Avec leurs blagues potaches, les jeunes journalistes membres de la Ligue du LOL ont plus péché par mauvais goût que par sexisme. Si le tribunal numérique les a condamnés à la mort sociale, la vérité se dévoile peu à peu.
C’est La lettre écarlate à l’ère numérique, La Plaisanterie dans la twittosphère, Le Procès à la sauce MeToo. On voudrait avoir une once du talent de Hawthorne, Kundera ou Kafka (ou de Philip Roth, bien sûr) pour raconter la chasse aux sorcières modernes, connue comme l’affaire de la « Ligue du LOL », qui a passionné notre république des médias durant quelques semaines à partir de février 2019 – jusqu’à ce que la machine à dénoncer se trouve d’autres cibles. Faute de quoi, il faut au moins essayer de comprendre comment nous avons tous ou presque avalé un gigantesque bobard, une légende hollywoodienne de gentils et de méchants, ou plutôt de gentilles et de méchants, pour la bonne raison qu’elle s’intégrait parfaitement au grand récit néoféministe qui, depuis la vague MeToo, a acquis le statut de vérité officielle. Et aussi un peu pour la mauvaise que les têtes qui tombaient appartenaient au camp des redresseurs des torts. De plus, comme dans les procès staliniens, la plupart des accusés avaient, sous la pression, reconnu leur crime et demandé pardon. « J’en étais arrivé à penser que je m’étais vraiment comporté comme le pire des salauds », confie l’un d’eux. Tous ont connu des périodes de marasme épouvantable traversées d’envies suicidaires. La plupart remontent la pente, délestés de quelques illusions et de pas mal d’espoirs.
Une rumeur d’Orléans
L’histoire de la Ligue du LOL est celle d’un lynchage médiatique parfaitement réussi, d’un emballement collectif qui, conformément au scénario décrit par René Girard, aboutit au bannissement de quelques boucs émissaires autour desquels la communauté des journalistes se réconcilie. Le Parti se renforce en s’épurant. Le 5 septembre, l’historien Nicolas Lebourg, qui tient tribune sur Mediapart, écrit sur Twitter à propos de cette histoire : « La Ligue du LOL est une rumeur d’Orléans. Rien ne tient, hormis le signe d’avoir envie de carboniser des journalistes plutôt connotés à gauche, c’est cela le fait sociologique, non l’histoire de bric et de broc qui a été vendue. » L’une des spécificités de cette affaire est en effet qu’elle se déroule à l’intérieur du monde médiatique où elle alimente la fièvre épuratrice drapée dans le combat féministe. Toutefois, contrairement à ce que laisse entendre Lebourg, il ne s’agit pas d’une odieuse manœuvre de droite, mais d’une crise interne aux médias de gauche et même dans un premier temps, au petit monde des journalistes qui voulaient être les explorateurs et les défricheurs du nouveau monde numérique. Il est vrai que, du Figaro à Causeur, on a d’abord trouvé amusant de voir des journalistes des Inrocks et de Libération essuyer un peu de la boue dont leurs journaux respectifs arrosent volontiers leurs adversaires, déclarés nauséabonds à longueur de pages. L’amusement a vite cédé la place à l’effroi. Même des hommes de gauche ont droit à la justice.
A lire aussi : « Ligue du LOL »: c’est pas ma faute à moi !
Pour monter cette magnifique omelette, il a bien fallu casser quelques œufs, en l’occurrence les 14 personnes, journalistes, blogueurs et communicants qui y ont perdu, en plus de leur santé, de leur honneur et de leur joie de vivre, leur boulot et peut-être tout espoir d’en retrouver dans leur domaine. Les arrêts du Tribunal numérique sont insusceptibles de recours et s’appliquent sans limites de temps ni d’espace. Ce tissu de mensonges a en effet rencontré un écho planétaire, de sorte que, si vous tapez le nom des principaux protagonistes sur un moteur de recherche, vous trouverez des centaines d’articles et de vidéos affirmant qu’il a fait partie d’une bande de harceleurs dont la principale activité était d’humilier et de persécuter d’innocentes et pures demoiselles. Les accusés-condamnés ne peuvent même pas espérer une réhabilitation de la Justice puisque, malgré l’ampleur du scandale, à notre connaissance, aucune
