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Lucie Castets, le François Pignon de Matignon

La nomination de Lucie Castets ne serait pas une preuve de bonne santé démocratique


Lucie Castets, le François Pignon de Matignon
Lucie Castets visite l'usine Duralex à La Chapelle-Saint-Mesmin, le 31 juillet 2024. GUILLAUME SOUVANT-POOL/SIPA

Une énarque de gauche, voire d’extrême-gauche, essaie depuis quelques semaines de s’imposer comme Première ministre de la France, prétextant la « victoire » du NFP aux législatives. Quel est ce personnage prétentieux et que représenterait sa nomination, si jamais cela advenait? L’analyse de Céline Pina.


Lino Ventura avait Jacques Brel en guise de boulet dans l’« Emmerdeur », le film d’Edouard Molinaro. Emmanuel Macron a lui aussi trouvé son François Pignon en la personne de Lucie Castets. Ce personnage à la fois falot et collant, a la particularité de toujours faire le malheur de celui auquel il s’accroche, sans pour autant se forger un destin propre. Il est néanmoins sympathique, seul point qu’il ne partage pas avec Lucie Castets, première ministrable auto-proclamée et toujours aussi peu désirée.

Lucie Castets, simple produit d’une fiction ?

Pourquoi ce détour par la fiction ? Justement parce que Lucie Castets n’existe pas. Elle n’est qu’un concept, un produit et elle essaie donc de s’imposer par le seul chemin qui s’offre à ceux qui n’ont rien fait de leur vie : la communication. Elle est celle que personne n’attendait et que nul n’espère, une candidate à l’un des postes les plus importants de notre République qui essaie d’imposer sa nomination comme étant de droit, alors qu’elle n’a aucun état de service à faire valoir pour le mériter et que la coalition à laquelle elle appartient n’a pas gagné les élections. « A te voir, ils s’habitueront » semble être à la fois sa devise et sa seule stratégie. Cette femme est le symbole de la vacuité de notre système politique. Son symbole et son symbiote. Elle ne peut prospérer qu’en installant un mensonge et en le faisant passer pour une évidence ; mais c’est justement le fait de transformer en pure fiction notre réalité politique qui est en train de tuer la démocratie.

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Le problème de départ est arithmétique : aucun parti et aucune coalition n’a gagné ces élections, aucun n’a de majorité en mesure de gouverner, la situation est bloquée. Quant au Président, il est libre de nommer qui il veut. De toute façon l’espérance de vie d’un gouvernement dans de telles circonstances est nécessairement limitée. Si une clarification a eu lieu lors de ces Législatives, c’est en termes de désaveu. Hormis le RN qui progresse encore, les autres partis ont réalisé de maigres scores, reflet du peu d’attentes qu’ils suscitent et du peu de confiance qu’ils génèrent. Et ce n’est que justice.

Lucie Castets à Matignon, l’aboutissement d’une manipulation électorale ?

En effet la tentative de nous imposer Lucie Castets est la marque d’un système électoral qui prend les citoyens pour des imbéciles et ne fait même plus d’efforts pour le cacher. Rappelez-vous comment nous avons tous été manipulés. Alors que LFI sombrait dans la justification de la violence politique et l’antisémitisme et exhibait aux yeux de tous sa dérive fascisante ; c’est contre un RN, qui, lui, a renoncé au discours violent et antidémocratique que nous étions invités à faire barrage. Et ce au nom de la lutte contre un fascisme fantasmé qui est devenu l’alpha et l’oméga de notre vie politique. Il nous a même été expliqué qu’utiliser un bulletin du Nouveau Front Populaire contre le RN était légitime si on voulait prouver que l’on faisait partie des gentils. Et pas parce que LFI est moins dangereuse pour la démocratie que le RN. Ce n’est pas le cas.

Pourquoi de telles injonctions alors que nul n’a échappé aux dérapages anti-juifs de Jean-Luc Mélenchon et de ses sbires durant la campagne des Européennes ? Pourquoi de telles pressions alors que les dérapages des élus insoumis ont accentué les violences qui s’abattent sur les Juifs en France et encouragé des passages à l’acte violents ? Pourquoi passer dans ce cas des accords de désistement réciproques avec des gens sans foi ni loi, faisant au passage de l’antisémitisme et de la haine d’Israël, un point de détail de l’histoire alors que le nazisme et la Shoah nous ont montré ce qui se passait quand on mettait l’antisémitisme au cœur de sa vision du monde ?

