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Ce lycée qui refuse de porter le nom d’un résistant

La "communauté éducative" veut débaptiser le lycée Honoré-d'Estienne-d'Orves à Carquefou


Ce lycée qui refuse de porter le nom d’un résistant
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A Carquefou (Loire-Atlantique), la « communauté éducative » s’est mis en tête de débaptiser le lycée Honoré-d’Estienne-d’Orves. Bien que résistant, ce fusillé du Mont-Valérien était chrétien et issu de la droite monarchiste.


Honoré d’Estienne d’Orves n’a pas de sang français sur les mains. Il est de ceux, presque tous monarchistes, qui refusèrent les premiers l’Occupation. Noble, chrétien, marin, c’était un homme curieux de tout ce que ces nombreux voyages mettaient sous ses yeux. Ses lettres, citées abondamment dans la biographie qu’Étienne de Montéty lui a consacrée en 2001, dévoilent un caractère doux, un garçon très attaché à sa famille, habité par l’idée d’être digne d’un nom qui oblige, et qui s’ennuie aussi parfois durant les croisières qu’il mène au service de la France. Les temps de paix sont mortels aux soldats. Il rêve d’action.

En 1940, contrairement à nombre d’officiers mariniers qui, par haine atavique de l’Angleterre, préfèreront couler leurs vaisseaux plutôt que de les livrer au général, lui file à Londres. Envoyé en France afin d’organiser un réseau de renseignements, il est arrêté à Nantes le 21 janvier 1941. Emprisonné à Fresnes, il y reste sept longs mois, qui lui permettent de se rapprocher de Dieu, comme il l’écrit à sa sœur. Il est fusillé au Mont-Valérien, en compagnie de quatre-vingt-dix-neuf autres otages, le 29 août.

Hubert Reeves, Alan Turing, Michel Serres…

Dans la France d’avant, dans l’Europe d’avant, Honoré d’Estienne d’Orves était un héros. De ceux qui donnent leur nom à des rues, des places, des lycées. D’ailleurs, on croise le sien un peu partout. Aujourd’hui, il fait « débat », pire, « polémique ». En effet, la presse nous apprend ces jours-ci que la « communauté éducative » du lycée de Carquefou, sorti de terre il y a un an, résiste à ce baptême qui lui paraît suspect. Parents, élèves, profs ont organisé une consultation afin de trouver un saint patron plus en accord avec leurs convictions idéologiques.

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La compétence, en la matière, revient au Conseil régional ; ce dernier a jugé utile de demander son avis à la « communauté éducative ». Le résultat de cette opération n’étonne guère : Hubert Reeves, Alan Turing et Michel Serres – nul doute que Gandhi, Mandela, Maître Gims et Théo ont également récolté quelques voix. Mais comme c’est le Conseil régional qui décide, celui-ci maintient son choix, au grand dam du conseil d’administration du lycée qui, à son tour, résiste au diktat nantais. L’opposition socialiste, dont la base électorale s’appuie sur les « communautés éducatives », soutient les rétifs. Sur son blog, nous apprend Presse Océan, un certain Éric Thouzeau, conseiller régional du groupe Gauche démocrate et sociale, y va franchement : « Nous ne comprenons pas cette volonté d’imposer un nom. Est-ce parce que le grand résistant Honoré d’Estienne d’Orves était issu de la droite monarchiste ? »

La gauche morale sait mieux que vous

C’est toujours la même chose, avec la gauche morale : elle ne conçoit pas qu’on puisse penser autrement qu’elle. Son engagement est naturel ; ses passions sont humaines. Dans les villes qu’elle dirige, elle construit des collèges Salvador-Aliende, des écoles Julius-Rosenberg, des MJC Ahmed-Ben-Bella, et là, pour le coup, elle ne se demande pas si ces noms pourraient faire « débat » – de toute façon, c’est elle qui dit ce qui le fait ou non. On comprend bien ce qui la gêne dans la figure altière d’Honoré d’Estienne d’Orves : patriote, monarchiste et chrétien sont autant de notions qu’elle combat depuis – pour rester poli – cinquante ans. Elle qui fait courir des enfants entre les tombes à Verdun, ça la tracasse, ça la bouleverse, ça meurtrit son petit cœur autour duquel, chaque soir avant de se coucher, elle aligne dans un savant désordre bougies et nounours. L’unique violence qu’elle accepte, c’est celle des siens, de ceux qui ont lutté pour les droits de l’homme et de rouler en trottinette.

Un « travail de découverte » sur Honoré d’Estienne d’Orves

Exhumer le bel Estienne d’Orves, c’est en outre prendre le risque, évident pour parents et profs, de traumatiser les élèves. Comment leur expliquer qu’en 1940, on pouvait être de droite et antinazi ? Qu’on pouvait hurler « Vive la France » face à un peloton d’exécution ? Est-il bien raisonnable de mettre ces idées-là dans le crâne des futurs génies que l’Éducation nationale, cette immense garderie, va offrir au pays – que dis-je ? au monde ! Le sentimentalisme rejoint ici le sectarisme le plus bête. Ce nom dérange parce qu’il contredit l’historiographie officielle et parce qu’il n’est pas « moderne », c’est-à-dire soumis à l’air du temps que toutes les « communautés éducatives » voudraient – par un acte de pure volonté, faisant fi du réel – suivre. La proviseure du lycée de Carquefou, forcément conciliante, prend acte de l’entêtement du Conseil régional : « Il y a de la déception chez les élèves et le personnel, bien sûr (…) On va plutôt s’appuyer sur le parcours d’Honoré d’Estienne d’Orves pour mener un travail de découverte et de mémoire en histoire-géo. Ce sera plus constructif », dit-elle à 20 Minutes. La profusion de tablettes dont l’établissement est doté, et dont il s’enorgueillit, l’aidera sûrement à atteindre ce prometteur objectif.

Le 29 août 1941, au Mont-Valérien, le capitaine de frégate Honoré d’Estienne d’Orves tombait, à quarante ans à peine, sous les balles allemandes. Chrétien, il partait sans haine pour ses bourreaux. Lors de la marche blanche qu’ils fomentent sans doute à l’heure où nous écrivons, nous suggérons aux lycéens, à leurs parents et aux profs de proposer le nom de Maurice Audin. Avec un peu de chance, s’il trouve un créneau dans son agenda, le président de la République, flanqué de Quotidien et Libération, viendra fêter l’heureuse substitution. À chacun ses héros. La gauche morale a les siens : intellectuels déracinés, « victimes » statutaires et éternelles, et, surtout, traitres. Nous en avons d’autres. Et les nôtres n’ont pas de sang français sur les mains, sinon celui des collabos.

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Nicolas Lévine est écrivain

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