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Loi immigration: LR veut-il prendre le charter Darmanin?

Loi immigration: LR, le RN et Marion Maréchal face au gouvernement


Loi immigration: LR veut-il prendre le charter Darmanin?
De gauche à droite, Eric Ciotti (LR), Marine Le Pen (RN) et Marion Maréchal (Reconquête) © Isa Harsin/SIPA / Francois Mori/AP/SIPA / Hannah Assouline

Désormais, concernant le défi migratoire, pour LR aussi, les «intérêts fondamentaux» de la nation sont en jeu. Divisés sur la question des retraites, les LR pensent pouvoir s’imposer sur ce débat. Peut-être même devenir l’aiguillon de la majorité présidentielle. Entre MM. Darmanin et Ciotti, une intrigante valse démarre. C’est à qui apparaitra comme le moins laxiste… Plus à droite, que reste-t-il à la droite nationale de Marine Le Pen, ou à celle d’Éric Zemmour, elles qui étaient autrefois les championnes dans la dénonciation des dérives de l’«État de droit» ou des méfaits de l’«État profond»? Analyses.


Depuis la loi Collomb dite « asile et immigration » de 2018, la France n’a pas mis en place de grand texte répondant à l’urgence de la question migratoire contemporaine. À l’époque, la gauche avait lors des débats législatifs dénoncé un texte qu’elle qualifiait de cruel, et même, je cite de mémoire, d’« inhumain ». Daniel Cohn-Bendit et Romain Goupil, soixante-huitards gagnés au macronisme triomphant, y étaient même allés d’une tribune dans Le Monde : « En France, la loi sur l’asile et l’immigration, que le ministre français de l’Intérieur présente au Parlement français, n’apporte pas de réponse à cette urgence, pas plus que ce qu’annonce son homologue allemand. Ce n’est pas de ce tandem qui joue sur les peurs que nous attendons quelque chose de bon, ni pour nos deux pays, ni pour l’Europe ».

Collomb n’a pas pu faire ce qu’il souhaitait

Tout ce que la France compte d’associations et d’ONG de défense des immigrés, et Dieu seul sait qu’elles sont nombreuses, avait rejoint ce mouvement de « résistance » au repli sur soi franchouillard sorti du cerveau détraqué de l’extrémiste maire de Lyon. Las, il ne s’est évidemment rien passé, l’aile gauche des députés macronistes d’alors ayant amendé toutes les mesures les plus intéressantes d’un texte dont le projet était extrêmement prometteur, rappelant même le meilleur de la gauche danoise qui est aujourd’hui citée en modèle par la majorité des ténors de la droite française. Plus terrifiant encore, les amendements qui ont alors été soutenus et votés par les députés marcheurs montraient une profonde divergence avec leur ministre de l’Intérieur ; aussi naïvement sans-frontièristes que la vulgate habituelle de La France Insoumise tendance Boyard-Bilongo.

Le texte finalement adopté a même aggravé les choses, offrant notamment des mesures pour « sécuriser le droit au séjour des étrangers en situation irrégulière » et donc faciliter leur installation sur notre territoire. D’une loi pensée pour lutter contre l’immigration illégale, Gérard Collomb a vu son texte devenir une formidable pompe aspirante migratoire. Depuis son adoption, ne sont plus considérés comme sûrs les pays « persécutant les homosexuels », soit l’ultra majorité des pays d’origine des clandestins. Ce stratagème est aujourd’hui massivement utilisé par les clandestins dont certains s’illustrent dans les pages faits divers de tous nos journaux.

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L’extension du regroupement familial devenu « réunification familiale » a aussi constitué un tournant et un grave précédent. Désormais, le dispositif bénéficie aux frères et sœurs de « mineurs »… Tout mineur ayant bénéficié du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire peut ainsi faire venir ses parents et ses frères et sœurs en France ! Face à l’immigration, l’Etat ne fait désormais strictement rien. Il n’est pas absent, il est résigné. Du juge administratif en passant par l’ADATE, le site info-droits-étrangers.org, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ou encore l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, tout est fait pour favoriser l’entrée et le séjour de centaines de milliers d’individus que les Français ne veulent plus et ne peuvent plus accueillir.

