Les Lyonnais et a fortiori les étudiants de toute la région Rhône-Alpes connaissent de réputation l’université Lyon-2, autrement baptisée par les plus méprisants d’entre eux « la fac des glandeurs ». D’abord vue de l’extérieur, la fac au rabais a fière allure. Les bâtiments du campus des quais du Rhône portent dignement la devise Scientia et Labore accompagnée d’une statue du grand Claude Bernard, et ne dépareillent pas à côté de la voisine, l’université Jean-Moulin-Lyon 3. Il faut y mettre les pieds, écumer les amphithéâtres mal chauffés et user ses fonds de culotte sur les chaises branlantes en balayant d’un revers de main les écailles de peinture qui tombent parfois du plafond pour se rendre compte, de l’intérieur, de l’étendue du désastre universitaire français.
Ces derniers mois, pourtant, un scandale aurait du faire grand bruit non seulement dans le microcosme universitaire mais dans l’opinion publique : une partie des quelque 1500 enseignants vacataires sont en grève pour réclamer … un contrat de travail. Depuis la rentrée de septembre 2014, en effet, la plupart effectuent ce qu’il convient d’appeler du travail au noir, n’ayant ni convention ni salaire pour reconnaître leur tâche pourtant de plus en plus importante au sein de l’institution. Suivant les filières, et particulièrement en sciences humaines, le volume de cours assuré par les vacataires (doctorants y compris) atteint 70% du total, incluant fatalement les cours magistraux pour lesquels, en principe, les maîtres de conférence et professeurs d’université sont bien mieux armés.
Exaspéré par la situation et le peu d’écho que la mobilisation rencontre, le collectif des vacataires en grève déplore, désabusé, la dégradation dramatique de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis une dizaine d’années. Les réformes engagées, désengagées, esquissées, n’ont eu pour seul effet de soulever un peu la poussière des salles de cours. Le budget alloué à la recherche publique stagne à 2.25% du PIB, entraînant la chute du nombre des emplois scientifiques, l’explosion de la précarité voire du chômage des jeunes docteurs. Un cercle vicieux.
Comment s’étonner alors de la fuite des cerveaux ? Comment, dans ces conditions, prétendre réparer la fracture abyssale entre l’université et les Grandes Écoles ?
Fin 2013, la gauche voulut stopper l’effondrement du rayonnement intellectuel français en le rendant plus exportable: en ligne de mire, le système franco-français des classes préparatoires. Supprimer un système à deux vitesses qui s’essouffle par une machine simple et performante faillit être séduisant.
Mais tant que des séances de baby-sitting rapportent davantage à des doctorants que leur poste d’enseignant vacataire, l’université française fera plus pitié qu’envie.
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