Du Koch à l’âne


Du Koch à l’âne

luchini barjot telerama

Dans ce moi, comme son titre l’indique, on croisera en vrac, au fil de l’actualité, des personnalités aussi variées que Luchini, Pol Pot, Sardanapale, le roi Lear, Papazulu, et bien sûr ce sacré Manuel Valls, fraîchement converti au catholicisme.

Si c’est pas de la « diversité », ça…

EXÉCUTION SOIGNÉE

Lundi 23 mars / L’Utah devient le premier État américain a rétablir le peloton d’exécution pour les condamnés à mort, « en cas de pénurie de produits d’injection létale ». Il faut dire que ces derniers temps, faute des substances ad hoc, certains États avaient cru bon de recourir à des cocktails « expérimentaux » – provoquant chez les condamnés de longues et douloureuses agonies, qu’un peloton d’exécution devrait pouvoir leur épargner.

Reste un truc qui m’échappe : pourquoi les bourreaux américains ne se fournissent-ils donc pas en Suisse – où les injections létales donnent toujours satisfaction au client, et à ses ayants droit ?

DORMEZ, JE LE VEUX !

Vendredi 27 mars / « Journée du Sommeil » ! Qu’est-ce qu’ils ne vont pas chercher… Enfin, pour une fois que c’est dans mes cordes, je ne vais pas la rater !

Sauf que ça commence mal. Couché dès 6 heures, je n’arrive pas à trouver le sommeil jusqu’à la fin de la matinée. Et en plus, avec cette satanée grève à Radio France, me voilà condamné à errer d’une station périphérique à l’autre… Moi qui voulais être doucement bercé, je suis constamment agressé par des flots de pubs toujours plus crétines, et toujours les mêmes, jusqu’à l’horripilation.

C’est alors que, me tournant vers Dieu, je demande asile à Radio Notre-Dame – en priant quand même de ne pas tomber sur la Dizaine de chapelet, qui me rappelle décidément trop les jèzes. Enfer et damnation, c’est pire : la tranche horaire réservée à Fréquence Protestante !

Quand enfin, vers 13 heures, je trouve le sommeil, c’est pour basculer dans un affreux cauchemar sur un livre à écrire d’urgence qui n’en est même pas un (de cauchemar).

LUCHINI EST DANS LA PLACE ![access capability= »lire_inedits »]

Samedi 28 mars, « On n’est pas couché » / Dès son entrée en scène, avec son total look Ramones (Perfecto et jeans, pas troués, hélas !), Fabrice tranche au milieu des endimanchés du samedi soir. Mieux ! Il est le seul des dix personnages présents sur le plateau à ne pas arborer le ruban rouge du Sidaction, obligatoire cette semaine-là sur tous les plateaux télé.

Tout autre que lui, coupable d’un tel blasphème – par provocation ou simple négligence – aurait eu droit à une de ces piques subtiles dont Caron a le secret, genre : « Alors le sida, vous êtes pour ? »

Là, motus. D’ordinaire, le boucher végétarien ne fait pas de quartier ; mais ce samedi, face à Luchini, c’est plutôt lui qui numérote ses abattis. Pas si bête, l’ami Aymeric… Pour être sûr de remporter les oreilles et la queue, mieux vaut s’en prendre aux faibles ! Pas à l’insaisissable artiste, capable de vous coincer entre un aphorisme de Paul Valéry et un grand rire nietzschéen.

À la limite, Caron pourrait se payer un Francis Huster… Le problème, c’est qu’ils risquent d’être d’accord sur tout.

PAPAZULU vs JÉSUS

Mardi 7 avril / Depuis ses errements cathos de jeunesse, visiblement Télérama a su renouveler aussi son lectorat, y compris qualitativement. J’en fais  le constat sur son site internet à propos du documentaire Les Derniers Jours de Jésus, diffusé hier soir sur France 3. Point de commentaire sur l’émission elle-même : les blogueurs anticalotins de Télérama vont à l’essentiel, faisant assaut d’âneries haineuses contre la personne du Christ – qui pourtant ne leur a rien fait.

