Accueil Édition Abonné L’ombre du nazisme et du Grand Mufti de Jérusalem plane sur les massacres du Hamas

L’ombre du nazisme et du Grand Mufti de Jérusalem plane sur les massacres du Hamas

Un racisme génocidaire sous-tend le projet politique du Hamas palestinien


L’ombre du nazisme et du Grand Mufti de Jérusalem plane sur les massacres du Hamas
En 1941, Hitler reçoit le grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini à Berlin. DR.

Le projet génocidaire du Hamas, mis en place le 7 octobre dernier, ne fait que ressusciter celui du nationalisme islamique palestinien des années 1930, rappelle notre contributeur.


« Notre condition fondamentale pour accepter de coopérer avec l’Allemagne était d’avoir les mains libres pour éradiquer jusqu’au dernier Juif de Palestine et du monde arabe ». Ce que les nazis appelaient Judenfrei: un espace vital sans Juifs. Cet appel au génocide est extrait des Mémoires de Mohammed Amin al-Husseini (1895-1974), le plus influent leader nationaliste palestinien de la première moitié du XXème siècle. Celui qui deviendra bien avant sa mort l’un des maîtres à penser du jihad en Palestine fut le principal avocat du nazisme au Proche-Orient ; l’homme qui proposa concrètement une collaboration entre l’antisémitisme européen et l’antisémitisme arabe.

Issu d’une famille aisée, il fit des études de théologie en Égypte et devint rapidement un leader charismatique de la cause palestinienne en s’opposant, parfois violemment, aux autorités britanniques qui administraient la région à l’époque. Il est nommé Grand Mufti de Jérusalem en 1921, titre qui lui confère une grande influence politique et spirituelle. Un an plus tard, il préside le Conseil musulman avant d’être nommé chef de l’Exécutif islamique international, devenant ainsi le leader le plus important des nationalistes musulmans. Son autorité morale dépasse dorénavant les frontières de son pays d’origine.

Entre 1931 et 1935, la minorité juive de la Palestine sous mandat britannique passe de 18% à 30%. Mais les premières émeutes arabes en réaction à des arrivées éclatent dès les années 1920. En avril 1920, il est parmi les principaux instigateurs du pogrom qui fait une dizaine de victimes et en 1929, 135 juifs sont massacrés par les musulmans, après une série d’échauffourées au Mur des Lamentations, c’est-à-dire près des lieux saints. Amin al-Husseini est dorénavant l’allié d’Hassan al-Banna (1906-1949), fondateur, en Égypte, de la Société des Frères musulmans et grand-père de Tariq Ramadan.

Du national-socialisme au national-islamisme, il n’y a qu’un pas

Pendant la grande révolte arabe (1936-1939) Husseini tisse des liens avec Mussolini qui cherche à affaiblir les Britanniques. Fin 1941, il est reçu d’abord par le Duce, en octobre, et puis par le Führer, en novembre. Cherchant à réaffirmer son influence au Proche-Orient, Hitler trouve en lui un allié face à ceux que le Mufti affirme être les ennemis communs de l’Allemagne et la Palestine : « les Anglais, les Juifs et les communistes »[1]. Al-Husseini se rêvait le grand unificateur des Arabes dans une alliance avec l’Allemagne nazie ; alliance permettant la destruction du projet des Anglais d’établir un État juif en Palestine mais aussi la chasse – probablement inspirée par le génocide arménien de 1915 –  des Juifs de la région.

