Accueil Édition Abonné Lutter contre le terrorisme au prix de l’état de droit?

Lutter contre le terrorisme au prix de l’état de droit?


Lutter contre le terrorisme au prix de l’état de droit?
JM. Blanquer dépose une rose dans la cour du College du Bois d'Aulne en hommage a Samuel Paty, 16/10/2021 ISA HARSIN/SIPA

Le livre récent d’Alexis Deprau, Le droit face à la terreur, explore une question fondamentale : à partir de quel moment les mesures législatives prises par l’Etat pour nous protéger contre le terrorisme commencent-elles à saper la base de notre démocratie?


Pour lutter contre le terrorisme, le législateur n’a cessé de faire évoluer le droit, invoquant la nécessité de cette évolution pour s’adapter aux nouvelles méthodes terroristes et pour y répondre. Au nom de la défense de la sécurité, c’est l’appareil législatif français qui a été bouleversé, modifiant parfois la structure de l’état de droit. Loi renseignement, écoutes, filatures, organisation des services, c’est toute une évolution juridique qui transforme autant la pratique que la philosophie du droit. Mais si cela est fait pour défendre la démocratie, est-ce que l’esprit de la démocratie est maintenu quand la loi devient de plus en plus intrusive et que recule la vie privée ? Jusqu’où peut-on aller dans l’évolution législative pour lutter contre le terrorisme ? Il faut bien, en matière de droit aussi, fixer des limites et interroger l’efficacité réelle de ces mesures. Le risque en effet est de perdre son âme et de perdre la démocratie, tout en prenant des mesures législatives qui se révèlent inutiles. Et une fois l’appareil législatif mis en place, qui peut garantir que celui-ci sera bien utilisé dans la lutte contre le terrorisme et non pas pour d’autres fins ? Un concept du terrorisme qui est par ailleurs de schéma variable et qui peut s’étendre à l’infini. Le terrorisme politique n’autoriserait-il pas la mise sur écoute et le contrôle d’adversaires politiques ? C’est toute la réflexion que porte Alexis Deprau dans cet ouvrage, tiré en partie de sa thèse de doctorat. L’auteur nous fait entrer dans le fonctionnement des services de renseignement, dans l’organisation de la police, dans la fabrication de la loi et dans les limites du juridique pour protéger les sociétés. Et si, au nom de la défense de notre modèle de société et de notre civilisation, nous en venions à nous détruire nous-mêmes par l’adoption d’une législation répressive et attentatoire aux libertés fondamentales ? C’est toute la question de la philosophie du droit qui est ici posée.

A lire aussi, de Jean-Baptiste Noé : Terrorisme : refuser de nommer

Alexis Deprau, Le droit face à la terreur, Le Cerf, 2021, 24€.

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Rédacteur en chef de Conflits, il dirige le cabinet de formation Orbis Géopolitique.

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