Parce que le festivisme n’est pas mort. Parce qu’il bouge encore. Parce que lorsque le Conseil Régional de Rhône-Alpes entend célébrer le 300ème anniversaire de la naissance de Rousseau il croit bon d’organiser de tonitruants « pique-niques républicains » – complétés par un « apéritif gourmand » dans les rues de Lyon… Parce que gais rolleristes grégaires du vendredi soir et patinetteurs-à-moteurs-deux-temps en costume-cravate écument toujours les rues de nos cités… Parce que la fastidieuse Caroline de Hass, immortelle animatrice du mouvement « Osez le clito ! » est entrée au cabinet d’une ministre blagueuse qui veut abolir la prostitution, comme on interdirait les courants d’air… Parce que Jack Lang n’est pas encore mort, et qu’il peut resurgir à tout moment dans le débat public, sans crier gare… Parce qu’il existe une « Journée internationale de la lenteur », une « Journée de la gentillesse » et que la « Fête des voisins » fait toujours des ravages dans les zones urbaines et péri-urbaines peuplées de gens pourtant normaux… Parce que « Paris Plage », le Vélib’ et la fermeture des voies sur berge sont présentés par la mairie de Paris comme des avancées faramineuses pour l’humain, s’inscrivant dans un mouvement progressiste menant le français moyen de l’ombre à la lumière… Parce que les revendications communautaires les plus incongrues n’ont pas fini de passionner les médias… (Ah le combat des nudistes roux amateurs de danses de salon ! Ah la lutte des unijambistes gay et lesbiens du sud de la Seine-et-Oise ! Ah le lobby des musulmans collectionneurs de Télécarte© publicitaires !) Parce que des dames suédoises très sérieuses veulent persuader les hommes suédois de faire pipi assis… Parce que la France dispose désormais d’un Ministre du « redressement productif » et d’un autre de la « réussite éducative »… Parce que viennent d’entrer dans le dictionnaire les mots gloups, Stéphane Hessel, psychoter, Jean-Luc Mélenchon, et l’expression « à l’arrache »… Parce que la novlangue reste l’opium des intellectuels télévisés de progrès…
Pour toutes ces raisons –et pour mille autres que j’oublie- il faut aller voir (ou revoir) le grand Fabrice Luchini interpréter la prose corrosive, hilarante et – cela devient assez évident… – indémodable de Philippe Muray. Le comédien reprendra à la rentrée, au Théâtre Antoine à Paris, son spectacle consacré à l’auteur des Exorcismes spirituels, qui avait triomphé en 2010 et 2011 au Théâtre de l’Atelier et même (m’a-t-on dit) en province… Pouvait-on rêver meilleur moment que les premiers mois glorieux du hollandisme© triomphant, alors que le français nouveau est ivre de « changement » (dans la continuité) et de « normalité » (dans l’ostentation), pour rire – avec Muray et Luchini – de la bouffonnerie toujours recommencée de cet incorrigible homo festivus, puis de méditer un moment sur ce rire ?
Vingt représentations sont prévues à partir du 14 octobre, les dimanches à 17 heures et les lundis à 20 heures. (Places de 18 à 43 €. Tél. 01.42.08.77.71.)
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