Même s’il savait que l’antisémitisme arabe lui serait un atout essentiel dans sa guerre contre la race juive, Hitler se méfiait du mufti, qu’il surnommait le “fennec”. Il lui promit tout de même un rôle central dans les futures opérations arabo-allemandes au Proche-Orient, quand la première phase de lutte anti-juive serait terminée en Europe et que la Grande-Bretagne serait à genoux et incapable d’empêcher un nettoyage ethnique en Palestine. Al-Husseini fut invité à visiter le camp de Glau-Trebbin, près de Berlin (une annexe de Sachsenhausen), entouré de dignitaires nazis, fin 1942. Les photos le montrent en train d’apprécier pleinement sa visite. En novembre 1943, il déclara publiquement à Berlin que « les musulmans devraient suivre l’exemple des Allemands qui ont trouvé une solution définitive au problème juif ». La même année, il accepta de se rendre sur le front de l’Est pour bénir les trois divisions musulmanes de la Waffen-SS recrutées parmi les bosniaques.


La France a toujours su bien recevoir les islamistes en exil

À l’issue de la guerre, Amin al-Husseini, recherché par les Yougoslaves (pour crimes de guerre) et les Britanniques, est finalement capturé par les troupes françaises, en Allemagne. Il est logé avec ses deux secrétaires, dans une confortable villa de Saint-Maur-des-Fossés, en banlieue parisienne. La Mosquée de Paris mit même à sa disposition un cuisinier. Il pouvait se déplacer librement et recevoir des invités. Cela n’est pas sans rappeler l’accueil de l’Ayatollah Khomeini par la France, trente ans plus tard… Le Quai d’Orsay déménagea finalement le Grand Mufti dans une autre grande villa à Bougival, dans les Yvelines, avant de le laisser s’échapper à bord d’un vol régulier de la TWA à destination du Caire, un faux passeport (fourni par le Quai d’Orsay) en poche. Il fut reçu en Égypte comme un héros. La Ligue arabe avait réussi à persuader les gouvernements occidentaux de ne pas le poursuivre pour crimes de guerre. D’après l’historien américain Jeffrey Herf, ses activités durant la guerre « étaient une source de fierté et non de honte » pour le Parti Arabe palestinien.

La Nakba relança sa carrière après la guerre

Après la création de l’État d’Israël et les guerres (civiles d’abord, avec les pays arabes ensuite) qui l’ont suivie, des centaines de milliers d’Arabes de Palestine furent contraints à un exode forcé et violemment expropriés. L’événement, surnommé la Nakba, la “catastrophe”, constitue encore aujourd’hui un traumatisme compréhensible pour tout le monde arabe. Il renforça considérablement l’influence et la popularité du Grand Mufti, qui, ayant maintenu ses liens avec des cellules armées, orchestra de nouvelles attaques en Israël dans les années 1950. Il chargea Jamal Sourani, le fils d’un ancien maire de Gaza, de réorganiser la milice nationaliste du « Jihad sacré » dans le sud de la Palestine, promut avec un franc succès la cause palestinienne et antisioniste devant le bloc des pays dits “non-alignés” (refusant de s’aligner sur la politique américaine ou soviétique) et réussit à convaincre l’ONU de se pencher sur le problème palestinien. En 1968, Amin al-Husseini conseilla à Yasser Arafat, un cousin éloigné, de prendre la tête de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de « libérer la Palestine », en opérant à partir de Gaza, avec les troupes du Fatah.

Il mourut en exil au Liban en 1974. À sa mort, Mahmoud Al-Habbash, le conseiller de l’actuel président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas sur les Affaires religieuses, rendit hommage à un « grand dirigeant national palestinien », en rappelant à quel point il avait été un “modèle” dans le combat palestinien pour l’indépendance.

Il est tentant de faire le rapprochement entre le nom de la récente opération sanglante du Hamas, Déluge d’Al-Aqsa, et le slogan créé en 1936, Al-Aqsa en danger, à l’époque où les émeutes anti-juives furent fomentées par le Grand Mufti, gardien autoproclamé de la célèbre mosquée de Jérusalem (nous vous renvoyons d’ailleurs à l’article de Causeur de 2017[2] sur les origines de ce slogan).


[1] https://www.timesofisrael.com/full-official-record-what-the-mufti-said-to-hitler/

[2] https://www.causeur.fr/israel-jerusalem-alaqsa-terrorisme-145787




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Metteur en scène et auteur dramatique.

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