Entretien avec Lydia Guirous, qui publie Assimilation, en finir avec ce tabou français (Editions de l’Observatoire, 2021). Le retour dans le débat de la notion clivante d’assimilation est-il un phénomène de mode ou peut-on envisager des traductions dans le réel?
Née en Kabylie, arrivée à l’âge de six ans à Roubaix et d’origine modeste, Lydia Guirous a un parcours politique singulier. Après avoir évolué dans sa jeunesse dans les milieux associatifs, où elle détonne, voilà presque dix ans qu’elle est en politique, à droite. Son nouvel essai, Assimilation, en finir avec ce tabou français, disponible en librairies, aborde une question très présente dans le débat français actuel. Question sur laquelle ses positions courageuses sont connues depuis longtemps. Elle les y précise.
La France s’est gravement fourvoyée en misant sur la simple intégration des immigrés. La France a délaissé l’assimilation, pourtant indispensable à notre bonne cohésion républicaine, d’autant que les flux migratoires vers le pays sont monstrueux. Attachée à l’identité française, Lydia Guirous constate que la France n’est plus un “eldorado économique” mais demeure un “eldorado social”. Selon elle, la doctrine de l’intégration, c’est en réalité “un laxisme (…), un je-m’en-foutisme sans vision à long terme”. Elle dénonce: “quand des sociologues, des journalistes ou des universitaires donnent du crédit aux thèses indigénistes, ils jouent aux pyromanes”. Alors que la tragédie est déjà là : “une partie des adultes de demain croient en la charia plus qu’en la République” ! Lydia Guirous estime que la France doit faire un “reboot” de son logiciel d’intégration. Nous lui avons demandé comment. Entretien.
Causeur. Quelles analyses vous inspire le parcours de Jamel G, l’attaquant de Rambouillet, tel que nous l’a décrit la presse?
Lydia Guirous. Le terroriste Jamal G qui a tué à coups de couteau cette mère de famille de 49 ans, fonctionnaire qui travaillait au commissariat de Rambouillet, démontre à quel point il y a des trous dans la raquette des régularisations. Le parcours de Jamal G met en lumière toutes les faiblesses et incohérences de notre politique migratoire.
Dès octobre 2020 il y a sur son profil Facebook des messages haineux, des textes religieux radicaux. Il partageait les messages des officines de l’islam politique, de leurs collabos qui parlent d’islamophobie d’État et, on y retrouvait aussi leurs apôtres Jean-Luc Melenchon, Edwy Plenel, Tariq Ramadan… Cela ne l’a pas empêché d’être régularisé le 28 décembre 2020 pour passer à l’acte quatre mois plus tard. Ainsi, en situation irrégulière pendant dix ans, il a été récompensé par la régularisation de sa situation, car il justifiait d’un CDI de livreur. La fin du délit de séjour illégal est une invitation au séjour irrégulier et un message de faiblesse. Il est suicidaire de régulariser des personnes qui haïssent la France, un rapide tour sur son Facebook prouvait sa haine viscérale de notre pays et de notre société.
Je plaide pour que l’assimilation soit exigée avec rigueur et autorité, car c’est la seule solution pour éviter la désintégration et la déflagration culturelle qui couve. Je rappelle que c’est la loi. Les articles 21 et 24 du code civil disent clairement que l’assimilation est une obligation pour être naturalisé. Elle doit aussi l’être pour être régularisé. La France n’est ni une page blanche, ni un paillasson. Il faut la respecter et elle doit se faire respecter. Défendre l’identité de la France, c’est vouloir la France debout. Nous n’avons pas à rougir, ni à nous excuser car de belles valeurs émancipatrices fondent l’ADN politique de notre pays et de notre République.
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Ceux que vous qualifiez de « Français par hasard » dans votre livre recouvrent-ils parfaitement la notion de « Français de papier » utilisée péjorativement à la droite de la droite ? Classeriez-vous la femme voilée qui a interpellé Emmanuel Macron à Montpellier parmi ces Français de hasard ?
Oui ce sont généralement les mêmes, mais mon appellation permet de ne pas restreindre le débat sur la nationalité et sur l’éternelle dichotomie droit du sang/droit du sol. Ce que je veux exprimer est simple: on ne devient pas uniquement français par le droit et les fluctuations législatives mais par l’acquisition d’un patrimoine culturel et la naissance d’un sentiment patriotique réel. Quant à votre seconde question, c’est une évidence : cette femme en hijab est une Française par hasard, qui a l’intention de vivre en France sans reconnaître le creuset républicain et l’unité de la nation française. Elle est le fruit de politiques d’intégration ratées depuis des décennies, où l’on a fermé les yeux sur les îlots communautaristes qui grandissaient devant nous. Pour être plus claire, quand on est française, on ne porte pas un hijab comme au fin fond de l’Arabie-Saoudite ou autres charmantes démocraties en pointe sur l’égalité homme-femme! Ce n’est pas raciste que de dire cela et il ne faut pas avoir peur de le dire. Ce qui est raciste, c’est de ne pas vouloir se mélanger avec les autres et préférer vivre à côté des autres. Subtilement, et l’on reconnait bien la patte de l’islam politique derrière ses paroles, la femme de Montpellier essaye de nous culpabiliser en nous disant que ces enfants ne voient pas assez de « Pierre »… Mais nul peut se prévaloir de sa propre turpitude. Si elle veut voir des Pierre, qu’elle retire son voile ainsi que ses amis et arrête de vouloir imposer sa culture et sa religion dans l’espace public.
Les Français réalisent que le multiculturalisme, sympathique de prime abord, recèle quelques poisons. Le retour dans le débat politique ou intellectuel de la notion d’assimilation, clivante, est-il un phénomène de mode ou peut-on envisager des traductions rapides dans le monde réel ?
Je crois que l’on a touché les limites du laxisme des politiques d’intégration à la sauce mitterrandienne des belles années de SOS racisme où le mot d’ordre était : faites ce que vous voulez dans notre pays, mais votez pour nous car vous êtes les nouveaux prolétaires de notre révolte rose ! Les gens sont fatigués de cette dénaturation de la France, de son histoire et de ses valeurs. Une grande lassitude et une sensation forte de déclassement social et culturel se trouve aujourd’hui dans l’opinion publique. À l’exception d’une élite pseudo-intellectuelle de gauche, les Français sont aujourd’hui prêts à revenir à une logique d’assimilation stricte concernant les immigrés. Le premier signal fort que l’on pourrait envoyer à l’islam politique est l’interdiction du voile dans l’espace public. Si l’on a ce courage, alors on sera respecté… même par nos ennemis.
Interdire le voile dans l’espace public, voilà une proposition que seul le RN proposait jusqu’à présent ! Deux autres propositions phares dans votre essai : déclarer les Frères musulmans comme organisation terroriste, et revenir sur un droit du sol trop généreux. Avec qui pouvez-vous entendre pour porter et appliquer ces propositions en cas de retour de LR aux responsabilités nationales ?
Concernant le voile, c’est une proposition que je porte depuis longtemps, elle a commencé à mûrir dans les esprits et pas uniquement au RN mais chez de nombreux dirigeants de droite. Par ailleurs ce n’est pas une proposition, mais la réponse spontanée, la plus rationnelle et la plus visible aux agressions et au prosélytisme incessant de l’islam politique en France. C’est le signal fort qu’il faut envoyer aux islamistes qui ne respectent que la force et ne comprennent que les rapports de force. Quant à déclarer les Frères musulmans comme organisation terroriste et donc dissoudre l’UOIF (renommé « Musulmans de France »), c’est également une mesure de bon sens partagée par de nombreux spécialistes et de nombreux pays, comme l’Angleterre et l’Égypte par exemple. Je soutiendrai toujours, dans la droite ligne de mon engagement intellectuel, celui qui osera combattre de front l’islam politique et défendre les valeurs de la République française et notamment l’égalité homme-femme par l’interdiction du voile, au moins en entreprise, lors du temps scolaire et à l’Université… À gauche, comme à droite, je peux vous dire qu’ils ne seront pas nombreux!
Vous dites que les belles années de SOS Racisme sont loin, que nous sommes à la fin d’un long processus initié par Mitterrand. Dans votre livre, vous postulez que nos ennuis actuels liés à l’islamisme ne commencent pas vraiment avec l’affaire du voile de Creil – ce qu’on dit le plus souvent – mais avec la sympathique marche des Beurs. En quoi était-elle problématique selon vous ?
Quand je parle des belles années de SOS racisme, c’est ironique bien sûr comme vous l’avez sûrement compris. Elles sont la période où tous les maux actuels liés à l’immigration sont apparus: logique communautariste, discrimination positive et nivellement par le bas, relativisme culturel et perte du sentiment patriotique, naissance d’un racisme anti-blanc, révision de l’histoire et exacerbation d’un sentiment de culpabilité post coloniale… je dirais même que ces années de relativisme et de culte des minorités portaient les germes des mouvements intersectionnalistes et racialistes actuels. La gauche intellectuelle parisienne essaye de se dédouaner aujourd’hui de sa responsabilité… mais elle est peu crédible, car c’est bien son obsession des minorités et sa recherche permanente de nouveaux prolétaires pour sa petite révolte rose pâle qui nous a menés dans le mur!
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Quant à la marche des beurs (dite « marche pour l’égalité » initialement), ce n’est pas elle que je cible, mais sa dénaturation politique par la gauche. En soi, c’était une marche noble contre le racisme, puis Mitterrand en a fait la marche des minorités… relayant les maghrébins au rang d’éternels citoyens de seconde zone. Rôle dans lequel nombreux d’entre eux se complaisent par facilité. Les droits plus que les devoirs: c’est tellement simple! C’est cela que je dénonce en pointant les années SOS racisme et la marche des beurs. Mitterrand a légitimé la logique communautariste en France.
Depuis son discours aux Mureaux, vous êtes plutôt indulgente vis-à-vis de notre actuel président. Concernant la loi séparatisme, vous dites que le rôle de chaque citoyen est de soutenir le gouvernement. Je suis désolé, mais pour beaucoup cela ne va pas être possible… Emmanuel Macron est-il finalement au clair avec l’idée d’assimilation ?
Un citoyen rationnel doit soutenir tout ce qui protège la République et ses valeurs, et je pense que la loi sur le séparatisme va dans le bon sens en matière de combat contre l’islamisme… même si elle ne va pas assez loin sur le voile des petites filles ou les mères accompagnatrices voilées par exemple. Disons que je lui laisse le bénéfice du doute et que les intentions me semblent bonnes.
Quant à la position du président Macron sur l’assimilation, effectivement il y semble opposé ou en tout cas pas encore converti. Souhaitons qu’il évolue dans le bon sens pour défendre la France et combattre efficacement le prosélytisme de l’islam politique. Seule l’assimilation permet de lutter réellement contre la partition violente qui vient, surtout chez les plus jeunes qui rejettent de plus en plus les lois de la République pour préférer celles de la charia. Il faut retrouver une autorité, une fermeté, une fierté française et une École digne de celle des hussards noirs dont l’objectif est de fabriquer des Français de cœur et des républicains. Aujourd’hui nous en sommes loin. Mais le redressement de notre pays est encore possible.