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« Ligue du LOL »: la bande des « harceleurs » qui vous font la morale

Plusieurs journalistes de Libé, les Inrocks ou Télérama sont accusés de cyber-harcèlement


« Ligue du LOL »: la bande des « harceleurs » qui vous font la morale

Plusieurs journalistes de Libé, des Inrocks ou de Télérama, regroupés au sein d’un groupe Facebook nommé « Ligue du LOL », sont accusés d’avoir orchestré des campagnes de cyber-harcèlement visant, notamment, des femmes. 


Rien ne va plus dans le camp du Bien. Depuis quelques jours, un scandale visant le petit monde de la presse branchée, bien-pensante et so cool, des Inrocks à Libé en passant par Télérama, Slate ou le Tag Parfait, jette une lumière pour le moins inattendue sur les agissements de certains de ses membres que l’on aurait pourtant juré habités des pensées les plus progressistes et tolérantes.

Balance ton collègue

Ainsi apprend-on qu’entre 2009 et 2013 une trentaine de jeunes loups des médias (journalistes, graphistes, informaticiens, communicants…) ont créé, fait partie et/ou alimenté un groupe Facebook particulièrement actif, intitulé la Ligue du LOL (tout un programme qui situe déjà bien le niveau) et qui s’est caractérisé par des actes de cyberharcèlement systématique, pratiqué en meute et visant principalement des femmes ou des hommes jugés par cette sorte de fraternité archaïque insuffisamment virils.

Rien ne manque au tableau des attaques subies par des victimes qui en ont été profondément marquées – souvent des collègues et jeunes journalistes dont les carrières n’ont, pour le moins, pas été facilitées par ce contact violent avec la bêtise la plus crasse : sexisme hystérique, photomontages pornographiques, incursions et intimidations dans la vie réelle (hors réseau, donc), petites pointes de racisme quand c’était possible, attaques sur le physique (avec une mention spéciale pour les femmes-cibles jugées trop rondes), homophobie, et aussi une touche d’antisémitisme puisque des étoiles jaunes étaient apposées sur certains photomontages visant des personnes juives. Curieusement d’ailleurs, sur ce dernier point, le petit monde progressiste qui s’est acharné à démontrer depuis des semaines que les gilets jaunes étaient antisémites ou qui était tombé à bras raccourcis (et à juste titre) sur Mehdi Meklat ne s’est pas encore mobilisé avec la même virulence sur ces petits caïds eux aussi progressistes et politiquement propres sur eux, qui ont donc visiblement la chance d’appartenir à la bonne sphère.

Ils jurèrent mais un peu tard…

Grâce au travail honnête de l’équipe de CheckNews à Libération dont il convient de souligner la rigueur, tous les faits évoqués par les victimes ont été vérifiés et avérés. Ils étaient d’ailleurs, paraît-il, de notoriété à peu près publique, les principaux responsables de ces actes ayant pour la plupart agi à visage découvert et sans anonymat (ce qui n’est pas peu dire quant à leur sentiment de toute puissance et d’impunité).

Si certains semblent regretter sincèrement leurs agissements (couverts par la prescription), on peut toutefois s’étonner qu’aucun d’entre eux n’ait jugé bon de s’en excuser avant que l’affaire n’ait été révélée au grand public, avant d’y être en quelque sorte contraints par le sentiment de honte et d’opprobre publique. On peut également s’étonner de ce que la plupart prétend n’avoir pas eu conscience de ce que ces comportements répétés de lynchage en meute aient pu déstabiliser leurs victimes ou relever du harcèlement. Curieux de la part de jeunes geeks parfaitement au fait des pratiques des réseaux sociaux et qui en ont, pour la plupart, fait leur spécialité journalistique et professionnelle.

Le mur des geeks

La magistrature avait son « mur des cons », le milieu hype de la presse branchée a donc aussi le sien, plus actif, plus venimeux, plus bête et plus méchant puisqu’il s’en prenait directement aux personnes afin de les déstabiliser. Dans les deux cas, pourtant, c’est le même ressort psychologique et idéologique : le sentiment d’avoir tous les droits, d’être au-dessus des autres, le sentiment qu’appartenant au camp du Bien on peut tout se permettre, y compris fouler des victimes et des personnes rendues vulnérables au pied.

Que dire, aussi, de cet aspect ricanant propre aux adulescents, en permanence agressif, cynique et tournant tout en dérision, une dérision facile pour jeunes bobos parvenus, où l’on reconnaît par exemple le petit crochet de Vincent Glad, le fondateur de cette ligue des imbéciles malfaisants et désormais journaliste à Libération (spécialisé récemment dans l’activité des gilets Jaunes sur les réseaux sociaux, encore et toujours les réseaux sociaux) – dont il a été mis à pied, hier, à titre conservatoire – et par le Grand Journal de Canal +, grand pourvoyeur d’adulescence devant l’Eternel ?

Social justice warrior en chef

L’affaire, par ailleurs sordide, prend un tour franchement amusant lorsqu’on s’aperçoit que certains membres de la meute se sont, comme le si bien-pensant rédacteur en chef des Inrocks, spécialisés dans les leçons de morale et le décorticage des méfaits réels ou supposés du Front national. Ce n’est pas une nouveauté, depuis Tartuffe, que de s’apercevoir que les Tartuffe en tout genre et donneurs de leçon, distilleurs de morale, sont en général les plus mal placés pour le faire, mais il y a toujours quelque chose de savoureux à les prendre la main dans le pot de confiture.

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Le journaliste en question s’est fait un point d’honneur (si l’on peut dire) à pourfendre de façon systématique la « fachosphère », contre laquelle il s’anime avec ferveur et régularité, mobilisant toute l’énergie intacte de sa moraline de compétition. Ainsi a-t-il publié en 2016 un ouvrage intitulé La fachosphère, comment l’extrême droite remporte la bataille du Net. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’agit d’un avis de connaisseur en matière de bataille du Net.

Quel dommage toutefois qu’il n’ait pas pensé, plutôt que de distribuer à tour de bras bons et mauvais points politiques, à se préoccuper d’abord de nettoyer devant sa porte : les comportements de petits caïds virilistes et ricanants sur les réseaux sociaux auraient pourtant pu lui fournir un excellent sujet d’ouvrage, avec une imprenable plongée en immersion et des anecdotes vécues du meilleur cru.

LOL ?

Ce petit monde de l’entre-soi médiatico-mondain, qui se déclare constamment progressiste, fustigeant sans cesse ceux qu’il jugera insuffisamment féministes ou trop réactionnaires sur les questions sociétales, se retrouve nu. Et, nu, il s’aperçoit, ô surprise, qu’il est comme tous les autres, habité de violence, que l’homme est plutôt naturellement mauvais, animé de pulsions basses. Le même qui critiquera volontiers la morale politique, selon lui douteuse, de ses adversaires, va soudainement découvrir ou feindre de découvrir que l’homme est un loup pour l’homme, enfin, surtout pour la femme, et qu’en meute il est aussi lâche que malveillant. Sale coup pour le progressisme ; LOL pour les autres, qui étaient moins naïfs, moins sournois ou moins hypocrites.

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Chroniqueuse et essayiste. Auteur de "Liberté d'inexpression, des formes contemporaines de la censure", aux éditions de l'Artilleur, septembre 2020.

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