… Surtout s’il n’a jamais existé, comme le suggère un certain Actele : « Au grand dam des zélateurs de la secte vaticane, affirme-t-il pompeusement contre Renan lui-même, et la quasi-totalité des historiens d’aujourd’hui – il n’y a pas l’ombre d’une preuve de l’existence de Jésus. » – Et de la tienne, donc ? Tu n’es même pas cité par Flavius Josèphe…

La palme de l’antichristianisme primaire revient à Papazulu, qui en rajoute dans l’inculture au ton docte : « Comment croire à une prétendue résurrection dont il n’est fait mention dans les textes religieux que plusieurs siècles après la mise à mort d’un prophète parmi d’autres ? » Au vu du style, ce Papazulu-là m’a tout l’air d’un bobo cinquantenaire du Ve arrondissement, amateur de Johnny Clegg.

Non, cher ami athée, il ne s’est pas passé « plusieurs siècles » entre la Passion du Christ et la « mention » de sa résurrection dans les Rouleaux Sacrés… Moins de vingt ans pour les Épîtres de Paul, et soixante pour l’Évangile de Jean, le dernier ; or l’un et l’autre ne parlent que de résurrection. Saint Paul, dans une lettre à ses amis corinthiens, les met ainsi en garde : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi (…) et nous sommes les plus malheureux des hommes. » On n’est pas plus clair.

Selon saint Jean (II, 21) Jésus lui-même répond aux pharisiens du Temple, qui le mettent au défi de manifester son pouvoir : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. » « Il parlait du temple de son corps », précise l’évangéliste, tant il est vrai que cette blague sur la résurrection fut mal comprise à l’époque – et encore aujourd’hui par certains.

Notre troll, justement, n’en a pas fini avec Jésus, qu’il s’acharne à déconsidérer avec une courte ironie – moquant « ce prophète qui est né entre quatre et sept ans avant lui-même, et de toute façon pas un 25 décembre ! » Putain, c’est vrai que ça change tout, merci Papazulu !

Quand je pense qu’on a dérangé des Onfray pour dynamiter la religion, alors qu’un gremlin de chez Télérama suffisait.

« LUXUEUX HLM » (SAISON III)

Mercredi 8 avril / Ce soir, nous autres les Barjot-de Koch avons les honneurs du Journal de 20 heures sur TF1, starring Gilles Bouleau. Enfin, pas vraiment nous, mais notre fameux « luxueux HLM en duplex avec terrasse et vue imprenable sur la tour Eiffel » – devenu plus célèbre que la cause de Frigide, et même mon Manuel d’inculture générale (mais moi je m’en fous, il est épuisé.)

 

À 20 h 16, lancement d’un reportage sur les défavorisés et les nantis en matière de logement. Et la nantie devinez un peu, c’est qui ? C’est Frifri ! Le commentaire de Gwenaëlle Bellec vaut son pesant de fiel : « Un duplex de 173 m2 finalement récupéré par la Ville de Paris », insiste-t-elle. Mais pendant vingt ans, dont onze Delanoë regnante, personne ne nous avait rien demandé… En revanche, une fois la fatwa lancée, entre l’assignation, le procès et l’expulsion, il ne s’est déroulé qu’un an TTC. Même si ça t’a paru long dans notre cas, c’est plutôt rapide en matière d’expulsion, renseigne-toi Gwenaëlle.

 

En attendant, elle poursuit son récit : « Frigide Barjot a été expulsée à cause d’une fraude : elle sous-louait son appartement à une société commerciale» Holà, Mme Bellec ! Même le juge de première instance n’a pas parlé de « fraude », mais de « non-respect des obligations contractuelles des locataires » – et l’affaire est en instance d’appel. Alors de grâce, un peu de rigueur journalistique. T’es quand même « Grand reporter au service Informations générales de TF1 », d’après ta carte ! Apprends au moins le maniement du conditionnel.

 

Pour les images, on a droit à une visite guidée de notre ex-duplex par l’ami Ian Brossat en personne. Depuis deux ans, cet adjoint PCF au maire en charge du Logement poursuit mon épouse de ses assiduités. Là, il nous la joue Century 21, vantant le luxueux bien immobilier, non sans insister tout particulièrement sur le vaste et lumineux salon… C’est bien simple : on s’attend à ce qu’il propose un prix ! Bref, c’est Byzance, et nickel, et la visite date du 6 mars, juste avant les travaux (cf. le tweet de Brossat).

