Alors que les universités devraient être des lieux d’échanges intellectuels et de débats d’idées, la politisation de l’enseignement a pris le pas à Lyon 2 au point qu’en dénoncer les dérives peut s’avérer risqué. La situation inquiétante du jeune Eliott Savy en atteste.
C’était il y a quelques temps déjà, l’an dernier, je dirais. Eliott Savy, un jeune que j’avais croisé au cours de ma vie politique lyonnaise, et avec qui nous échangions sur Facebook me soumettait le plan d’un cours de sa licence de science politique en me demandant ce que j’en pensais. Le cours s’appelait, « Politiques comparées, les Etats post coloniaux » et une séance l’avait interpellé car elle s’intitulait « le féminisme islamique ». En fait, ce qui avait sauté aux yeux d’Eliott, c’était qu’il fallait étudier le slogan de l’association pro voile Lallab « mon voile, mon choix ».
A lire aussi: Burkini à Grenoble: les fausses discriminées
A titre personnel, ce sont davantage les deux lectures obligatoires qui m’ont fait réagir. D’abord il y avait le bouquin de Zahra Ali, sorte d’exégèse coranique dans laquelle plusieurs contributrices tentaient de prouver que le livre sacré des musulmans contenait un message féministe (on trouve entre autres réjouissances dans ce livre notamment des références à la « circoncision féminine » pour désigner l’excision…) Cet ouvrage, avant d’avoir un quelconque lien avec la science politique, est d’abord clairement un manuel de prosélytisme islamique. L’autre lecture obligatoire était un article d’une revue scientifique où l’auteur tentait de démontrer que l’émergence du féminisme islamique en Iran contribuait à l’émancipation de la femme…
Dérive gauchiste, communautariste et « racisante » de l’Université
Mais s’il n’y avait que cela, c’est à dire une seule séance dans un cursus de trois ans, on aurait pu plaider la maladresse. Le problème, c’est que la quasi-totalité de ses cours, dont l’intitulé est parfois anodin sont empreints d’une idéologie post moderne assez marquée. Ainsi, le cours « Politiques de l’Union européenne », dont on peut imaginer qu’il va nous parler de libre-échange ou de politique monétaire s’ouvre sur une séance intitulée « la politique européenne d’immigration », dont les lectures imposées et les sujets traités sont une ode aux migrants. Un autre cours, se nommant « Sociologie historique de l’Etat » se termine par deux séances sur la colonisation, dont la dernière est sobrement intitulée « Colonisation et altérité », tout un programme dé-colonial dont on peine à établir le lien avec le thème du cours.
Bref, partout de l’intersectionnel, du post colonial, de l’étude de genre et un engagement politique qui fait froid dans le dos, non pas qu’il serait rare au sein de l’université, mais parce qu’il est érigé en système et n’est jamais contre balancé.
On pourrait évoquer des exemples innombrables où le militantisme se cache derrière une présentation académique mais il nous suffira d’évoquer la première séance du cours « Sociologie des mobilisations collectives ». Elle s’intitule en effet « Les effets de la répression sur les mobilisations et les militants » avec un texte sur la mort de Rémi Fraisse à commenter. Autrement dit, avant même d’étudier ce qu’est une mobilisation collective, soit l’objet même du cours, on parle des violences policières et de la répression.
A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Vous qui votez à droite, laissez-moi vous expliquer l’intersectionnalité…
L’Université Lyon 2 est toutefois connue pour cela : on n’y rentre pas si on s’attend à une ambiance conservatrice et bourgeoise. Depuis toujours, c’est l’université de gauche à Lyon, comme il y en a beaucoup en France et après tout, la liberté universitaire doit être le fondement de l’enseignement supérieur et l’on n’imagine pas quiconque imposer politiquement la suppression d’un enseignement, ce serait de la censure et une dérive qui n’est absolument pas souhaitable.
« Féminisme islamique »
Toutefois, on peut se demander si le fait de ne quasiment jamais contre balancer l’engagement politique proposé en cours est réellement bénéfique pour des étudiants ayant une vingtaine d’années ?
A lire aussi: Pourquoi mes étudiants en droit sont si nuls
Durant le cours sur le féminisme islamique, pour revenir sur le plus caricatural, aucun point de vue présentant un féminisme plus universaliste n’est présenté, seuls des textes et des exemples militants défendant et promouvant cette vision pour le moins discutable sont présentés. Où est le débat universitaire ? Où est la controverse scientifique ?
Mais après tout, les gens viennent en effet en connaissance de cause. Eliott Savy le savait bien lui aussi. Il s’est par ailleurs étonné auprès de moi de l’usage systématique de l’écriture inclusive, des encouragements de l’encadrement de l’université à aller manifester ou à aider les migrants et d’autres manifestations gauchisantes, mais il était conscient de la fac où il mettait les pieds.
Tags menaçants
Alors il a voulu aller au bout de la démarche. Et il a prévenu la presse. Au départ, ce furent des articles anonymes dans la presse nationale. Son nom n’apparaissait pas, les gens s’offusquaient en ligne mais cela en restait là. C’est finalement le Progrès, vénérable institution lyonnaise qui, fort d’une nouvelle ligne éditoriale courageuse, allait faire une double page incendiaire mentionnant l’identité du jeune Eliott.
C’est à partir de là que, depuis le 17 septembre 2019, cet étudiant, désormais en master, toujours à Lyon 2, allait voir son nom tagué un peu partout, allait faire l’objet d’un véritable harcèlement en ligne, notamment d’un appel à le « grand remplacer ». Comme souvent avec la gauche extrême, la notion de débat démocratique et contradictoire est pour le moins complexe. Mais comme trop souvent, avec l’extrême gauche, les méthodes musclées ne sont jamais bien loin. N’oublions pas que désigner une cible et inscrire son nom sur les murs de l’université et des arrêts de tramway fait courir un sérieux risque à son auteur. Nous sommes à Lyon, ville qui a connu deux attentats cette année, dont l’un au couteau à Villeurbanne, à 1 kilomètre du campus de Lyon 2.
Mais Eliott a gardé la tête froide. Après tout, il est sûr de son bon droit, il utilise la liberté d’expression et croit en l’État de droit. Il a donc porté plainte contre X suite aux tags le désignant nommément. Évidemment, son cas va être très médiatisé. Après la presse régionale, on va avoir la presse nationale, Eliott Savy risque de devenir le symbole de la dénonciation de la dérive indigéniste et post coloniale de l’université française.
Alors qu’un de ses étudiants est nommément désigné sur les murs de sa fac, alors que ce dernier est harcelé en ligne, espérons que la Présidence de l’Université n’attende pas l’irréparable pour prendre la parole.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !