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LR au milieu du gué

Éric Ciotti est maintenant en charge d’un parti bloqué depuis trop longtemps au milieu du gué.


LR au milieu du gué
Eric Ciotti, le 11/12/22 / © Jacques Witt/SIPA / 01096781_000004

Eric Ciotti, président du parti Les Républicains depuis le week-end dernier, se retrouve devant deux chemins quant à la direction que le parti doit prendre. L’un compliqué, qui réunirait toutes les droites ; l’autre bien plus aisé mais également pleutre, de se soumettre en petite branche du macronisme. La tâche est ardue, l’avenir (et l’honneur) du parti est en jeu.


Éric Ciotti a été élu président des Républicains, après un scrutin interne qui n’a, c’est le moins que l’on puisse dire, pas vraiment passionné les foules ni les médias. À tort. Car malgré le score catastrophique de sa candidate aux dernières présidentielles, LR pèse encore dans le paysage politique, au point d’être en mesure de faire basculer les votes de l’Assemblée Nationale. Mais de quel côté ? Voilà la question essentielle. Éric Ciotti est maintenant en charge d’un parti bloqué depuis trop longtemps au milieu du gué, qui va devoir faire un choix entre deux lignes diamétralement opposées.

D’une part, celle de Bruno Retailleau, certes arrivé second mais dont les 47% ne peuvent que compter. Bruno Retailleau, qui a eu le courage d’exiger un droit d’inventaire des années Sarkozy et du sarkozysme (nous y reviendrons). Qui pendant cinq ans, alors que l’Assemblée n’était plus qu’une chambre d’enregistrement pour le gouvernement, a été de ceux grâce auxquels le Sénat a continué à faire vivre la démocratie. Qui, contrairement d’ailleurs à Éric Ciotti, ne s’est pas soumis à l’excommunication proférée par la Sainte Gauche et a refusé de condamner bêtement le député RN ayant dit « qu’ils retournent en Afrique » à propos de migrants africains illégaux (propos qui rappelaient simplement aussi bien le bon sens que la loi républicaine). Bruno Retailleau, soutenu entre autres par François-Xavier Bellamy, l’artisan d’une remarquable victoire politique obtenue avec le soutien de toutes les droites européennes, assumant préférer Zemmour à Macron, et par Julien Aubert qui, dès 2017, décrivait avec une lucidité prophétique ce que se révélerait être le macronisme, et a lui aussi refusé en 2022 l’escroquerie du front soi-disant républicain.

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D’autre part, celle de Nicolas Sarkozy, ligne qui, sans avoir sombré dans le gauchisme aussi radicalement que l’a fait ce qui reste du juppéisme, s’est néanmoins totalement soumise au « progressisme » et à Emmanuel Macron. Sarkozy, l’un des artisans majeurs de l’indigne attribution au Qatar de privilèges fiscaux démesurés, ainsi que de la Coupe du Monde, vitrine complaisamment offerte à un pays qui piétine allègrement tous les principes que la France prétend défendre, finance largement l’islamisme quand ce n’est pas le jihadisme, et semble-t-il s’emploie à corrompre les élites européennes. Sarkozy, l’homme de la droite du fric, des promesses non tenues et du référendum piétiné, bref l’incarnation de tout ce qui a fini par dégoûter de LR un grand nombre d’électeurs, et un parfait macroniste.

Concrètement, Éric Ciotti n’a que ces deux alternatives. Tenter un « en même temps » entre des positions à ce point irréconciliables serait l’assurance de ne contenter personne, et signerait à terme l’arrêt de mort de LR.

Car LR ne deviendra pas l’étendard autour duquel se rassemblera la droite : Éric Zemmour et Marine Le Pen ont l’un et l’autre pris trop de coups, et trop souvent, pour que leurs électeurs respectifs se détournent d’eux au profit d’un parti qui (malgré la très grande valeur de beaucoup de ses membres) n’a collectivement pas eu leur courage, alors même que la situation du pays l’aurait nécessité.

Pour autant, balayer LR d’un revers de la main serait une erreur lourde de conséquences : ni le RN ni Reconquête ne peuvent, eux non plus, triompher seuls contre la gauche postmoderne à laquelle – François-Xavier Bellamy le rappelait il y a peu – appartient pleinement le macronisme (déconstruction, négation de l’identité française, repentance, tiers-mondisme, nivellement par le bas de l’école publique, appétit de censure, mépris affiché envers ceux qui « votent mal » : ces marqueurs idéologiques ne trompent pas).

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Reconnaissons-le aussi : la radicalité d’Éric Zemmour a rétabli le droit de dire le réel, victoire idéologique extraordinaire que beaucoup croyaient impossible, mais cette même radicalité peut inquiéter. Qu’elle s’allie à des figures rassurantes de LR serait bienvenu, ces dernières de leur côté y gagnant la crédibilité d’une volonté d’action prête à assumer la radicalité qu’exige l’intensité des menaces.

En résumé, s’il choisit l’union des droites, Éric Ciotti peut aisément faire de son parti l’un des piliers de cette union – il a les qualités personnelles requises – et contribuer à la conduire à la victoire, non par vanité ni par carriérisme, mais parce que c’est la seule chance de préserver ce qui mérite encore de l’être dans tout ce qui faisait la France.

L’alternative, LR n’étant de toute façon plus en mesure de peser seul, consisterait à réduire ce qui fut un grand parti à l’état de satellite du macronisme, ou plus exactement de courant mineur du parti unique dont rêve l’extrême-centre. Ultime trahison, car il s’agirait de mettre fin à toute véritable démocratie : théoriquement souverain, le Peuple ne serait plus en pratique qu’une vague instance consultative, interrogée pour la forme et selon leur bon plaisir par LREM/Renaissance et ses affidés. C’est d’ailleurs exactement ce que préfigure le Conseil National de la Refondation, dont le seul rôle est de substituer une cynique parodie d’agora à un Parlement qui n’a pas l’heur de plaire au « cercle de la Raison » (cercle tellement raisonnable qu’il a conduit le pays au bord de l’abîme….).



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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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