Accueil Politique « Marion Maréchal candidate, ce n’est pas pour 2022! »

« Marion Maréchal candidate, ce n’est pas pour 2022! »

Entretien avec Louis Hausalter


« Marion Maréchal candidate, ce n’est pas pour 2022! »
© Hannah ASSOULINE

Entretien avec le journaliste Louis Hausalter, auteur de Marion Maréchal, le fantasme de la droite aux Editions du Rocher.


Causeur. Marion Maréchal est une figure singulière, suscitant à la fois adhésion et curiosité. Entre ceux qui l’attendent ou ceux qui la surveillent, ça fait du monde! Votre essai est sorti en septembre, est-ce un succès d’édition?

Louis Hausalter. Sur les ventes, pardon pour la langue de bois, je laisse à mon éditeur le soin de communiquer ! Ce que je peux vous dire, c’est que le démarrage n’est pas mauvais, surtout dans ce contexte très difficile pour les librairies et le monde de l’édition. Le défi, c’est que Marion Maréchal ne s’inscrit dans l’actualité qu’en pointillés, avec des apparitions médiatiques occasionnelles, et qu’elle ne prend pas part à la vie partisane. Mais elle reste une ombre portée sur la politique française et ne se ferme aucune porte pour l’avenir, comme je le raconte dans mon livre.

Vous avez mené 50 entretiens pour votre enquête. L’entourage de Marion Maréchal parle-t-il aisément?

Globalement oui, même s’il faut se méfier des bavards : ce sont rarement les mieux informés. Si certains de ses proches n’hésitent pas à soigner leurs relations avec la presse, c’est aussi pour entretenir une flamme, eux qui espèrent son retour. Ils tentent de tisser un récit, parfois contre son gré. Il existe aussi de sévères rivalités dans son entourage, où la jalousie a vite fait d’apparaître. Par ailleurs, contrairement à ce qu’on peut imaginer, il n’y a aucun dispositif rodé dans sa communication. Depuis qu’elle n’est plus députée, Marion Maréchal n’a pas d’attaché de presse, elle gère elle-même les demandes des journalistes, et ses apparitions plus ou moins régulières ne laissent pas entrevoir une stratégie de long terme.

Retirée de la vie politique, Marion Maréchal se consacre en effet à son école l’ISSEP, dont vous dévoilez toutes les coulisses. L’ancienne députée du Vaucluse a-t-elle réussi son pari entrepreneurial?

Il est trop tôt pour le dire. Le démarrage de l’Issep est assez poussif et la crise sanitaire n’a pas aidé. C’est pour l’instant une petite école qui tourne, comme j’ai pu m’en rendre compte sur place. Mais au-delà de la pérennité budgétaire, qui est un sacré défi, la réussite de l’Issep sera jugée en fonction de l’avenir de ses pensionnaires. Quelles carrières feront-ils demain ? Quels postes occuperont-ils ? Si le but est réellement de former l’élite de demain, ça ne sera pas pour tout de suite : je vois mal des administrations ou des grands groupes recruter des jeunes professionnels dont le CV est marqué du sceau « marioniste », indépendamment de leurs talents…

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Vous dites que Marion Maréchal est un fantasme, la droite de la droite voit en elle un recours rêvé. Son entrée en politique et son succès soudains sont-ils un hasard? Marion Maréchal n’est-elle pas parfois elle-même dépassée par l’espoir qu’elle suscite?

Il y a plusieurs éléments. J’évacue d’abord son physique : elle correspond plus aux canons de beauté que Bruno Mégret, je pense que lui-même en conviendra. Son émergence rapide tient d’abord au fait que les journalistes se sont très vite emparés d’elle comme d’un objet médiatique. Pensez donc, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen élue députée du jour au lendemain, c’est déjà un sacré épisode à raconter. Et si en plus des bisbilles apparaissent avec sa tante, on peut vendre plusieurs saisons croustillantes ! Marion Maréchal a donc très vite vu son image lui échapper, mais elle a évité le danger qui la guettait : celui d’exploser en vol sous la pression. Elle s’est soigneusement entourée, a rattrapé les lacunes de sa formation idéologique et calibré sa parole. De cette façon, elle a pu développer une ligne politique, ce qui lui a permis d’être peu à peu remarquée pour ses idées, et pas seulement pour ses cheveux blonds.

La nièce de Marine Le Pen n’est-elle pas sincère quand elle dit qu’elle ne veut pas faire d’ombre à sa tante, même si le récit médiatique prétend le contraire ?

Si. Après avoir lu mon enquête, on comprend que Marion Maréchal candidate, ce n’est pas pour 2022. Même si le problème est moins l’ombre qu’elle lui ferait que l’évitement du conflit politico-familial. Je ne suis pas friand de la psychologisation à outrance de la vie politique, mais la relation affective entre Marion et Marine – qui l’a vue naître, pour ainsi dire – est un élément essentiel pour comprendre cela : la nièce ne veut pas affronter sa tante en place publique. Pour l’instant, elle reste donc dans son couloir, même si elle n’en pense pas moins : pour elle, le RN n’est pas du tout armé pour l’emporter en 2022. Et il était intéressant de l’entendre dire sur BFMTV, à la rentrée, qu’elle ne comptait se mettre au service de personne pour la présidentielle. L’air de rien, c’est une vraie marque de distance vis-à-vis de Marine Le Pen.

La Marion dont vous dressez le portrait est de droite assumée. Elle est libérale économiquement, travailleuse, opposée au mariage homosexuel et séduite par le conservatisme d’un Bellamy. C’est ce qu’on appelle « le RN du Sud » et c’est, en creux, tout ce qui manque à Marine Le Pen pour certains militants de la droite nationale. Pourtant, vous expliquez que Patrick Buisson – dont les idées sont plutôt proches de celles de Marion Maréchal – soutient Marine Le Pen plutôt que sa nièce. Pourquoi ?

Buisson ne soutient pas particulièrement Marine Le Pen : il estime que son nom est un repoussoir pour un trop grand nombre de Français, et il le lui a d’ailleurs dit en face. Il fait d’ailleurs la même analyse dans le cas de Marion Maréchal. Mais il est vrai que ses relations sont encore plus mauvaises avec la nièce qu’avec la tante ! Je raconte dans mon livre un dîner entre eux, en juin 2019, qui s’est terminé en queue de poisson. Sur le fond idéologique, en effet, Buisson partageait avec Marion Maréchal l’idée de l’union des droites, ce qu’il appelait dans une formule efficace l’alliance de la France de Johnny et de la Manif pour tous. Mais il a changé d’avis après les 8% de Bellamy aux européennes de 2019, en estimant qu’il fallait plutôt unir les anti-libéraux, ce qui ressemble plus au projet de Marine Le Pen. Tous ces débats stratégiques sont passionnants, mais à vrai dire, je pense que le sujet est surtout relationnel. Certains proches de Marion Maréchal estiment que Buisson est vexé parce que Marion Maréchal n’en a pas fait un conseiller influent à ses côtés. Et vous savez que les divergences personnelles sont souvent plus fortes que les convergences d’idées.

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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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