Ça n’empêche pas le même, un mois plus tard, de s’indigner à retardement dans Metronews : « L’appartement a été laissé en très mauvais état. C’est assez scandaleux qu’elle soit partie en le laissant ainsi» « C’était Beyrouth ! », renchérit « un autre visiteur des lieux », qui a préféré garder l’anonymat.

À titre d’illustration, Metronews.fr publie une ribambelle de photos (cf. notre document) où tout est en chantier, et pour cause : l’appart est en pleins travaux pour accueillir une colocation étudiante. Cinq chambres au lieu de trois et deux salles de bains « déplacées », c’est sûr que ça fait du bousin. Mais on n’avait rien demandé non plus…

Merci en tout cas à TF1, Gilles Bouleau et Gwenaëlle Bellec ainsi qu’au PCF, à Ian Brossat et à Metronews pour cette étonnante coproduction qui ouvre, semble-t-il, une troisième saison du feuilleton Frigide & le Duplex maudit. Je me demande juste ce qu’ils vont bien pouvoir trouver pour le prochain épisode, après cet excellent « De Byzance à Beyrouth »… Le cadavre de Dupont de Ligonnès dans un faux-plafond ?

CASTING POUR JEAN-MARIE LE PEN : SARDANAPALE, OU LE ROI LEAR ?

Vendredi 10 avril / Dans Le Monde et Le Figaro, deux allégories lyriques de « La tragédie des Le Pen » : Jean-Marie y tient le rôle principal, mais pas le même.

« Tel Sardanapale, s’échauffe Le Monde, le vieux roi du Front veut mourir en jetant sa fille dans les flammes du bûcher qu’il a lui-même allumé. » Un peu gore pour mon goût, cette « Marine au bûcher ». Je préfère la version figaro-shakespearienne, comparant le destin du Le Pen père à celui du roi Lear « qui, trahi par deux de ses filles qu’il a comblées[1. De fait, avant Marine, le roi Le Pen avait été trahi par son aînée, Marie-Caroline, en 1998, à l’occasion du « puputsch » mégrétiste.], erre dans la lande accompagné de son seul bouffon, et délire au milieu des éléments déchaînés»

Reste à savoir qui sera le bouffon. Pourvu que ce ne soit pas Jean Roucas…

TOUCHE PAS À MON POL POT !

Vendredi 17 avril / Quarantième anniversaire de la « libération » de Phnom Penh par les Khmers rouges. C’est pas moi qui le dis, c’est Le Monde du 17 avril 1975, qui titrait à la une : « Atmosphère de liesse dans Phnom Penh libérée ». C’est surtout depuis ce moment-là que je ne prends plus guère Le Monde au sérieux.

Soyons juste, entre-temps le journal a fait amende honorable, en termes choisis d’ailleurs : le 19 avril 2005, le quotidien finit par reconnaître, d’une simple phrase au détour d’un éditorial sur la cruauté des Khmers rouges, « l’aveuglement dont Le Monde ne fut pas exempt ».

De qui, ces lignes ironiques ? Du Monde lui-même, l’an dernier, dans une série intitulée « Le jour où… », consacrée aux dates qui, depuis 1945, « ont marqué l’actualité, mais aussi scandé l’histoire du journal. »

Sous la signature de Raphaëlle Bacqué, cette glasnost nous donne droit à un excellent papier-fleuve, truffé d’infos enfin « déclassifiées » sur l’entêtement fanatique du gang des maoïstes mondains des seventies.

C’est toujours bien de battre sa coulpe, mais quarante ans ça fait long, surtout pour un quotidien. À supposer qu’encore maintenant Le Monde nous raconte des craques, on le saura quand ?

LE PLASTIQUE, C’EST FANTASTIQUE !

Vendredi 20 avril / La Nouvelle République raconte comment un « Niortais éco-citoyen » a recruté un commando de kayakistes bénévoles pour « nettoyer les berges de la Sèvre ». « L’idée est d’empêcher le plastique de rejoindre l’océan », explique aimablement notre stratège, tandis que le journal commente : « Il a la nausée quand il évoque le “sixième continent”, cette plateforme gigantesque qui flotte dans le Pacifique nord, formée de plastiques vomis à la mer par nos civilisations modernes. » (Putain il s’est foulé, le localier !)

