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Lolita n’est pas morte dans les bras de M. le Maudit


Lolita n’est pas morte dans les bras de M. le Maudit
Sue Lyon et Richard Burton dans "La nuit de l'iguane" (1964) © MARY EVANS/SIPA Numéro de reportage: 51384322_000002

Sue Lyon, l’inoubliable interprète du Lolita de Stanley Kubrick, est morte le 26 décembre dernier.


Par une étrange coïncidence, Sue Lyon est morte ce 26 décembre 2019 à l’heure où Gabriel Matzneff, marqué du sceau de l’infamie, fuyait la France pour l’Italie où un ignoble lynchage médiatique mettait sa vie en danger. Pour la beauté du scénario, on eut préféré que Sue Lyon (qui fut à 16 ans l’inoubliable Lolita de Kubrick) agonisât dans les bras de M. le Maudit, mais la mort n’est pas toujours présente au bon moment, ni au bon endroit.

Ce cher Patrick Mandon qui m’apprend cette triste nouvelle, remarque justement que sa danse avec un hulla-hoop devant James Mason dans le jardin serait aujourd’hui interdite. D’elle et de cette scène, Nabokov avait dit qu’elle était l’incarnation de la nymphette (d’ailleurs édulcorée par Stanley Kubrick). Le film est sorti en 1962. Aujourd’hui, nul ne pourrait l’adapter.

Les nymphettes en celluloïd sont nées à Hollywood par la grâce du plus grand metteur en scène de tous les temps: David Wark Griffith, un gentleman sudiste qui transforma son obsession en une forme inédite, mais largement partagée, de sexualité allant droit au cœur des spectateurs. La première Lolita fut bien sûr Lilian Gish qui avait moins de seize ans lorsqu’elle fut repérée par Griffith qui en fit une star internationale avec « Naissance d’une Nation » en 1915. Ce qui fascinait Nabokov dans ces filles à peine pubères qui se succédèrent sur les écrans, c’était – et c’est encore – leur côté démoniaque. Est-ce l’homme mûr qui est leur victime ou sont-elles la proie d’infâmes prédateurs ? Qui a séduit qui ? Je serais bien peine de répondre à cette question, mais en revanche il me semble évident que nous touchons au cœur d’un inconscient collectif qui rend ce mythe de la nymphette et de son prédateur présumé quasi inépuisable, quelle que soit l’opinion qu’on puisse émettre sur l’exploitation sexuelle, au cinéma comme dans la vie, de lolitas en herbe.

Avec Louise Brooks dans Lulu et Caroll Baker dans Baby Doll, sans oublier Brooke Shields dans Pretty Baby, Sue Lyon fut celle, avec qui incarna le mieux le mythe de Lolita. À ce titre, elle reste inoubliable, même si à titre personnel j’ai un faible pour La Nuit de l’Iguane qu’elle tourna deux ans plus tard sous la direction de John Huston. Je n’ai, en revanche, jamais vu L’étrangleur invisible qui date de 1984, mais, quoiqu’affirment aujourd’hui d’ex-nymphettes, je puis assurer que ce n’est pas Gabriel Matzneff.

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