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Pour la gauche suisse, une loi sur la laïcité est islamophobe

La droite genevoise tente d'instaurer une laïcité à la française


Pour la gauche suisse, une loi sur la laïcité est islamophobe
En 2013, une militante d'un parti islamiste suisse distribue des tracts avant une votation sur le port du niqab en public, Lugano. ©FABRICE COFFRINI / AFP

La population genevoise en Suisse devra, dimanche 10 février, se prononcer sur une nouvelle loi sur la laïcité que la gauche juge islamophobe et discriminatoire.


La nouvelle loi sur la laïcité de l’Etat (LLE) adoptée en avril dernier par une majorité de droite au Grand Conseil genevois devra passer, ce dimanche 10 février, la rampe de la population. Le Parlement s’est écharpé sur la question durant deux ans, c’est dire si la culture du débat démocratique et du compromis helvétique aura été de mise. Pourtant, les partis de gauche – le Parti socialiste, les Verts et Ensemble à gauche – jugent la nouvelle loi liberticide, discriminatoire et même islamophobe.

« Il y a dans l’islam une demande de visibilité »

C’est une sorte de laïcité à la française que la droite souhaite instaurer dans la République de Genève. Selon eux, la neutralité de l’Etat doit passer par une interdiction pour tous les représentants de l’Etat de porter des signes ostentatoires religieux. C’est cet aspect du texte qui a donné lieu à des débats sans fin. Obsédée par la question du voile islamique, la gauche accuse le camp bourgeois d’entraver la liberté individuelle. Jean Romain, président du Grand Conseil genevois et député libéral-radical genevois, nous a donné par téléphone sa réponse à cette critique :

« L’expression d’une identité religieuse ne peut pas être mise sur le même plan que l’expression de son genre et de sa classe sociale pour la raison suivante : il s’agit d’un signe que nous pourrions qualifier de « convictionnel ». Je n’ai pas la conviction d’être un homme, c’est absurde. Or, il est un lieu où l’expression « convictionnelle » n’a pas sa place, à savoir l’Etat. De plus, la question du voile est intéressante : les institutions chrétiennes et juives soutiennent la loi, ce qui n’est pas le cas des musulmans. Il y a dans l’islam une demande de visibilité, légitimée auprès des fidèles par l’autorité d’un Ramadan. »

« La gauche a trouvé auprès des musulmans les nouveaux damnés de la Terre »

Il s’agit pour Jean Romain, par ailleurs philosophe, de concrétiser par une disposition légale le principe de la laïcité inscrit dans la Constitution : « La nouvelle Constitution de 2012, art. 3, al. 3, stipule que « les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses ». Il convenait de préciser ces relations. » Une précision qui ne plaît pas au camp adverse, soutenu également par les associations féministes et musulmanes. Hani Ramadan a, par exemple, dénoncé dans Le Temps « une intrusion dans la sphère protégée des libertés individuelles et une confusion que favorise actuellement une islamophobie diffuse ».

A lire aussi: Ces musulmanes qui osent retirer le voile

Pour Jean Romain, le concept d’islamo-gauchisme est tout à fait adapté pour qualifier cette idéologie : « De manière générale, la gauche a trouvé auprès des musulmans les nouveaux damnés de la Terre. Ceux-ci ont remplacé les exploités qu’étaient les ouvriers au XIXe siècle. Les associations féministes se sont aussi mêlées au mouvement en posant les femmes comme des victimes de la société. Le PS, les Verts et Ensemble à Gauche ont clairement donné le ton en qualifiant la loi en votation ce dimanche de discriminatoire. Ce qu’elle n’est pas ! »

Une députée veut s’habiller en nonne

Et il est intéressant de constater que la gauche n’est pas unie sur la question : même si les partis ont appelé à voter contre la loi, certains élus issus de ces rangs ne se reconnaissent pas dans cette ligne directrice. Ainsi, la députée d’Ensemble à gauche, Salika Wenger, a fait valoir ses valeurs républicaines et annoncé qu’en cas de refus de la loi, elle viendrait « siéger en cornette de bénédictine », expliquant à ses collègues que « ce n’est pas un costume religieux, mais une nouvelle collection de [son] cru à base de coton amidonné ». Le fossé entre tradition républicaine et aspirations multiculturalistes, même au sein de la gauche, n’a jamais été aussi frappant en Suisse.

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Journaliste en Suisse. Correspondant au Palais fédéral pour "L’Agefi" et rédacteur en chef de la revue "Le Regard Libre"

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