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Lille: la bijoutière, le gauchiste et la première circonscription

Rencontre avec Vanessa Duhamel, adversaire d'Adrien Quatennens à Lille


Lille: la bijoutière, le gauchiste et la première circonscription
Vanessa Duhamel au milieu de son équipe. Un sourire et des couleurs chatoyantes qui contrastent avec la grisaille du Nord© D.R.

Certains candidats novices en politique doivent vite apprendre des réalités du terrain. Dans la première circonscription du Nord, Vanessa Duhamel (Modem) affronte la superstar Adrien Quatennens avec un style qui détone. 


Bijoutière au tailleur impeccable et au phrasé mélodieux, c’est en novice que Vanessa Duhamel affronte une vedette de la politique nationale dans la lilloise première circonscription du Nord, le 12 juin. L’adversaire de cette commerçante du Vieux-Lille – le député sortant Adrien Quatennens – n’est pas n’importe qui. Sur les marchés, l’effet vu à la TV joue à plein pour lui, et les électeurs de la circonscription se voient en faiseurs de carrière nationale. À cette première difficulté s’ajoutent les importantes capacités de mobilisation de la France Insoumise, mouvement qui remplit foires, kermesses et même salles de concert.

La tâche sera donc ardue pour la candidate de la majorité, d’autant plus que Jean-Luc Mélenchon a réalisé 48% dans cette circonscription, historiquement ancrée à gauche.

Passionnée des vieilles pierres

Élue d’opposition à Lille depuis 2020, membre du Modem, Vanessa Duhamel s’est fait connaître par sa défense du patrimoine, avec notamment des déclarations passionnées en faveur de la chapelle Saint-Joseph que l’Université catholique de Lille voulait démolir. À la place des argumentaires politiques habituels, elle fait entendre en conseil municipal des exposés sur la grande beauté ou la grande pitié des édifices lillois, s’attirant les sarcasmes de Martine Aubry : « Dès qu’on parle d’églises, Vanessa Duhamel rapplique. »

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Le maire socialiste de Lomme – mairie déléguée de Lille – l’a carrément qualifiée de Madame « patrimoine et joaillerie » pour railler ses manières du monde ou ses engagements personnels et professionnels trop sophistiqués à son goût. Mais elle ne se débine pas: « Comme de nombreux Français, je travaille dans le commerce et, cher Monsieur, la joaillerie n’est pas un attribut de la bourgeoisie puisque la plupart des familles -même modestes- possèdent qui une alliance, qui une médaille de baptême. Seul le mépris est méprisable. En la matière, vous n’êtes pas nécessiteux. »

Reste que dans une circonscription marquée à gauche, son profil un poil conservateur étonne. Écoutons-la développer sa conception du patrimoine: « La France doit ressembler à ce qu’elle a toujours été, avec des églises, des chapelles, des cloches qui sonnent. La ville européenne, c’est la centralité : une place sur laquelle on pose une église et autour de laquelle on bâtit des rues, où les gens se rencontrent sur le marché, au bar. Si l’on déstructure les villes, si l’on laisse le patrimoine à l’abandon, il ne peut plus y avoir de structure sociale. » Élue députée, elle promet de s’engager pour la défense des pierres et pour la reconnaissance de tous les patrimoines, matériels et immatériels – s’inscrivant ainsi dans la lignée de certains députés comme Pierre Morel à l’Huissier qui avait déposé une proposition de loi pour une reconnaissance des patrimoines auditifs et olfactifs des campagnes souvent malmenées par les plaintes de résidents, en 2019.

Une candidate qui ne s’amuse plus quand la République est en danger

Madame bijoux et patrimoine assume un certain côté décalé, en maniant l’esprit dès qu’elle le peut – notamment sur Twitter. « Après Lourdes et Fatima, Lille nouvel épicentre des guérisons miraculeuses : Madame Aubry absente hier du conseil municipal pour cause de Covid, aujourd’hui guérissant du zemmourisme par apposition du Saint-Micro » écrivait-elle ainsi pour fustiger la participation de la maire de Lille à une manifestation anti-Zemmour lors du grand rassemblement lillois de ce dernier – moment fort de sa campagne présidentielle.

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Nupes: la gauche soumise

Par-delà les sarcasmes, Vanessa Duhamel a aussi dû apprendre que ses passions et marottes personnelles ne faisaient pas toujours recette. Sur les marchés, la défense des églises, du patrimoine ou des vieilles pierres indiffère souvent les badauds. Pour se faire entendre, elle martèle désormais à qui veut bien l’écouter ce qui la distingue du candidat d’extrême gauche. Cap sur la sécurité: la candidate veut doubler les effectifs des forces de l’ordre, assurer l’effectivité des peines, et lutter contre les incivilités de rues (un fléau très présent dans le centre de Lille). Sa candidature se veut « en défense de la République » et tire profit des nombreux dérapages anti-flics de Jean-Luc Mélenchon.

Vanessa Duhamel en compagnie d’Edouard Philippe et de Gerald Darmanin – venus spécialement en soutien le 27 mai dernier © D.R.

En grande pompe, elle a reçu le 27 mai la visite d’Edouard Philippe et de Gerald Darmanin. La visite a conservé une petite touche culturelle, avec la visite du Furet du Nord – une institution parmi les librairies lilloises. Edouard Philippe y a offert l’inédit de Louis-Ferdinand Céline « Guerre » à Gérald Darmanin. Alors que les caméras les entouraient, Vanessa Duhamel, pourtant fine lettrée au milieu de livres, a parlé sécurité et effectifs policiers: « Il faut que les gens sachent que nous serons prêts à porter des projets liés à la sécurité. Nous devons assurer la sécurité dans nos rues. Je sais que j’aurai l’oreille et l’écoute du gouvernement pour obtenir des effectifs ».

« Elle apprend vite… » reconnait un de ses proches, élu dans la région, admiratif.

« Je ne m’attendais pas à toute cette violence: violence militante, violence des actes… » témoigne la candidate, avant d’ironiser: « On a trouvé un autocollant Mélenchon sur le théâtre de Sébastopol (édifice à l’architecture fin de siècle particulière NDLR). La vraie violence est là ! » Sous le masque de la dame de fer lilloise, nous retrouvons vite la dame de pierre.

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