Un grand nombre de pays — ceux qui ont décrété dans l’affolement la suspension des cours sous prétexte d’une épidémie qui n’a touché ni les élèves ni les enseignants — dévissent dans la dernière enquête PISA réalisée en 2022. Oui, mais les « tigres » du sud-est asiatique (et quelques pays à jacobinisme dur, comme l’Estonie) non seulement résistent mais s’améliorent. Les conditions d’enseignement et les programmes débilitants sont-ils cependant seuls responsables du « choc » PISA ? se demande notre chroniqueur.
En 2000, après la parution de la première enquête PISA, l’Allemagne s’effara — et sous l’effet du choc, décréta une série de mesures qui permit à l’école d’outre-Rhin de regagner les places perdues.
C’est que les Allemands vivaient dans le mythe de l’école instituée par Bismarck dans les années 1860 — une école de grande qualité qui permit à l’armée prussienne d’enfoncer les Français en 1870. Ferdinand Buisson, futur grand conseiller de Jules Ferry (les lois Ferry, c’est lui, et pas le politicien corrompu dont elles portent le nom) transposa les règles de cette école en France — et la structure implacable du système scolaire de la IIIe République permit à la France de remporter la guerre de 14-18 et de développer son industrie au même niveau que son puissant voisin : l’exposition universelle de Paris en 1889 en fut la démonstration éclatante, et la Tour Eiffel fut un symbole assez éclatant pour qu’on décide de la pérenniser, alors qu’on devait la démonter.
L’Allemagne découvre les joies de l’immigration massive
L’Ecole vit de mythes — comme les nations. En 2000, en Allemagne, le mythe bismarckien était toujours vivace. En 2023, le mythe républicain en France est éparpillé façon puzzle. À part les enseignants « républicains », attachés à la transmission des savoirs, le gros des troupes a adopté le délitement général produit par les chocs successifs — et bien réels — du collège unique en 1976, de la loi Jospin en 1989, du Protocole de Lisbonne en 2000 et de la réforme de Vallaud-Belkacem en 2016. Sous ces coups de boutoir accumulés, que reste-t-il du mythe propagé jadis par Péguy des « hussards noirs » de la République ?
Et soudain l’école allemande, cette année, s’effondre à nouveau. Quel mauvais génie…
Écoutons ce qu’en disent les Allemands : « Le système scolaire allemand reste particulièrement injuste sur le plan social, constate Silke Fokken du Spiegel. Les performances des élèves dépendent davantage de leur origine sociale que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. L’effet de l’immigration est également supérieur à la moyenne. »
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Comme le souligne Emmanuel Berretta dans Le Point, « l’Allemagne s’est montrée accueillante avec de très nombreux immigrés après la crise syrienne de 2015. La proportion des élèves issus de l’immigration a donc bondi de 13 à 26 % entre 2012 et 2022. Parmi eux, 9 % sont nés à l’étranger et ne sont arrivés que depuis quelques années (2 sur 10 avant l’âge de 5 ans et autant après l’âge de 12 ans). Cela se ressent dans l’apprentissage. En mathématiques, les enfants d’immigrés enregistrent 59 points de moins que les autres, une différence qui correspond à l’équivalent de trois années scolaires. Des résultats « alarmants », selon les termes des analystes éducation de l’OCDE. »
Eh oui : quand l’enfant ne parle pas allemand à la maison, il est pénalisé à l’école. L’immigration pose donc un défi énorme au système éducatif allemand, relèvent les journaux allemands dont Die Welt. Et Marie-Estelle Pech en rajoute une couche. Dans Marianne, pas dans Minute. Ce n’est pas l’extrême-droite qui proteste, c’est le principe de réalité qui revient pleine face.
En tête de PISA, des pays épargnés par l’immigration
En France, ce décrochage dû à une immigration massive a eu lieu à la fin des années 1970, par la grâce conjuguée du collège unique et, la même année, du regroupement familial. Nous avons vu arriver en classe, où ils entraient sur le seul critère de l’âge, des dizaines de milliers de jeunes Maghrébins. Personne ne me fera dire qu’ils étaient moins intelligents que les petits Français. Mais ils ne parlaient qu’un français illusoire, qui ne leur permettait pas de comprendre les cours de Français — et aussi tous les cours où il faut lire et saisir un énoncé.
Nous ne sommes jamais remontés de cette dégringolade. Plutôt que de tenter de la freiner, en détachant par exemples ces élèves en grande difficulté pour leur administrer des cours de Français Langue Étrangère dans des établissements dédiés, nous avons préféré les noyer dans le melting pot de la « massification ».
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Remarquons au passage que les pays qui caracolent en tête du classement, Chine, Japon, Corée, Singapour et Estonie — sont peu touchés par l’immigration : la plupart d’entre eux ont cadenassé leurs frontières il y a bien longtemps. Cela donne aux débats actuels sur la « loi immigration » un aspect incongru. Soit nous acceptons des étrangers, et nous les formons en les dépaysant complètement — y compris en les éloignant pendant quelques années de leur famille, de leur ghetto et de leurs « grands frères » —, soit nous continuons la dégringolade scolaire au nom des grands principes. Joachim Le Floch-Imad a bien raison de dire dans Le Figaro que l’immigration est aujourd’hui le grand tabou français en matière d’éducation : « Les résultats scolaires des jeunes issus de l’immigration sont tout d’abord nettement inférieurs à la moyenne, ce qui contribue à notre déclassement dans les études internationales. Cela favorise par ailleurs l’hétérogénéité des classes, déjà importante du fait de la massification, et conduit dès lors de nombreux professeurs à aligner leurs exigences sur le niveau des plus faibles. L’ensemble des statistiques à notre disposition accrédite ce constat », précise-t-il.
La proposition de Gabriel Attal de revenir sur le collège unique en instituant des classes de niveau n’est pas, quoi qu’en disent les amateurs de désordre, une mauvaise idée, mais elle risque de se heurter à la réalité du terrain. Pour que ça marche, il faut que les élèves les plus faibles soient regroupés dans des classes à faibles effectifs, avec des horaires renforcés. Où allons-nous trouver les enseignants capables de les prendre en charge, alors que les jurys renâclent à recruter les ânes bâtés qui se présentent devant eux ?
J’ai peur — c’est un euphémisme — que les conseillers du ministre, qui font de l’excellente communication, ne connaissent rien à la réalité de l’Ecole. Et qu’aux effets d’annonce succède un néant pédagogique. Mais après tout, dans quatre ans, quand paraîtra la prochaine étude PISA, qui ira reprocher au maire de Paris, Gabriel Attal, les errements de ses successeurs ?
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