Ceux qui font éternellement grief à Frédéric Beigbeder de son narcissisme seront très déçus par L’amour dure trois ans. Alors que l’auteur des hilarantes Vacances dans le coma aurait pu assez facilement, par copinage, décrocher et interpréter la totalité des rôles masculins et féminins de son meilleur film – et au passage abuser sexuellement de lui-même – Beigbeder a préféré s’en tenir à l’invisible. Même pour le rôle de Marc Marronnier, son alter ego personnel, il a réussi à se faire damer le pion par le talentueux et solitaire Gaspard Proust, seul comique drôle de sa génération.
L’amour dure trois ans raconte de manière émouvante, fraîche et inventive la passion amoureuse de Marc et Alice – Louise Bourgoin, elle aussi talentueuse et insoluble dans l’image. C’est-à-dire leur expérience concrète de l’éternité en acte et du fait que l’amour, quelle que soit sa durée, ne dure jamais trois ans. Par la grâce de deux jets de vomi, les voici arrachés à leur propre image, à la branchitude dépressioniste et à l’insondable tristesse dessensualisante de la captation dans l’imaginaire pornologique (je me demande si je n’ai pas pris un rail de Mehdi Belhaj Kacem ce matin ?!).
Voici Marc et Alice offerts tout crus à la joie. Leur évasion du registre exténuant de l’imaginaire, leur échappée belle dans le registre du désir. C’est-à-dire de la liberté et de l’angoisse. Les voici lancés dans l’aventure réelle et surréelle de l’incarnation.
L’amour dure trois ans n’est ni cynique ni romantique. C’est en revanche un film aussi heureusement comique que lyrique. Son auteur, rappelons-le, et contrairement à certains clichés qui circulent à son propos, n’est pas seulement un ex-lanceur de crustacés violé dans son enfance par les frères Bogdanov, mais aussi l’une des rares personnes qui n’hésite pas à se moquer avec profondeur de son propre sens de l’autodérision. Les scènes comiques de L’amour dure trois ans sont très inventives et réussies, en particulier celles dans lesquelles interviennent les parents de Marc Marronnier et son éditrice méprisante et castratrice. Elles culminent cependant à la fin du film avec l’histoire d’amour de Jean-Georges, l’ami de Marc incarné par Joey Starr et avec l’hilarant et bouleversant mariage de Jean-Georges. L’amour dure trois ans ? Beau comme la rencontre de Joey Starr et de Michel Legrand sur une plage basque. Beau comme le sens du toucher et celui de l’espérance.
L’amour dure trois ans, en salles depuis le 18 janvier.
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