Jeudi dernier, à Matignon où il recevait les chefs de LR, le Premier ministre Gabriel Attal a bien confirmé qu’il allait retoucher l’AME.
On ne devrait pas tarder à voir le débat sur l’Aide Médicale d’État, l’A.M.E, revenir en pole position dans les discussions politiques et les articles de presse. Déjà, en coulisses on s’agite. C’est que le sujet est des plus sensibles. Les Républicains tenaient à la suppression pure et simple de cette facilité accordée systématiquement aux personnes étrangères en situation irrégulière présentes sur notre sol. Madame Borne, alors Premier ministre et déjà bien oubliée – ingratitude des temps – avait jugé préférable de sortir ce sujet de la loi immigration tout en promettant de revenir sur la question par une autre loi, spécifique, qu’elle annonçait pour le début de la présente année. M. Larcher, vieux briscard du sérail à qui on ne la fait pas, avait exigé un écrit, une lettre précisant cet engagement. Les paroles s’envolent, les écrits restent, on connaît l’adage. Sans doute est-ce aussi en raison de cette précautionneuse astuce que le nouvel hôte de Matignon s’est cru obligé de déclarer devant les députés, lors de la dernière séance de questions au gouvernement et en réponse à l’interpellation du chef des parlementaires LR, Olivier Marleix, que cet engagement serait tenu.
Quand ? Ce léger détail ne fut pas précisé. Pas plus qu’il ne le fut lors de l’entretien que les caciques de ce parti, MM. Ciotti, Retailleau et Marleix ont eu jeudi dernier à Matignon avec le Premier ministre. On sait qu’ils l’auraient trouvé « juvénile ». Juvénile mais pas davantage précis dans ses intentions. Comme quoi l’habileté en politique n’attend pas non plus le nombre des années. M. Marleix est sorti de ce rendez-vous plutôt confiant. Sous le charme de cette sémillante juvénilité, allez savoir ? Il lui a paru que le jeune homme « jouait franc jeu ». Quant à l’imprécision sur la date de la loi promise, il la justifia d’un mot qui, pris à la lettre, pourrait s’avérer bien cruel : « Il n’a été précis sur rien. » Quand on vous dit que le flou est un art politique de première grandeur et qu’il se pratique dès le berceau ou presque…
A lire aussi: Immigration: les perroquets avaient tort
En sortant l’AME de la loi immigration et en promettant une loi séparée, Mme Borne ne visait, pour dire les choses crûment, qu’à ménager la chèvre et le chou. La chèvre, les LR et leur exigence très droitière, le chou, sa majorité et ses pudeurs très gauche morale. Or, à ce que nous croyons savoir, c’est à peu près le même cheval qu’entendrait enfourcher le cavalier Attal. On s’orienterait en effet vers un agencement en deux temps, croit avoir décrypté M. Marleix. La loi pour définir quels seraient les bénéficiaires du dispositif AME, et un texte réglementaire pour établir la liste des prestations et des soins auxquels ils pourraient prétendre. Autant le dire sans ambages, voilà qui fleure à plein nez la bonne vieille usine à gaz. Voire l’entourloupe grand format. La liste des bénéficiaires aurait force de loi, très bien. Cela pour ménager la chèvre évoquée ci-dessus, mais le catalogue de soins, lui, ne relèverait que du réglementaire, en d’autres termes de dispositions potentiellement revues et corrigées en fonction de l’ère du temps, de l’humeur de la majorité en place, éventuellement de l’âge du capitaine et de la vitesse du vent. Il suffirait, on s’en doute, qu’on fasse entrer dans ce règlement suffisamment de critères d’éligibilité pour qu’on se retrouve Gros Jean comme devant, c’est-à-dire avec une AME qui serait quasiment en tout point ce qu’elle est actuellement. Au moins sur le papier, le tour de passe-passe ne peut être exclu, et, ainsi, le chou à pudeurs gauche morale mentionné plus haut, se trouverait lui aussi ménagé. Du très beau boulot, vous dis-je…
Ce « tout ça pour ça » se ferait au nom de nos valeurs humanistes, vous l’aurez compris. En juin dernier, M. Attal ne revendiquait pas autre chose lorsqu’il déclarait : « En plus de conserver les valeurs humanistes de la France, ils (les professionnels de santé) disent que pour des enjeux de sécurité sanitaire pour les Français, il faut garder un système de santé qui soigne ces personnes présentes sur notre sol. »
A lire aussi: Emmanuel Macron: quand la forme prend le pas sur le fond
« Des enjeux de sécurité sanitaire pour les Français » ? Quel aveu ! Ainsi donc, l’immigration débridée serait en elle-même porteuse d’un risque pour l’intégrité physique de l’ensemble de la population ? Constat assez inquiétant, pour ne pas dire terrifiant. Mais aussi constat passé assez volontiers sous silence. On n’en parle guère, assurément. C’est qu’il serait bien peu responsable de trop mettre en lumière une réalité qui risquerait d’affoler les foules, comprenez-vous. Il se peut que le juvénile personnage, non encore Premier ministre alors, ait cédé à un accès de candeur en laissant filer cette vérité d’évidence. Quoi qu’il en soit, il est parfaitement clair que ce paramètre devrait être en tête des préoccupations lorsqu’il s’agira de trousser la loi promise et de peaufiner le dispositif réglementaire y afférent (comme on dit dans la Gendarmerie). Il ne faudrait pas, tout de même, que l’affaire soit remise aux calendes grecques et n’accouche finalement que d’un placébo, un remède en trompe l’œil mais vide de tout principe actif. Cela aussi ne peut être exclu, tant on sait le mandarin Macron et le jeune docteur Attal assez experts dans l’art de jouer la montre et, surtout, de dorer la pilule.