Le président brésilien soutient l’accusation faite devant la Cour internationale de justice par l’Afrique du Sud selon laquelle Israël pratiquerait un génocide à Gaza
La communauté juive brésilienne compte environ 120 000 membres, répartis principalement entre les deux mégapoles de São Paulo (90 000 personnes) et Rio de Janeiro. Les Brésiliens juifs sont les descendants de migrants venus successivement du Portugal, d’Espagne, du Maroc (début du XXe siècle), de l’empire russe, de Roumanie, de Pologne et d’Allemagne (entre 1919 et 1939). Ils ont été rejoints après la Seconde Guerre mondiale par des survivants de la Shoah, des Juifs expulsés d’Egypte (1956) et persécutés en Irak.
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J’ai la chance de maintenir des relations avec cette communauté depuis trente ans. C’est au sein du Centre culturel Juif de São Paulo que j’ai fait la connaissance de Marcos Susskind, descendant d’une famille juive allemande arrivée au Brésil en 1938, après avoir fui Berlin en 1934 et être passée par la France. Marcos est né à Rio de Janeiro en 1947. Il a fait des études universitaires en gestion d’entreprise au Brésil (années soixante-dix). En Israël, il a suivi parallèlement une formation de guide touristique dans les années soixante-dix à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Sa vie professionnelle très riche a été consacrée à faire connaître à des groupes d’hommes d’affaires brésiliens les capacités et les réalisations d’Israël en innovations technologiques. Il a ainsi accompagné à de très nombreuses reprises des missions commerciales brésiliennes en Israël. En 2015, la famille Susskind (Marcos, son épouse et leurs trois enfants) a fait son Alyah. Elle vit depuis à Holon. En Israël, Marcos est désormais toujours guide, accompagnant notamment des groupes de visiteurs chrétiens. Il est aussi très engagé dans des ONG de lutte contre les drogues. Enfin, il continue à animer sur les réseaux sociaux des programmes d’information sur Israël à destination du public brésilien. C’est une voix très connue au Brésil, au-delà même de la communauté juive. Marcos a 11 petits-enfants, dont quatre sont actuellement mobilisés au nord d’Israël et sur la bande de Gaza.
Récemment, en découvrant que le gouvernement brésilien avait choisi de soutenir l’accusation de génocide faite à Israël devant la Cour Internationale de Justice par l’Afrique du Sud, il a décidé d’envoyer une lettre ouverte au président Lula. Il n’aura pas de réponse à ses questions, comme lui-même le mentionne. Mais la lettre ouverte a déjà une grande répercussion au Brésil, dont la majorité des habitants sont loin de partager la position de Lula sur les crimes du Hamas et la guerre de défense que mène Israël.
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J’ai pris l’initiative de traduire cette lettre que vous trouverez ci-dessous. Au nom de mon ami Marcos, je vous remercie pour l’ample divulgation que vous pourrez faire de cette missive. Notamment auprès de journalistes et formateurs d’opinion français qui contribuent trop souvent à forger l’image d’homme de paix et de leader politique sérieux que Lula voudrait avoir !
Lettre ouverte à Lula : À propos d’une de ses dernières décisions
Bonjour camarade Lula,
J’ai appris que vous souteniez et approuviez l’accusation faite devant la Cour internationale de La Haye par l’Afrique du Sud et selon laquelle Israël pratiquerait un génocide à Gaza. De nombreuses questions me sont alors venues à l’esprit qui mériteraient des réponses. Mais je vous avoue tout de suite que je ne les attends pas, puisque je vous ai écrit plusieurs fois depuis 2010 et que vous n’avez jamais daigné me répondre.
- La Syrie a assassiné 650 000 civils et déplacé 4 500 000 personnes dans le cadre de la guerre civile actuelle. Considérez-vous le gouvernement syrien comme un génocidaire ?
- L’invasion actuelle de l’Ukraine par la Russie a déjà fait plus de 500 000 morts. Avez-vous accusé la Russie de génocide ?
- La guerre civile en cours au Soudan a poussé 1 500 000 personnes à quitter leur pays et 5 250 000 à quitter leur foyer et à vivre en tant que réfugiés à l’intérieur du pays. Avez-vous condamné le Soudan ?
- 600 000 civils non-combattants sont morts dans la guerre d’Éthiopie. Avez-vous considéré l’Éthiopie comme un pays génocidaire ?
- Avant de formuler ma dernière question, j’ose vous demander si vous savez ce qu’est un génocide ? Je crois utile de vous expliquer plus loin de quoi il s’agit.
- Dans la guerre déclenchée par les monstres terroristes du Hamas et que poursuit Israël pour défendre sa population et éradiquer une menace insupportable, environ 21 000 personnes sont mortes à Gaza, dont près de 9 000 terroristes. La plupart des 12 000 non-combattants tués étaient des boucliers humains utilisés par les terroristes. Aussi dramatiques que soient les morts de ces victimes, les chiffres n’atteignent en rien ceux de la guerre civile en Syrie, de la guerre en Éthiopie ou des victimes civiles en Ukraine. Pourquoi accordez-vous plus d’importance aux 12 000 victimes civiles gazaouies qu’aux plus de 2 millions de victimes des autres conflits cités ici ?
J’en viens maintenant à une définition du génocide que vous ignorez sans doute : « Le génocide est un crime contre l’humanité caractérisé par des pratiques visant à l’élimination d’un groupe d’êtres humains pour des raisons raciales, ethniques et religieuses. Sont considérées comme des activités génocidaires : l’extermination, le massacre, l’anni- hilation, le meurtre de groupes ethniques, d’affiliations religieuses ou de nationalités ».
Lula, avec la force aérienne phénoménale dont dispose Israël, si les responsables militaires de cet État avaient conçu et exécuté un génocide, cela aurait pu être réalisé en 48 heures au maximum ! Sachez que la population de Gaza est concentrée à plus de 80% entre les deux localités de Han Yunes et Rafah. Il s’agit là d’une zone de moins de 160 kilomètres carrés, plus petite que la plupart des grandes propriétés agricoles existantes au Brésil.
Lula, je ne suis pas certain que vous-mêmes ayez la conviction qu’Israël soit responsable d’un génocide à Gaza. Vous êtes cependant entouré d’extrémistes antisémites dangereux, comme Celso Amorim (conseiller spécial du président pour les relations internationales) et Gleisi Hoffmann (présidente du Parti des Travailleurs, la formation de Lula). Votre gouvernement est soutenu par ailleurs par des antisémites notoires qui militent au sein de votre parti et de formations alliées. Tous ces gens vous dictent ce que vous appelez votre politique « anticolonialiste », « anti-impérialiste », pour ne citer que quelques-uns des adjectifs qu’ils emploient pour dénigrer tous ceux qui ne suivent pas leurs catéchismes idéologiques. À suivre ces conseillers sinistres, vous en êtes arrivé à soutenir les vrais génocidaires, comme le Hamas, dont la charte préconise l’anéantissement d’Israël et du peuple juif.
Pour conclure cette lettre ouverte, je vous avoue que je suis convaincu que je n’aurai pas de réponse de votre part. Je continue cependant à poser les questions que votre attitude fait surgir. Comment avez-vous pu imaginer obtenir un jour le prix Nobel de la paix ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le président, l’expression de mes salutations distinguées.
Marcos L Susskind.