En rouvrant hier quatre musées de sa ville, Louis Aliot se défend de prendre le moindre risque. Il indique vouloir adresser à ses administrés un signe d’espoir. Il estime urgent de maintenir un semblant de vie sociale et culturelle dans le pays. La Ministre de la Culture Roselyne Bachelot ne l’entend pas de cette oreille. Elle s’est réjouit de la décision de la préfecture des Pyrénées-Orientales de saisir la justice, pour casser les arrêtés pris par le maire RN. Causeur reproduit la lettre qu’il adresse ce jour au chef du gouvernement Jean Castex.
Perpignan, le 10 février 2021
Louis ALIOT, Maire de Perpignan
A M. Jean CASTEX
Premier Ministre
Hôtel Matignon
57 rue Varenne
75700 Paris SP 07
Monsieur le Premier Ministre,
Lundi dernier, la Ministre de la Culture annonçait étudier la prochaine ouverture des musées, précisant que « celle-ci pourrait avoir lieu rapidement » et ceci après une année de fermeture en raison de la crise sanitaire que notre pays traverse.
Comme tous les Français mais aussi comme tous les élus locaux, j’ai accueilli ces propos comme un signe particulièrement positif alors que voici une dizaine de jours à peine votre gouvernement préparait nos compatriotes à un troisième confinement ou, du moins, à un durcissement très net des mesures sanitaires.
En tant que Maire de Perpignan, comme tous mes collègues Maires des Pyrénées-Orientales mais aussi de toute la France, j’ai toujours agi avec l’esprit de responsabilité que nous devons à nos concitoyens. Dans cet état d’esprit, j’ai par exemple mis en place, en partenariat avec des laboratoires, un centre de dépistage massif, doté nos écoliers de masques adaptés, demandé à notre Police municipale de veiller au respect du port du masque et des règles sanitaires en vigueur dans l’espace public ou encore mis en place un certain nombre d’actions de solidarité comme le portage de repas à domicile pour les plus isolés d’entre nous.
Mais parce que j’ai toujours considéré que nous devions apprendre à vivre avec ce virus et adapter nos modes de vie de façon responsable, j’ai aussi, en lien étroit avec Monsieur le Préfet des Pyrénées-Orientales dont je tiens à saluer la qualité du travail et de nos relations, mis en place un marché de Noël qui, encadré de façon rigoureuse, s’est parfaitement déroulé.
Cette semaine, dans un même esprit de responsabilité, et m’inscrivant dans les pas de Madame la Ministre de la Culture, j’ai décidé d’ouvrir à nouveau les musées de la ville de Perpignan et ceci pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, Perpignan est sanitairement prête à ouvrir en toute sécurité ses musées qui sont à taille humaine et dans lesquels il n’est donc pas difficile de mettre en place un protocole sanitaire tout à fait efficace. De plus, comme vous le savez, notre médiathèque et nos bibliothèques, sont déjà ouvertes comme vous l’avez d’ailleurs vous-même autorisé.
J’ai aussi pris cette décision car, en tant que Maire, j’observe chaque jour, Monsieur le Premier Ministre, que nos concitoyens souffrent de plus en plus des privations de liberté et autres restrictions qu’ils subissent depuis maintenant une année entière. Si nous devons évidemment poursuivre ce combat contre le virus au moyen d’une campagne de vaccination que nous espérons tous la plus efficace possible, par le maintien de gestes barrières nécessaires, nous devons également savoir nous adapter et apprendre à vivre avec cette menace sanitaire nouvelle qui risque de perdurer sous des formes diverses dans les années qui viennent.
Enfin, Monsieur le Premier Ministre, j’ai pris cette décision car, oui, je considère notre vie culturelle comme étant essentielle à la vie de la cité dont j’ai la responsabilité comme à la vie de la France en général. Nous ne pouvons sans cesse nous prévaloir dans les mots de la richesse de notre tradition culturelle et l’empêcher de s’exprimer, comme c’est le cas depuis un an. Nous ne pouvons pas sans cesse en appeler à l’exception culturelle française et en même temps l’empêcher de vivre, de s’exprimer, comme c’est aujourd’hui le cas, comme dans aucun autre pays d’Europe.
Ainsi, l’Italie, pays pourtant ô combien durement touché par la crise sanitaire, vient d’ouvrir ses musées. En Catalogne, juste de l’autre côté de nos Pyrénées, les théâtres et les musées accueillent également chaque jour le public, ceci ne posant pas de difficulté majeure.
Comment expliquer, Monsieur le Premier Ministre, que ce qui est possible ailleurs soit impossible en France ? Comment l’État, si prompt à mettre en avant notre richesse culturelle, peut-il aujourd’hui continuer à empêcher toute vie artistique ?
À ma décision de réouverture des musées de Perpignan, le représentant de l’État dans notre département -il est dans son rôle- a immédiatement répondu par un référé suspension qui sera jugé ce lundi 15 février par le Tribunal administratif de Montpellier. La Ministre de la Culture s’est félicitée de cette décision. C’est la raison aussi pour laquelle je m’adresse à vous aujourd’hui.
Lors de votre prise de fonction, vous vous êtes présenté aux Français comme désirant être le « Premier Ministre des Territoires ». À cette occasion, vous avez d’ailleurs mis en avant votre expérience de Maire de Prades ainsi que votre attachement à notre territoire des Pyrénées-Orientales. Vous avez alors créé chez les élus locaux mais aussi chez nos concitoyens un certain espoir d’être enfin écoutés, d’être enfin entendus par le gouvernement.
C’est donc à vous, Monsieur le Premier Ministre issu des territoires, que je m’adresse aujourd’hui. Je vous demande de faire confiance à l’esprit de responsabilité du Maire que je suis. Je vous demande donc de bien vouloir accorder au Maire de Perpignan le droit à l’expérimentation et ainsi de voir qu’il est possible de vivre en s’adaptant à cette situation sanitaire qui nous contraint.
À l’ouverture de nos musées dont je viens de vous évoquer les raisons et envisagée par la Ministre de la Culture elle-même, le Premier Ministre des territoires que vous êtes ne peut répondre par la réponse sèche du recours en justice.
À l’esprit de responsabilité d’un Maire en contact quotidien avec la réalité du terrain, vous ne pouvez pas répondre par un acte de défiance.
Comptant, Monsieur le Premier Ministre, sur votre esprit d’ouverture, je vous prie d’agréer l’expression de mes salutations respectueuses.
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