Mais un contre-gouvernement, ça ne suffit pas…
La Première ministre a du caractère: plus elle se sent menacée, plus elle provoque le président de la République. De la même manière que je me doutais que celui-ci n’apprécierait pas Fugue américaine de Bruno Le Maire à cause de l’image que cela donnerait d’un ministre se gardant du temps pour écrire un long roman, je suis persuadé qu’Emmanuel Macron, jaloux de son pouvoir comme il l’est, n’aura pas goûté qu’Elisabeth Borne affirme au JDD: « Je veux continuer à relever les défis du pays ». Comme si elle amplifiait sa liberté et se créditait d’une durée dépendant de sa seule initiative…
Si j’étais Premier ministre…
Au même moment, Eric Ciotti, pour LR, dévoile son « shadow cabinet » promis depuis plusieurs semaines, un contre-gouvernement composé de douze personnalités, auxquelles il convient d’ajouter une coordinatrice, Annie Genevard. Le président Ciotti ne m’en voudra pas mais je continue à regretter que, selon un mauvais sort trop fréquent, l’homme le plus fait pour occuper ce poste, Bruno Retailleau, ne l’ait pas emporté. Sa rigueur, son intelligence et sa détermination, démontrées par exemple encore une fois dans un entretien au Parisien – « Emmanuel Macron est ligoté par ses contradictions » – auraient sans doute fait souffler sur ce parti un autre air.
Il n’empêche que ce contre-gouvernement a belle allure avec notamment deux cracks, Philippe Juvin chargé du Travail et Jean-Louis Thiériot de la Défense. Frédéric Péchenard à l’Intérieur ne serait pas dépaysé. Nadine Morano, à l’Immigration, serait à son aise et ne pourrait pas être taxée de faiblesse. Et à la Justice, le sénateur François-Noël Buffet, président de la Commission des Lois.
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Je voudrais m’attacher à ce dernier ministère virtuel parce que la pensée de la droite, au sujet de la Justice et de tout ce qui dépend d’elle, doit être révisée. Surtout décapée de tout ce qui, subtilement, la gangrène avec des poncifs et un conformisme hérités de la gauche et jamais battus en brèche. Notamment sur les prisons, la récidive, l’obligation de remettre en chantier de nouvelles peines planchers, de favoriser les procédures rapides (par exemple pourquoi ne pas redonner vie à la saisine directe, datant d’Alain Peyrefitte et permettant de juger immédiatement des faits incontestables, même anciens ?) et, avant tout, de rendre efficient un système d’exécution des peines mis à mal par l’abus des sursis trop rarement révoqués et les contradictions entre peines d’emprisonnement mais aménagements immédiats…
Quatre longues années avant 2027
Il y aurait une voie royale pour une droite voulant rénover la Justice, à condition que plus aucun tabou ni interdit venant d’ailleurs ne pèsent sur l’élaboration de son projet. Un contre-gouvernement ne suffit évidemment pas pour redresser LR. Des noms, même fiables et brillants, ne pourront pas à eux seuls offrir des chances et de l’avenir à une droite authentiquement et solidement conservatrice. Il conviendra d’élaborer, pour chacun des secteurs concernés, un programme suffisamment précis, mais pas trop pour que la réalité, venu le temps du pouvoir, puisse s’y engouffrer. Et il n’y aura que ce dernier détail à régler: l’emporter en 2027. Ce pas d’aujourd’hui n’est que le premier mais il ouvrira le chemin si la droite cesse enfin d’aspirer à une identité si molle et si peu fiable qu’elle lui est en réalité imposée par ses adversaires.
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