En fin de journée, la petite troupe rapportera le modeste fruit de sa pêche aux déchets dans une dizaine de sacs (plastiques). L’important, c’est de participer !

Du coup, moi, je googlise ces continents nouveaux, et leurs images me font rêver ; je sais, ce n’est pas bien. Les écolos, et même les scientifiques, ont plein de bons arguments pour nous mettre en garde contre ces centaines de milliers de tonnes de déchets qui se réduisent peu à peu en particules, jusqu’à ce que les mammifères marins et les oiseaux – qui de toute façon sont des cons, comme disait Chaval – les ingèrent bêtement jusqu’à l’empoisonnement. Le hic, c’est qu’avec la chaîne alimentaire et tout ça, ça peut finir par toucher l’homme, à peine moins con que l’oiseau.

Du coup, on envisage de ramasser et de recycler l’ensemble. Pourquoi pas – sauf que le continent Pacific Plastic mesure à lui seul 3,5 millions de km2, soit six fois la taille de la France. Alors il ne va pas falloir y aller avec le dos de la petite cuiller, si on veut que nos enfants voient ça (c’est-à-dire pas).

Encore faudrait-il, d’après ce que j’ai compris, stopper parallèlement et dans le monde entier la production du plastique sous toutes ses formes ou presque. C’est possible, ça ? Sinon, autant pisser dans le tonneau des Danaïdes[2. Ou le violon de Sisyphe, au choix]…

Bref, c’est pas demain la veille que ces jeunes continents auront disparu. D’ailleurs, est-ce vraiment souhaitable ? Pourquoi se fermer a priori à la nouveauté, dans une crispation de type réactionnaire ? Si vraiment « tout ce qui est réel est rationnel » et que « tout ce qui nous arrive nous ressemble », comme disaient Hegel et Oscar Wilde, aucun doute : ces continents neufs sont une nouvelle « Nouvelle Frontière » pour notre époque postmoderne.

Déjà providence des naufragés, ces vastes territoires ne feraient-ils pas d’excellents terrains d’atterrissage pour les utopistes qui survolent le monde réel en ULM ? Ils pourraient s’y retrouver entre eux, voire y fonder une nouvelle république dont le drapeau représenterait, par exemple, un sac vide.

MIRACLE A MATIGNON : VALLS SAUVE DEUX ÉGLISES ET SE CONVERTIT !

Mercredi 22 avril / « Attentat déjoué à Villejuif ! », claironnent les médias. N’exagérons rien ! Certes le suspect, Sid Ahmed Ghlam, était « connu des services de renseignement pour ses velléités de départ en Syrie », comme l’explique benoîtement le ministre de l’Intérieur. Mais pour autant, il ne faisait l’objet d’aucune surveillance particulière. Et s’il n’avait pas eu la bonne idée de se tirer une balle dans la jambe et d’appeler lui-même le SAMU, il courrait toujours… contrairement aux paroissiens de Villejuif.

Autrement dit, de l’aveu même de Bernard Cazeneuve, ce qui a manqué au gouvernement dans cette affaire, ce n’est pas ce « renseignement » sur lequel il veut à tout prix légiférer, mais tout simplement l’action.

Ça n’empêche pas le Premier ministre, trois jours plus tard, de se rendre solennellement dans les deux paroisses ainsi sauvées… par le SAMU. C’est là, sur le parvis de l’église Saint-Cyr-Sainte-Juliette, en présence de l’évêque du diocèse, que le Petit Père Valls n’hésite pas à déclarer : « S’en prendre à une église, c’est s’en prendre à l’essence même de la France. »

Miracle, notre anticalotin reconnaît soudain les racines chrétiennes de la France ! Bien sûr, j’entends d’ici ricaner les sceptiques : « Il en fait un peu trop, il n’en pense pas un mot ! »

Qu’en savez-vous, hommes de peu de foi ? L’Esprit souffle où il veut, et quand il peut… Et si jamais les incrédules avaient raison, alors ce grand laïcard devant l’Éternel aurait fait une bourde, et là aussi je suis preneur.[/access]

 

Mai 2015 #24

Article extrait du Magazine Causeur



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Etats-Unis-Russie : les paupières lourdes
Article suivant Les oraisons funèbres de Jérôme Leroy

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération