S’accommoder avec l’idée que nous serions en « dictature sanitaire » est la pire des attitudes à avoir
Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde.
Je suis désolé de citer une fois de plus cette phrase d’Albert Camus, tellement exploitée. Mais comment ne pas la retenir quand on constate que « face aux anti-passe, Macron opte pour l’intransigeance » dans Le Monde ? J’ai découvert il y a peu le réseau TikTok et dans une vidéo j’ai indiqué que pour être globalement critique à l’encontre du président, notamment sur sa faiblesse régalienne, on avait le droit cependant d’approuver telle ou telle mesure de sa politique sans risquer d’être insulté. Pourtant, de la part de ses opposants systématiques, parfois fanatiques, la moindre concession à son égard est un scandale. Ce président est à détester en gros et ne peut être racheté au détail.
Les réfractaires à la politique sanitaire se radicalisent-ils?
Je ne peux cependant m’empêcher de l’approuver quand, « dénonçant avec force les manifestants anti-passe », il fustige « ces quelques dizaines de milliers de citoyens en perte de sens telle qu’ils peuvent dire qu’on vit en dictature » et cette « violence radicale ». Si on est tenté de nuancer, de rappeler que cette banalisation des mots et de l’Histoire, ces comparaisons absurdes et choquantes, cette référence odieuse et offensante au nazisme et aux camps ne datent pas d’aujourd’hui, il faut se garder de cette tentation.
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Si on se croit autorisé à souligner que ce n’est pas par hasard que ce délire a surgi particulièrement sous le macronisme et cette étrange et paradoxale sensation de vivre sous une démocratie autoritaire mais en réalité tellement impuissante, il convient de se défier de cette envie. Parce que, dans tous les cas, parler de dictature pour la France d’aujourd’hui relève d’une inanité, d’une bêtise, d’un abus, d’une honte. La pire des attitudes serait de s’accommoder de cette ineptie qui, pour se rapporter à la relation entre le pouvoir et une minorité de citoyens, n’en acquiert pas un caractère noble et politique mais demeure dans le registre le plus sot et délirant.
Une profanation
Le comble serait d’accepter que la légitimité d’une cause discutant le passe sanitaire puisse s’octroyer, par extension et sulfureuse contagion, la liberté de s’exprimer n’importe comment et avec un vocabulaire dont l’enflure intellectuelle et historique, l’usurpation démocratique ne peuvent qu’indigner.
Ce n’est pas parce que le président de la République a totalement raison cette fois-ci qu’il doit être crédité globalement.
Ce n’est pas parce que je le loue sur ce plan que je dois être traité tel un traître.
Mais nous ne sommes pas en dictature. Dire le contraire est profaner la République.