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L’islam et son autre


L’islam et son autre

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Depuis onze ans maintenant, le débat unique et perpétuel sur l’islam nous engloutit dans son tourbillon d’angoisse familière. L’islam est devenu l’aspirateur de toutes nos peurs, notre point de fixation rassurant. Le débat mondial et national sur l’islam a glissé depuis longtemps hors des rails du Temps et poursuit hypnotiquement sa rotation planétaire. Chaque matin, ce monstre grassouillet nous dévore à nouveau en bâillant. Il est devenu notre éternité de pacotille. Il est le débat final, le débat terminal, le débat ne voulant plus se connaître aucun ailleurs.

Je ne prétends pas pour autant que les angoisses suscitées par l’islam radical soient illégitimes. Le point que j’interroge est celui-ci : pourquoi certains d’entre nous ont-ils fait de l’islam leur angoisse unique ?[access capability= »lire_inedits »] L’islam radical est l’une des nombreuses questions difficiles que nous adresse le présent. Mais il ne constitue pas à mes yeux la question politique qui prime sur toutes les autres. Je fais l’hypothèse que l’angoisse fixée sur l’islam est en grande partie défensive. Elle permet de tenir à distance nos angoisses les plus profondes. Celles qui nous angoissent vraiment, car elles nous dénudent et réclament d’immenses efforts de notre imagination créatrice. Car avec elles, il n’est plus possible de nous cantonner confortablement dans un imaginaire de jeux vidéo guerriers.

Le fait politique premier, c’est notre déracinement métaphysique universel, c’est notre solitude planétaire innombrable. C’est par sa grâce tantôt prometteuse et tantôt désastreuse que l’âme de Richard Millet peut être en communion avec celle des Africains du RER. Le sentiment d’étrangeté ethnique constitue un phénomène superficiel (quoique parfois réel) qui dissimule l’étrangeté la plus étrangère : la nôtre. Le sentiment de non-appartenance métaphysique est pour chacun le point de départ.
La dévastation de la nature et de nos âmes par le capitalisme − et le capitalisme, là encore, ce ne sont pas les autres, c’est nous − donne lieu à deux types de transformation anthropologique. Certains se tournent vers le passé comme vers un ensemble de formes mortes et figées destiné à les dispenser de faire authentiquement l’épreuve du présent. Je pense à toutes les formes de néo-enracinement à la petite semaine, qu’il soit islamiste ou occidentaliste, religieux ou laïciste.

D’autres se tournent vers le passé pour y puiser les forces spirituelles qui leur permettent de se tenir à hauteur du présent. Leur rapport libre et vivant avec le passé troue, anime et assource le présent. Ainsi se déploient, le plus souvent loin de la visibilité médiatique, des formes de vie habitables. Ainsi surviennent, à égale distance du nihilisme islamiste et du nihilisme occidentaliste, des floraisons mystiques de toute beauté, au sein de toutes les religions (y compris de l’athéisme et du post-modernisme) et dans l’essaimage de leurs interstices. Ou peut-être chacun d’entre nous est-il plutôt constitué par une tension entre ces deux pôles, ces deux formes de réponse au déracinement métaphysique qui est notre condition historique et notre lieu.

Nous sommes les fleurs de l’origine : les fleurs du vide.[/access]

*Photo : haramlik.

Octobre 2012 . N°52

Article extrait du Magazine Causeur



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