Une opinion lucide sur les enjeux migratoires

Selon un sondage CSA pour CNews rendu le 12 avril 2023, 64% des Français répondent oui à la question de savoir s’il est nécessaire de « stopper l’immigration extra-européenne en France ». Ils répondent dans les mêmes proportions qu’ils soient hommes ou femmes, jeunes ou vieux. Si le clivage droite gauche est prononcé, 94 % des sondés de droite – hors « Renaissance » – se disant favorables à l’arrêt de l’immigration extra-européenne, ils sont tout de même 37% à gauche à répondre oui et 56% pour ce qui concerne les électeurs de la majorité présidentielle.

Des migrants embarquent sur des bateaux pneumatiques pour tenter d’atteindre les eaux britanniques, Wimereux (Pas-de-Calais), 16 octobre 2021 © Marc SANYE / AFP

Quand on entre dans le détail avec des questions moins clivantes que celle posée par le sondage CSA CNews, comme le faisait Le Baromètre de la confiance politique de septembre 2020 par le Cevipof et OpinionWay, il ressort que les Français de tous bords politiques jugent qu’il est désormais inévitable de réduire et de mieux contrôler qui s’installe en France, a minima. Leur vision de l’immigration est aussi corrélée au « sentiment d’insécurité » et à leur confiance dans l’avenir, qu’il s’agisse de sécurité physique et matérielle comme culturelle, ou, pour parler franchement, civilisationnelle. L’étude Le regard des Français sur l’immigration de novembre 2018 pour le JDD et la Fondation Jean Jaurès montrait ainsi que 75% des sondés répondaient non à la question « Diriez-vous que les personnes issues de l’immigration sont aujourd’hui bien intégrées dans la société française ? ».

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Au cours des dernières années, la question de la non-exécution des OQTF, illustrée par l’affaire du meurtre de la petite Lola ainsi que d’autres faits, mais aussi l’apparition de camps sauvages de migrants dans des grandes villes et des villages qui étaient jusqu’à présent épargnés, n’a fait que renforcer cette perception du problème par les Français.

Une droite qui se cherche autour de l’immigration

Divisés sur la question des retraites, Les Républicains pensent pouvoir s’imposer sur ce débat et peut-être devenir l’aiguillon de la majorité présidentielle. Dans ce contexte qu’ils jugent porteur, les figures médiatiques du parti ont annoncé déposer deux propositions de loi qui pourraient entrainer une réforme constitutionnelle. Ils ont aussi déclaré que s’ils jugeaient le texte qui sera proposé par le gouvernement et Gérald Darmanin en la matière trop « laxiste », ils se réserveraient la possibilité de déposer une motion de censure – laquelle n’aurait évidemment aucune chance d’aboutir, mais passons.

« Les Français nous le disent dans tous les sondages : il y a trop d’immigrés. Il faut reprendre le contrôle », a notamment déclaré Bruno Retailleau. Son comparse Eric Ciotti a lui affirmé qu’il fallait mettre un terme à « l’immigration de masse » et que cet objectif avait toujours été défendu par son parti : « Les Français doivent pouvoir choisir qui ils accueillent, qui ils ne souhaitent pas accueillir, et qui n’a plus sa place sur notre territoire ». Outre la réforme constitutionnelle proposant que l’immigration puisse être un sujet de vote référendaire, les Républicains rompent ici, au moins en façade, avec une règle tacite ancienne de leur formation politique en se déclarant favorable à ce que soit inscrit dans notre Constitution «  la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen (…) quand “les intérêts fondamentaux de la nation” sont en jeu ».

Ils veulent aussi, c’est beaucoup plus ambigu, voire impossible, un Etat ne pouvant pas sonder les reins et les cœurs, que le « principe d’assimilation » soit aussi rapporté dans la Constitution. À quelques nuances près, ce projet rappelle beaucoup les fondamentaux d’une certaine Marine Le Pen et du Rassemblement national, en passe de « grand-remplacer » Les Républicains dans le cœur d’une grande partie de l’électorat de droite, surtout depuis l’élection de 90 députés qui notabilisent cette formation politique que même Emmanuel Macron n’ose plus qualifier « d’héritière du pétainisme » !

