Impossible de manquer la sortie en librairie de Hexagone, le passionnant road-book historique du comédien Lorànt Deutsch. Déjà auteur de Métronome, vendu à deux millions d’exemplaires, il vient de sortir sa version hexagonale qui caracole en tête des ventes d’essais historiques. Comme on pouvait s’y attendre, une petite polémique réalimente celle que l’élu mélenchoniste parisien Alexis Corbière avait précédemment provoquée. À la sortie de Métronome, Christophe Naudin, enseignant titulaire d’un master en Histoire, Aurélie Chéry, doctorante à Lyon III et William Blanc, étudiant syndicaliste, avaient dénoncé « la résurgence du roman national de Lorànt Deustch à Patrick Buisson« . Dans une tribune publiée par le Huffington Post, ils se rappellent à notre (mauvais) souvenir en ciblant dans le nouveau livre de Lorànt Deutsch l’écriture de la bataille de Poitiers: « récit identitaire, jouant sur les fantasmes les plus caricaturaux » car « l’opposition de 732 entre les chrétiens et les musulmans est politique et non religieuse« .
Pourtant, à la lecture du chapitre « Le Croissant et le Marteau » d’Hexagone, force est de constater que l’auteur n’a pas une vision exclusivement religieuse de la bataille. Charles Martel est présenté comme une brute: « les guerriers suivent un homme farouche, tacticien subtil et chef de guerre impitoyable (…) parti trousser les filles de bivouac« . La cavalerie du comte Eudes d’Aquitaine n’est pas non plus parée de toutes les vertus: « les malheureux [sarrasins] qui occupent les tentes sont égorgés« . Car les buts de guerre de Charles Martel ne sont pas seulement moraux : pour rallier les païens à « la bannière du Christ » contre le « déferlement sarrasin » le maire du palais « n’oublie pas d’évoquer en termes hyperboliques les considérables richesses transportées par l’assaillant, ce dernier argument, bien sûr, suscite l’enthousiasme!« . « Cette victoire permet aussi à Charles Martel de régner de fait sur l’Aquitaine. »
Accuser un fils de juif hongrois (Lazlo Matekovics, alias Lorànt Deutsch) aux grands-parents morts en déportation de faire gagner Maurras, sous prétexte que son récit identitaire fait la part belle aux grand hommes, est grotesque. D’autant plus que Lorànt Deutsch réduit le Grand Siècle aux dragonnades et aux traites négrières. Et le chapitre traitant du XVIIIème siècle est un éloge de l’esprit encyclopédique des Lumières. Si le style du livre est très imagé, on ne peut donc pas dire que Lorànt Deutsch fasse partie de « l’extrême droite la plus dure« . De ces chapitres, nos trois historiens ne trouvent d’ailleurs rien à redire.
Sans doute parce que, à propos de Charles Martel, le conteur a osé épiloguer avec ironie : « on voudrait une lutte moins frontale, davantage de rondeurs, un christianisme plus mesuré, un islam plus modéré…alors pour nier ce choc des civilisations, certains historiens ont limité la portée de la bataille. » Oui vous avez bien lu, il a parlé de choc des civilisations… Sacrilège et blasphème ! En niant l’évidence, les détracteurs de Lorànt Deutsch tombent dans leur propre piège, celui de l’anachronisme. Ils accusent Lorànt Deutsch de cacher son islamophobie derrière un ouvrage pseudo-historique. Et lesdits historiens de conclure d’un ton grave, « À l’heure où il est difficile de nier une montée de l’islamophobie en France, on peut juger préoccupant ce choix d’un comédien célèbre de raconter un tel événement historique de cette façon. » On les savait allergiques à l’histoire de France, voilà qu’ils en malmènent la langue…
*Photo : BERNARD BISSON/SIPA. 00657088_000004.
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