent à rude épreuve à force de modifications de dernière minute, l’agenda parlementaire fluctuant beaucoup… Avec, à la clef, de multiples changements dans les billets de train ou d’avion. Mais les fonctionnaires du bureau des transports doivent être, à coup sûr, recrutés pour leur stoïcisme, car jamais, ô grand jamais, l’un d’entre eux ne m’a témoigné d’une quelconque impatience. Pourtant, on ne compte plus ceux qui critiquent les fonctionnaires. Il faut juste leur dire merci.

Reste à vivre

Le 15 mai dernier, Emmanuel Macron passe au « 20 h » de TF1. Outre une série de questions qui me font rester sur ma faim – je ne peux pas m’empêcher de penser à Coluche qui disait : « On fait venir un homme politique, on lui pose une question, il ne répond pas et on passe à une autre » –, une expression utilisée par le président de la République m’interpelle. En effet, interrogé sur les impôts qui vont diminuer – c’est une de ses annonces phares –, le chef de l’État explique : « Donc, c’est ce qui va permettre à des gens qui travaillent, qui sont dans la classe moyenne, d’avoir en quelque sorte un reste à vivre plus important pour eux. » Un « reste à vivre », quelle vilaine expression ! Comment espérer redonner espoir et moral aux Français en leur parlant d’un reste à vivre ? J’ai l’impression de sortir de chez le médecin qui m’aurait annoncé une maladie incurable… Quand on sait que, chaque année, 10 % de nos compatriotes ont des idées suicidaires, qu’environ 200 000 personnes font une tentative de suicide et que 10 000 d’entre eux en meurent, encore un petit effort de communication, monsieur le président !

Juin 2023 – Causeur #113

Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne députée

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