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L’enfant noir de Saint-Domingue

Loïc Le Gloahec publie "Le Roi des Blancs" (Le Passeur Éditeur, 2024)


L’enfant noir de Saint-Domingue
Le Passeur éditeur

Loïc Le Gloahec. DR.

Loïc Le Gloahec est un habitant du pays de Vannes. Son éditeur indique qu’il a longtemps erré dans les collèges, ce qui est salutaire pour devenir écrivain. Il signe son premier livre, un roman historique sur la vie d’Antoine, jeune homme élevé dans une plantation de Saint-Domingue, à la fin du XVIIIe siècle. Son destin est à la fois tragique et édifiant. Il est exploité dans une plantation de canne à sucre. On pense, ici, à la phrase de l’esclave noir rencontré par Candide, au sortir de l’Eldorado, dans le conte philosophique éponyme de Voltaire : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. » Les descriptions de Voltaire, même si elles sont hyperboliques et teintées d’ironie, font mouche. Le pauvre homme est amputé d’une jambe et d’une main. On apprend également qu’il a été vendu dix écus patagons sur la côte de Guinée par sa propre mère. Le récit fictif, minutieusement documenté, écrit par Le Gloahec, qui n’est pas historien de formation, souligne les souffrances des Noirs d’une manière plus romanesque que Voltaire, en insistant sur l’humanisme du jeune Antoine, victime de ses origines et de la cupidité des puissants. Au soir de sa vie, il entreprend de raconter son histoire. Il le fait dans une langue soutenue qui étonne. Mais le jeune homme a eu la chance d’être protégé par le propriétaire de la plantation, Charles de Varenne, vicomte et puissant noble du pays de Blois. Ce dernier lui a permis de traverser les mers, de vivre en France et de recevoir une éducation réservée à l’élite. Antoine veut témoigner des crimes et des tortures dont il a été le témoin. Le devoir de mémoire l’exige. Il écrit aussi pour l’amour de la langue française, ses subtilités, ses accords compliqués mais essentiels, ses figures de style, sans oublier la noblesse de l’imparfait du subjonctif. On croirait lire un récit contemporain de Bernadin de Saint-Pierre. C’est bluffant. On y retrouve les premiers élans romantiques de l’auteur de Paul et Virginie. Car l’amour n’est pas absent du roman. Antoine va tomber amoureux de la fille du Vicomte, la diaphane Héloïse. Le prénom n’est pas choisi par hasard : Le Gloahec est un admirateur de Rousseau.

Mais les deux jeunes gens vont voir disparaître le monde qui les a vus naître. Antoine n’a pas de quoi le regretter, à la différence d’Héloïse. On pense à la phrase crépusculaire de Chateaubriand, à la fin des Mémoires d’outre-tombe : « Je me suis rencontré entre deux siècles, comme au confluent de deux fleuves ; j’ai plongé dans leurs eaux troublées, m’éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue. » Un fleuve de sang va emporter la monarchie ; Charles de Varenne, noble humaniste, à l’esprit éclairé, ne pourra y échapper.

Un grand roman épique.

Loïc Le Gloahec, Le Roi des Blancs, Le Passeur Éditeur.

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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