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Loana, vingt ans après

"Sexisme story: Loana Petrucciani" de Paul Sanfourche



L’ex-star de la première émission de téléréalité fait l’objet d’un livre d’un journaliste converti au néoféminisme qui tombe à côté de la plaque et oublie le drame vécu par une jeune femme malheureuse – qui s’était rêvée Marylin.


Le 26 avril 2001, il y a vingt ans, Loana, sortait victorieuse du Loft sous les acclamations de la foule, simplement vêtue d’un petit haut rose, sa couleur fétiche. Février 2021, le journaliste Paul Sanfourche, lui consacre un livre : Sexisme Story au Seuil. Il s’agit d’une lecture néoféministe de la vie tragique que la petite Miette (comme la surnommait sa mère) a vécu avant et après le loft. En en cela, il a trahi notre Marilyn de la télé réalité alors balbutiante.

Sanfourche s’applique, pendant deux cent pages, à faire de Loana une victime du patriarcat, comme le sont, à l’entendre, toutes les femmes (sauf celles qui passent leur temps à le combattre sur les réseaux sociaux). Mais Loana c’est bien plus que cela. Et je dois réparation à la jeune fille trop fragile dont le miroir aux alouettes ne tarda pas à se briser en mille morceaux.

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Notre journaliste, défenseur, même si elles ne lui ont rien demandé, des droits des femmes, s’excuse tout d’abord pendant dix pages d’être un homme: « Il me fallait réfléchir à mes privilèges, à mes comportements, et à ma part de violence quand je me croyais depuis toujours appartenir au « bon côté des hommes ». Ecouter les femmes, faire corps avec leurs revendications, arrêter de répondre pour toute défense : mais moi je ne suis pas comme ça. »

Une étrange épiphanie féministe

Sanfourche, au contact des militantes, a donc vécu son épiphanie féministe. Mais il n’en reste pas moins homme, voire mâle alpha, car Loana l’a fait bander quand il était adolescent. Mais au lieu de rester sur ce joli souvenir, il fait de l’objet de son désir d’antan un objet de cristallisation de l’idéologie néoféministe.

Cette fausse Marilyn Monroe a croisé sur son chemin Benjamin Castaldi et un dealer de cocaïne qui lui tapait dessus, tandis que la vraie rencontrait Billy Wilder et John Huston avant d’épouser Arthur Miller

Maladroitement, il dit vouloir laver la starlette de toutes les accusations qu’elle a subies depuis son quart d’heure warholien qui dure depuis vingt ans. Trop sexy, mais aussi trop conne, et puis, plus tard, trop grosse et trop droguée. Il appelle cela le sexisme et la grossophobie, alors qu’il s’agit simplement d’un déchaînement cathartique. Démultiplié, nous le savons maintenant, par les réseaux sociaux.

Il rencontre Loana en 2018. La starlette se prête volontiers au jeu, elle vit maintenant en Provence dans un lotissement avec piscine (indispensable accessoire loanesque) et sa mère. Elle dit s’ennuyer un peu, mais s’accommoder de cet ennui car elle est devenue casanière et s’occupe de sa maman. Il ne ressortira pas grand-chose d’intéressant de ces entretiens, Loana se confie sans se confier, reste sur ses gardes.

Alors, peut-être pour meubler, ou plus vraisemblablement pour remplir un cahier des charges, Sanfourche déroule le moulin à prières de l’idéologie féministe. Si Loana dit avoir aimé les contes de fées quand elle était enfant, comme toutes les petites filles, c’est parce qu’elle était victime des « nécrophiles » (sic) que sont les hommes. Cette énormité, nous pouvons la lire sous la plume de la féministe radicale Andrea Dworkin, citée par Sanfourche : « Nous (les filles) aspirons de devenir cet objet de convoitise de tous les nécrophiles – cette innocente victime façon Belle au Bois dormant ». Nous avons pu lire dernièrement que la Belle au Bois dormant est un conte qui appelle à la culture du viol, car le prince embrasse la belle sans son consentement. Dworkin n’aurait pu rêver mieux.

Comme nous toutes quand nous étions adolescentes, Loana a tenu un journal intime, et Sanfourche de nous parler de la dimension genrée de cette pratique vieille comme la littérature. Faut-il lui rappeler que les grands écrivains qui se sont livrés à cet exercice sont légion ? Comme cela est lassant… J’ai parlé plus haut de trahison, en effet, Loana, affirme ne pas être féministe, et pire encore,  ne pas aimer les femmes. Catastrophe. Traîtresse.

La « trahison » de Loana

Oui il s’agit bien de trahison, car en voulant bien faire, le journaliste est complètement passé à côté de ce personnage si touchant, bien plus complexe qu’il n’y paraît. Pour survivre à son enfance brisée, aux viols qu’elle a subis de la part de son père, aux coups, à sa mère défaillante, la starlette a fait comme elle a pu avec ce qui se présentait à elle, avec ce que lui offrait son milieu modeste et son entourage de paillettes bon marché.

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Son modèle était Pamela Anderson, alors elle est devenue blonde à faux seins. Et Endemol, le créateur du Loft créa la Femme. Ces producteurs ont fabriqué cette Loana de toutes pièces et ont changé sa vie tout en signant son arrêt de mort sociale. Devenue femme-cliché, elle a tenté de réparer son malheur et ce fut pire. Se succédèrent les hommes violents, les profiteurs sans scrupules, la drogue, les dépressions et les tentatives de suicide. Cette fausse Marilyn Monroe a croisé sur son chemin Benjamin Castaldi et un dealer de cocaïne qui lui tapait dessus tandis que la vraie rencontrait Billy Wilder et John Huston avant d’épouser Arthur Miller.

Loana a tenté depuis de se reconstruire, du moins physiquement. Elle a perdu de nombreux kilos et a sûrement subi d’autres opérations de chirurgie esthétique, encore et toujours l’appel à la rescousse de la blonde aux faux seins.

Bipolarité et addiction

Pour fêter ça, elle accorda une interview à Cyril Hanouna. Ce fut pathétique au vrai sens du terme, un véritable crève cœur. Le regard fixe de ses lentilles de contacts bleu lagon, la diction pâteuse bien qu’assurée, elle énumère ses tragédies. Sans pathos, presque avec aplomb. Elle raconte la sauvagerie des hommes qu’elle a croisés, sa bipolarité, ses addictions, ses tentatives de suicide, sa mère qui petit à petit lui a vidé son compte en banque. Même Hanouna était sans voix. Loana était tragiquement dans sa vérité. Marilyn, encore elle, cette autre enfant brisée aurait pu interpréter cette scène.

À l’heure où j’écris ces lignes, elle est une nouvelle fois hospitalisée pour une énième overdose. « Petite poupée blonde aux cheveux décoiffés tu t’en venais de l’ombre et rêvais de danser » chantait Nicolas Peyrac au sujet de Monroe.

Et moi qui croyais t’ignorer, je m’aperçois, en fait, que je te connaissais si bien.

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est enseignante.

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