Or toutes ces objections ont été balayées d’un revers de main dans l’entre-deux-tours. Et il y avait une raison à cela : LFI n’avait aucune chance d’accéder au pouvoir, nous ont assuré le camp présidentiel et les chœurs de vierges des LR. Mais une fois le RN écarté, voilà que l’on nous explique aujourd’hui dans les médias que ne pas nommer chef du gouvernement un fruit tavelé issu d’une alliance délétère avec un parti ouvertement antisémite serait un déni de démocratie ?

Une nomination symbole d’un déni de démocratie

Le vote pour le RN de 10 millions de Français a été jugé illégitime au profit d’une alliance honteuse unissant dans le lit de l’antisémitisme l’ensemble des partis de gauche. Et même avec la mobilisation de l’ensemble des autres partis, le NFP a réuni moins de voix que le RN, 1 millions de voix en moins, ce qui n’est pas rien. Cette coalition qui a trahi toutes les valeurs humanistes qu’elle était censée défendre serait donc notre seul horizon ? C’est à la fois désespérant et moralement dégradant.

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Mais poursuivons encore. Alors que les attentes des Français n’évoluent guère études après études, sondages après sondages, et que leurs préoccupations allient inquiétudes sur le pouvoir d’achat et insécurité culturelle, la prise de pouvoir du NFP nous est présentée comme inéluctable, symbole d’une bonne santé institutionnelle et démocratique. Or cette coalition considère une partie des attentes des Français comme relevant de la xénophobie la plus pure. Elle n’est pas seulement en opposition avec leurs demandes, elle estime que leur formulation même vous fait appartenir à l’axe du mal. Cette coalition, qui a montré qu’elle était capable de toutes les compromissions pour un plat de lentilles ministériel, se permet encore de considérer d’un œil dégoûté la majorité des Français, alors même qu’elle s’est alliée avec un parti indigne. Après la prise en otage de la démocratie, le déni continue et s’accentue.

D’un technocrate l’autre

Autre point. Lucie Castets est un Emmanuel Macron bis. Une autre figure de technocrate parisienne déconnectée des réalités dont la froideur, l’arrogance et l’incapacité à tenir compte du réel tiennent lieu de caractère. Ce type de profil se révèle incapable de penser en termes de rassemblement et d’intérêt général. Il vit en théorie, pense réellement qu’il sait tout et que ses échecs répétés sont dus à la bêtise et à l’indigence des gouvernés, ces Gaulois réfractaires, aussi épidermiques que superflus. Dans le fond, le technocrate n’est pas un démocrate, cela explique qu’il puisse faire un très correct serviteur mais un exécrable maître. Leur incursion en politique génère en général des désastres car ils considèrent le peuple comme une gêne au bon fonctionnement de l’administration.

Reste le programme de madame Castets. D’une indigence absolue, il se borne à être pour le bien et contre le mal. Qui peut être contre l’augmentation du pouvoir d’achat, la lutte pour la justice sociale, l’amélioration du système de santé, l’investissement dans l’éducation… ? Mais un programme n’est pas une lettre au père Noël et la nullité abyssale de trop de nos élus nationaux, dont les pires représentants émargent à LFI, a de quoi effrayer. Certes me direz-vous, avec un espoir de vie d’à peu près trois mois, un gouvernement LFI devrait voir sa capacité de nuisance limitée. Mais pas abolie cependant. En termes de nomination ou de capacité à signer des décrets, il reste une marge de manœuvre pour entamer une entreprise de destruction.

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Lucie Castets n’a donc rien à faire à Matignon, contrairement au récit qu’elle essaie d’installer et qui n’imprime guère. Elle est la meilleure illustration de l’effondrement de notre système politique. Alors qu’un premier ministre doit normalement avoir une image forte et une expérience reconnue pour incarner l’État en action, alors que sa personnalité est en soi un message, la candidature Castets ne dit plus qu’une seule chose : n’importe qui peut devenir ministre même en étant minoritaire dans le pays, même en n’ayant rien accompli qui justifie une telle élévation. Elle est la consécration de la fin du rôle des partis : ceux-ci ne sont plus en mesure de faire émerger des figures susceptibles de gouverner et n’ont même plus en leur sein de personnalités incontournables ou mêmes signifiantes. Ils ne jouent plus leur rôle, ils n’innervent plus la démocratie, ils en sont devenus les parasites. Faute de capacité de propositions, ils n’existent plus que dans l’ostracisation, la diabolisation de l’autre. Principale victime de ce triste jeu : la notion de communs et l’intérêt général.

La nomination de Lucie Castets, si elle advenait, ne pourrait pas être une preuve de bonne santé démocratique mais l’aboutissement d’un déni et d’une manipulation. Et tous ceux qui ont joué aux dévoués castors devraient se réveiller transformés en dindons de la farce.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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