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Locations touristiques à Paris: la Mairie contre les propriétaires


Locations touristiques à Paris: la Mairie contre les propriétaires
Anne Hidalgo visite un immeuble transformé en logement social à Paris, 2014. SIPA. 00666673_000010

Si le monde va mal, c’est la faute au profit, ce vil profit ennemi de l’humain qui transforme tout en marchandise et ignore la société du partage. Un profiteur est de plus en plus mal supporté à Paris, c’est le propriétaire. Une équipe d’idéologues revanchards, qui s’est emparée de la Mairie, l’accuse de s’engraisser outrageusement par ses locations à des touristes, de favoriser la spéculation immobilière et d’être responsable de la crise du logement. Elle est décidée à lui régler son compte.

ll est désormais interdit de louer un appartement à quiconque en courte durée (moins d’un an), sauf s’il s’agit de la résidence principale du propriétaire. Et il est interdit de louer plus de 120 jours par an sa résidence principale à quiconque. Un dispositif municipal répressif et policier vient soutenir ces mesures. Il traque les propriétaires en infraction qui écopent d’amendes astronomiques (50 000 euros), il espionne et contrôle les logements, encourage la délation.

Les locations touristiques ne sont pour rien dans la crise du logement…

Bien sûr, la Mairie affiche ses bonnes raisons. Elle prétend endiguer la pénurie de logements dans la capitale en forçant les propriétaires à louer en location « traditionnelle ». Nous affirmons au contraire que la location de courte durée n’est que très marginalement une cause des problèmes de logement, que les arguments avancés ne tiennent pas et expriment avant tout une idéologie anti-propriétaire.

A Paris, qui compte 1 350 000 logements, Airbnb a mis en ligne 60 000 logements dont 80% sont, d’après Airbnb, des résidences principales. On a donc 12 000 logements susceptibles d’être détournés de la location traditionnelle (puisque la résidence principale ne peut pas l’être par définition, soit 0,8% seulement des logements parisiens. Autrement dit, pas grand chose. La Mairie prétend qu’il y en a 20 000, chiffre gonflé pour les besoins de la cause. Rien ne prouve de toute façon que tous les logements en location «  illégale » seraient remis en location longue. Peut-on alors sérieusement affirmer que moins de 1% de logements sont la cause de la hausse des loyers (qui en réalité baissent !), du prix des logements (qui ont baissé eux aussi quand les locations touristiques augmentaient pendant la même période !) et globalement de la crise de l’immobilier à Paris, « crise » qui dure depuis 50 ans ?

La spéculation est-elle à l’origine du boom des locations touristiques ?  Mais spécule-t-on à Paris en achetant un appartement à un prix très élevé avec une rentabilité locative la plus basse de France ?

…contrairement aux logements sociaux

La Mairie affirme que les prix « constatés »  sont « entre le double et le triple d’une location traditionnelle » . Ce chiffre est faux et ne veut rien dire pris comme ça. Il se présente comme une moyenne mais n’est atteint au mieux que deux ou trois mois dans l’année. De plus il mélange le prix affiché aux touristes avec ce que touche réellement le propriétaire après déduction de la commission du site qui héberge les annonces. Il « oublie » ensuite de déduire les frais importants qu’on ne retrouve pas dans une location traditionnelle. Enfin il ne tient pas compte des trous entre les locations. Qu’on calcule comme on voudra, la rentabilité d’une location à des touristes est, d’expérience, à Paris, plus ou moins au niveau de ce que le spéculateur aurait gagné avec une location ordinaire. C’est à dire un rapport locatif très mauvais.

La vraie spéculation à Paris consiste à acheter en faisant le pari que les prix de l’immobilier continueront à grimper fortement dans l’avenir, mais la location à des touristes n’est pas responsable de cette spéculation puisqu’il est plus commode et pas moins rentable de chercher une location avec un bail long.

Si l’on veut trouver un coupable de la montée des prix, pourquoi ne pas regarder du côté de la politique du logement social : 30% de logements sociaux en 2030, acquis pour partie par préemption, c’est-à-dire par prélèvement sur le parc privé. Si on suit la Mairie il faudrait, pour faire cesser la spéculation et augmenter l’offre locative privée, que le propriétaire qui loue à des touristes remette à la location longue son bien, alors qu’il représente moins de 1% du parc locatif, quand la politique du logement social, de son côté n’y aurait aucune part !

L’eldorado des locations touristiques est un mythe

Autre argument souvent entendu : les locations à des touristes constituent une concurrence déloyale aux hôtels. Il faudrait préciser en quoi consiste la déloyauté. En vérité ce qui se passe est simple. Les hôtels, comme toute entreprise, calculent correctement leur marge nette, contrairement aux particuliers qui ne répercutent pas leurs heures de travail dans leurs charges. Il faudrait donc dire, pour être exact, que le propriétaire exerce une concurrence aux hôtels parce qu’il fait du travail non rémunéré en changeant lui-même le linge, en nettoyant la douche et tout le reste. Bref les prix sont trop bas et les propriétaires ne cherchent pas assez le profit !

La véritable aubaine qui explique le développement de ce type de locations, ce n’est pas de faire un profit facile, mais d’avoir trouvé à fabriquer son propre emploi et de recevoir une rémunération par le biais des sommes versées par les touristes. Et de s’assurer, devons-nous ajouter, de ne pas risquer les impayés des locations longues.

L’eldorado des locations touristiques est un mythe à Paris. Les propriétaires travaillent pour obtenir un peu plus qu’en location traditionnelle. Où est le scandale ? Chacun pense sans doute que, même si on ne sait pas pourquoi, le propriétaire doit bien être coupable d’une manière ou d’une autre de quelque chose. Au fond les chiffres importent peu pour l’opinion, elle ne les lit pas. C’est pourquoi la propagande contre les propriétaires joue essentiellement sur l’indignation. Il suffit d’écouter l‘adjoint au maire chargé du logement, Ian Brossat, pour constater la superficialité des analyses et la sophistique qui leur tient lieu le plus souvent. Des mesures qui portent atteinte à un droit fondamental et qui sont censées régler des questions vitales sont prises sans qu’à aucun moment on ne les justifie par des études et des chiffres incontestables. Sûre de sa bonne cause, souvent méprisante et même carrément cynique, la Mairie ne démontre rien, elle affirme !  Elle assure qu’elle veut juste faire la « chasse aux locations illégales », mais elle oublie de préciser qu’elle a défini  toute seule ce qui est légal et illégal. N’est-ce pas le principe de toute tyrannie que de faire croire qu’elle ne fait que faire respecter la loi alors qu’elle en est l’auteur ?

Une idée qui n’a jamais dû traverser la tête de la Mairie : le marché va régler tout seul la question des locations touristiques en stabilisant leur nombre. La concurrence entre loueurs se durcit déjà. S’il y a un scandale, il est dans la violation d’un droit de propriété qu’on croyait garanti par la constitution. Une poignée de responsables municipaux bricole dans son coin un programme de confiscation bâti sur des idées communistes, en toute impunité. Y a-t-il une opposition quelque part ? L’idée de défendre la propriété, qui est pourtant une de nos libertés fondamentales, la tétanise sûrement.



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