Le RN et la droite hors les murs se rebiffent

Le Rassemblement national compte aussi tirer son épingle du jeu, croyant dur comme fer que les Français préféreront l’original à la copie. « Ils crédibilisent ce que l’on dit depuis trente ans sur l’immigration et qui nous a valu d’être diabolisés », avançait ainsi Louis Aliot. Directeur général délégué d’IPSOS, Brice Teinturier va même un peu plus loin, jugeant que « si ces idées sont reprises par des responsables politiques tels que Laurent Wauquiez à l’élection présidentielle, cela donnera au RN un surcroît de légitimité. Cela les rend beaucoup plus acceptables aux yeux de l’opinion ». De fait, on se demande bien comment Les Républicains pourront encore « diaboliser » le Rassemblement national sur ce thème, étant acquis qu’ils ont repris la majorité des idées que le parti avance depuis des décennies…

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Marion Maréchal a elle aussi saisi la perche tendue par Les Républicains pour revenir dans le jeu en publiant une tribune dans le journal Le Figaro, déplorant des omissions et critiquant le « bouclier constitutionnel » détaillé plus avant, tout en rappelant qu’elle serait probablement candidate aux élections européennes avec « Reconquête ! » : « Soyons en assurés, si demain les dirigeants français avaient le courage de renégocier les traités nous liant et nous incapacitant sur la question migratoire, ils ne seraient pas seuls. De nombreux pays viendraient pousser en mêlée pour obtenir, eux aussi, la maîtrise de leur politique migratoire. Partout en Europe, nos amis conservateurs en Italie, en Espagne, en Hongrie, en Pologne, en Suède, en Finlande gouvernent ou s’apprêtent à le faire: pour la première fois, nous pouvons envisager une majorité pour rompre avec le laxisme migratoire. Et en France, c’est bien davantage avec nous qu’avec des LR liés à Bruxelles aux centristes et socialistes que nos amis européens souhaitent construire un avenir protecteur pour nos enfants. »


Il est certain que l’alliance de différents gouvernements européens autour du contrôle de l’immigration, mais aussi la nécessité de travailler à plusieurs Etats, ne fait aucun doute. La France a d’ailleurs manqué une occasion en se brouillant avec Giorgia Meloni par l’intermédiaire du turbulent Gérald Darmanin, trop occupé à faire de la politique politicienne anti-Marine Le Pen pour penser au bien commun. Dans tous les cas, les acteurs politiques ont tous un agenda… politique. Ne m’en veuillez pas pour cette tautologie, car qui a ses intérêts bien en tête ne peut que vouloir régler ce problème majeur, ce problème existentiel qui se pose à l’Europe et singulièrement à la France.

Faut-il pour cela réviser intégralement notre Constitution ? Non. Mais il ne faut reculer devant aucune méthode et surtout rendre notre pays beaucoup moins attractif aux touristes sociaux. Un clandestin ne doit pas pouvoir rester, ni jamais revenir. Quand on veut entrer quelque part, on sonne à la porte. Si nous réglions déjà ce sujet central de la question migratoire, nous aurions fait un immense pas en avant. Il n’est d’ailleurs pas obligatoire d’avoir toute la panoplie « réac » pour constater que nous devons agir et que nous le devons aux générations futures. Les Danois ne vivent pas en dictature, ni même dans une terre qu’on pourrait qualifier de rétive au progressisme. Pourtant, ils font le strict minimum.

Je veux d’ailleurs croire à la bonne fois de la majorité des fonctionnaires, et même à celle d’Eric Dupond-Moretti qui a confessé benoitement que toutes les OQTF ne pouvaient pas être appliquées. C’est bien vrai et c’est tout le problème. Quand il y a de la volonté, il y a un chemin. Le deuxième round aura lieu à l’Assemblée. Emmanuel Macron saura-t-il saisir l’opportunité qu’il avait manquée avec Gérard Collomb lors du premier quinquennat ? Réponse à la rentrée.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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