Certains damnés de la terre pensent être des rois détrônés. D’autres veulent simplement manger du reblochon mais n’ont pas de quoi se l’offrir. Et dans le quart monde de la France périphérique, il est rare que la conscientisation de classe résiste longtemps à l’appel du fromage. Hier, à Lyon, une interpellation « mouvementée » a ainsi mis aux prises de jeunes gourmets avec les forces instituées de la police et de la grande distribution. Dans des circonstances qui pourraient désespérer tous les amis du genre humain.
Entre Jean Valjean et Groland
Pour l’instant, accordons-leur l’ombre d’un doute : à 16 et 18 ans, il est bien rare de maîtriser la dialectique comme les fonctionnalités de son compte Facebook. Au Lidl (circonstance aggravante?) du 7e arrondissement de Lyon, le jeune couple aidé d’un comparse a commis un méfait à la Jean Valjean. A moins que ce ne soit du Groland. Interpellée, la France profonde a sorti les fourches et envoyé des insultes racistes et menaces de mort aux vigiles, ajoutant quelques horions à ses généreuses algarades. Ils auraient « littéralement pété les plombs » ajoute un journaliste local qui ne différencie pas le propre du figuré. Que trépasse si le pays réel faiblit, l’interpellation « mouvementée » s’est fatalement échouée en arrestation.
Misère du Le Pen-prolétariat
Les pauvres, ça pue. Le reblochon c’est nauséabond. Qui aime un « produit du terroir » est forcément suspect d’idées rances. CQFD : se souvenant que nos régions avaient du talent, les deux malfaiteurs ont aussi considéré que les vigiles noirs n’avaient rien à y faire. Et qu’à tout prendre, si nos bons produits étaient certifiés « AOC », les voyous qui les dérobent devraient l’être aussi.
Ingénument, l’adolescente a pensé qu’éclater volontairement son crâne contre une vitre lui offrirait les circonstances atténuantes de violences policières. La ficelle était un peu grosse. Et il est peu vraisemblable que « les polices partout, justice nulle part » des militants anarchistes viennent au secours du Lepen-prolétariat.
Mais tout n’est pas perdu. A la lumière de cette affaire, notons que l’indécence ordinaire des gens simples et des voyous bien de chez nous allégera la tâche des ennemis du genre humain. L’époque a changé depuis Baudelaire ; les pauvres s’assomment désormais eux-mêmes.
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