Henri Guaino s’est lancé. Depuis des mois, il avait manifesté son incompréhension voire son irritation face à la dérive de sa famille politique. Qui supprimerait le plus de postes de fonctionnaires ? Qui taillerait le plus, à la serpe ou à la tronçonneuse, dans les services de l’Etat ? Les différents candidats à la primaire rivalisaient à coup de centaines de milliards d’économies, surenchérissaient sur la loi El Khomri, et appliquaient, sans bien entendu le reconnaître, les recommandations de Bruxelles.
Sarkozy énervé
Dans le même temps, le président de son parti politique, candidat sans toujours l’avoir annoncé, annonçait des propositions de la même eau, et soutenait à la présidence du Conseil national de LR, Luc Chatel, qui souhaite que son parti devienne celui « des gaz de schiste, des OGM et des biotechs » (oubliant malencontreusement les pesticides). Nicolas Sarkozy a fait le choix de ne pas être le candidat national-républicain du discours de Toulon, alors qu’il s’agissait de la seule voie lui permettant de pouvoir concurrencer son adversaire Alain Juppé. A ce large boulevard dans un espace politique complètement libéré, il a préféré une impasse, celle de faire du sous-Patrick Buisson, et pour cause : il a répudié Patrick Buisson.
Nicolas Sarkozy, murmurent des sources bien informées, est en colère. Il ne comprend pas que son conseiller spécial à l’Elysée ait fait le choix d’une candidature personnelle. Comment pouvait-il en être autrement, alors qu’Henri Guaino n’a cessé d’alerter depuis des mois sur l’inanité de sa stratégie et de sa ligne politique ? Qui l’avait prévenu sur le fait qu’il n’était pas dans le rôle d’un ancien président de la République de reprendre la tête d’un parti ? Qui expliquait qu’il ne servait à rien d’avoir un langage toujours aussi dur sur l’identité, quand on ne parvient pas à cacher qu’on finira toujours par obéir à Bruxelles ? On sait que Nicolas Sarkozy a cette conception de la vie politique : si on n’est pas avec lui, on est contre lui. Il va donc tout faire pour empêcher la candidature d’Henri Guaino. On se doute que la quête des parrainages sera rendue d’autant plus difficile pour celui qui a annoncé sa décision lundi matin. La pression sur les parlementaires et autres élus qui souhaiteraient parrainer Henri Guaino sera forte, à n’en pas douter.
Une chance pour les favoris
Ce dernier a bien fait d’annoncer que s’il ne pouvait pas concourir, il irait chercher chez les dizaines de milliers d’élus sans étiquette, pour se lancer dans candidature directe au premier tour de l’élection présidentielle. Cela fera-t-il réfléchir Nicolas Sarkozy ou le favori actuel de la primaire, Alain Juppé ? L’intérêt de celui qui sera finalement désigné (et donc des favoris) à l’issue de la primaire de la droite n’est-il pas que les candidatures du premier tour ne se multiplient pas ? Malheureusement, il est fort possible que la rancœur et le mépris soient plus forts que la prise en compte de leur intérêt propre. À suivre…
Nous l’avons déjà affirmé dans ces colonnes : la candidature d’Henri Guaino à cette élection primaire est nécessaire. Parce que la primaire est là, qu’on le veuille ou non, et que son vainqueur pourrait bien être le prochain président de la République, il est indispensable que le gaullisme y soit représenté.
Guaino rendra ainsi service à tous ceux qui, refusant le principe de la primaire et ayant décidé d’être directement candidat, portent des idées voisines. C’est pourquoi les militants de Debout La France, à commencer par le premier d’entre eux, ont tout intérêt à cette candidature, mais aussi à ce qu’Henri Guaino atteigne le score le plus haut. Il serait politiquement improductif de se draper dans une pureté surjouée, refusant de toucher un bulletin de vote de cette compétition. Comme il aurait été ridicule de refuser de présenter des listes aux élections européennes, sous le prétexte que le Général de Gaulle avait toujours refusé l’élection des députés européens au suffrage direct. L’important, c’est que le débat vive, que les thèmes infusent, que les idées se propagent.
Cette primaire peut enfin devenir intéressante. Elle peut enfin permettre d’être autre chose qu’un concours de marketing politique, de comparaisons de profils, de compétitions de tweets. Elle peut enfin être l’occasion d’un véritable débat politique, au sens le plus noble du terme. De cela, Henri Guaino, et tous ceux qui lui permettront de participer à cette élection, doivent être remerciés.
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