Le gouvernement n’apprécie pas d’entendre que le meurtre de la petite Lola, 12 ans, aurait pu être évité si les OQTF étaient correctement appliquées. À l’écouter, l’émotion ne doit pas laisser place à la raison.
Le meurtre lâche et sordide de la petite Lola, 12 ans, suscite légitimement une forte émotion dans l’opinion publique et révèle dramatiquement, une nouvelle fois, les dysfonctionnements de notre administration. L’Algérienne de 24 ans qui a torturé et assassiné la jeune fille était en situation irrégulière et s’était vu remettre une obligation de quitter le territoire français depuis deux mois. Cette expulsion, comme quelques dizaines de milliers d’autres, n’a pas été appliquée. Pour camoufler son incurie, le gouvernement n’a eu de cesse, en réponse à toute question, d’afficher son « émotion » et sommé qu’on fasse de même.
Mardi à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen a rappelé que « trop de crimes et de délits sont commis par des immigrés clandestins qu’on n’a pas voulu ou pas su renvoyer chez eux » et demandé à Élisabeth Borne ce qu’elle comptait faire. Réponse du Premier ministre : « Un peu de décence Mme la présidente Le Pen. Un peu de décence et respectez la douleur de la famille. Bien sûr, il n’y a pas de mots pour exprimer la douleur d’une famille face à la perte d’un enfant. Le président de la République a reçu ce matin les parents de Lola et il a pu leur exprimer toute l’émotion et toute la solidarité de la nation ». Et à l’instar du Garde des Sceaux et du PS, elle a pointé une scandaleuse « instrumentalisation » de cette affaire par la droite et l’extrême droite. Lorsqu’il pointe un dysfonctionnement systémique et souhaite en débattre devant les députés, un responsable politique, quel qu’il soit, fait donc uniquement de l’ « instrumentalisation » ? À quoi peut bien ressembler un débat, une réflexion, dès lors qu’on ne peut poser les termes d’un problème ?
La majorité a multiplié toute la journée les appels à la « décence » et a trouvé, mercredi, un synonyme pour poursuivre sa charge contre ceux qui leur demandent des comptes : la dignité.
Ainsi, au sortir du Conseil des ministres hier, Olivier Véran a déclaré : « Les leçons à tirer sur le plan politique : chacun en sortirait grandi par la dignité dont il fait preuve dans la douleur de tout un peuple et dans la confiance renouvelée dans les institutions de notre République. Notre réponse c’est la République, c’est l’ordre républicain, et quiconque souhaiterait s’en affranchir en trahirait de fait la promesse ». On va bientôt apprendre que s’il y a des assassins en France, c’est parce qu’il y a des partis « antirépublicains ». Demander de continuer à croire en des institutions qui prouvent « affaire » après « affaire » leur faillite est un programme un peu osé, mais Olivier Véran semble y croire. Cela permet surtout de ne pas changer de discours et de cacher les vrais problèmes avec le même mouchoir qui a servi à sécher des larmes. Aussi, pour ses prochaines sorties, puisqu’il va le répéter, on peut souffler au porte-parole du gouvernement quelques synonymes de « décence » : retenue, pudeur, réserve, tenue, tact, convenance, respect, sagesse, délicatesse…
Cinq jours après le drame, il a tout de même reconnu, au détour d’une phrase, que « nous travaillons d’arrache-pied pour faire en sorte que les expulsions soient suivies d’effets. Nous devons évidemment faire mieux ». Un peu court comme auto-critique mais c’est encourageant. Au fait, s’il en a besoin, les synonymes de dignité sont : honneur, fierté, honorabilité, honnêteté, respectabilité, distinction, élévation… tout pour définir notre gouvernement.