À la fin de l’année dernière, la Cour d’appel de Paris a rendu un jugement qui ne laisse pas d’étonner. Alors que le TGI avait ordonné la suppression de passages d’un livre, attentatoires à la vie privée de deux personnalités politiques, elle a confirmé cette suppression, mais au bénéfice de l’un des deux plaignants seulement, celui dont la notoriété « ne dépasse pas le cadre régional ». En l’occurrence, comme les deux plaignants vivaient ensemble, le plus connu des deux ne sera pas finalement pas outé par l’ouvrage. Mais que le juge décide que la vie privée doit être protégée à proportion inverse de la notoriété constitue une innovation juridique pour le moins décoiffante.
Ainsi, si vous ne passez que sur France 3 régions, vous ne risquez pas grand chose, a priori. S’il vous arrive de passer sur iTélé ou BFMTV, il est fort possible qu’on vous demande si vous avez trompé votre femme (mari). Si vous avez une notoriété telle que vous voilà invité à « Des paroles et des actes » sur France 2, Nathalie Saint-Cricq pourrait très bien vous amener à vous expliquer sur la panne sexuelle dont vous fûtes victime la veille.
Outre cette hallucinante jurisprudence, on notera que c’est évidemment le juge qui décidera en fin de compte qui est notoire et qui ne l’est pas ; cette décision étend encore, mine de rien, son domaine d’intervention. C’est bien commode. Car on aurait eu vite fait d’en conclure que la vie privée d’un magistrat à la cour d’appel mérite moins la protection que celle d’un juge de tribunal d’instance.
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