Jérôme Leroy nous fait découvrir, ou redécouvrir, Louis Calaferte.
Ecrivain sauvage, irréductible, Louis Calaferte (1928-1994) est né dans une famille d’immigrés italiens et a mangé de la vache enragée plus souvent qu’à son tour.
Tempérament explosif, lyrique, inquiet, il est l’auteur d’une œuvre monumentale et polyphonique qui contient des Carnets intimes, du théâtre et des récits plus ou moins autofictionnels dont deux font partie de ces classiques souterrains qui font la saveur de la littérature française : Requiem des Innocents, son premier livre en 1952 et surtout Septentrion (1963) qui est aussitôt interdit par le ministère de l’Intérieur pour pornographie et devra attendre vingt ans pour être édité, créant un véritable effet de souffle quand il paraît en 1983.
Le lecteur d’aujourd’hui s’apercevra ainsi que la « pornographie » de Calaferte, alors que n’importe quel gamin est à deux clics du pire sur internet, est en fait une formidable déclaration d’amour aux corps des femmes qui furent avec la recherche de Dieu, les deux principales obsessions de Calaferte. Sa poésie est une porte d’entrée idéale sur son œuvre que nous recommandons à tous nos lecteurs pour sa force subversive et sa paradoxale recherche de sérénité.
Pendant que j’allumais une autre cigarette
tu as quitté tes bas
assise au bord du lit
et maintenant tu n’oses pas
dans cette chambre où nous n’avons jamais dormi
lever les yeux sur moi
C’est soudain comme si le temps meurt ou s’arrête
un long alinéa
je m’approche du lit
et viens te prendre entre mes bras
dans cette douceur triste et qui nous engourdit
j’ai aussi peur que toi
Il y a au dehors des rumeurs vagabondes
nous ne nous en irons que pour un autre monde
A Londres c’est l’automne il est presque minuit
Louis Calaferte, Londoniennes (Le tout sur le tout)