Après avoir raté la réconciliation malienne, la France échoue sur la Libye. Et Rome reprend la main.
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Après les erreurs de la France au Mali, l’Italie pointe celles de Macron sur la Libye : l’Italie ne reconnaît plus le prétendu accord de Paris du 29 mai…
Décidément, l’Italie semble se poser en homme fort de l’Europe. Un pays fort de la majorité politique qui paraît suivre ce gouvernement tellement improbable il y a trois mois, pendant que d’autres pays sont faibles de leurs politiciens minoritaires et dépassés. En deux mois le gouvernement, Conte a démantibulé, dans l’apathie générale, une grande partie des principes bruxellois (sur le traitement de la crise migratoire, la relation avec Trump, la mondialisation, les critères fiscaux, sociaux et budgétaires, les sanctions contre la Russie ; peut être même bientôt la monnaie ?). Le gouvernement Conte a peu apprécié la condamnation élyséenne du supposé « populisme » italien alors que ce gouvernement était encore paralysé par la mauvaise volonté du président Matarella. Le match perdu de Macron face à un Conte goguenard et dominateur lors de la rencontre des deux hommes le 15 juin n’avait, semble-t-il pas suffi, à étancher la soif de revanche des Italiens.
L’accord de Paris caduque
Car voici que, par la voix de l’ambassadeur d’Italie en Libye, Giuseppe Perrone, lors de sa visite à Zentan, on apprend que son pays ne reconnaît que le plan de route de l’ONU pour la Libye. Et, a contrario, ne reconnaît donc plus l’accord de Paris du 29 mai prévoyant la tenue d’élections en Libye le 10 décembre. L’Italie a, en effet, une relation spéciale et forte avec la Libye, qu’elle arracha de force à l’empire ottoman en 1911, jusqu’en 1947. Et l’intrusion de la France dans la politique libyenne agace les Italiens : tant l’attaque militaire française décidée par Sarkozy que, et surtout, le laisser-pourrir qui s’en est suivi. Puis l’indélicatesse et la gloriole de Macron lors des accords de Paris le 29 mai, trois jours avant la prise de fonctions de Conte…
Macron avait proclamé « un accord historique pour de prochaines élections en Libye ». Or les partenaires libyens de l’Italie ne veulent pas de cet accord et d’ailleurs n’en ont jamais voulu. D’ailleurs le 29 mai, contrairement au scénario idéal, les frères ennemis libyens -Sarraj et Haftar – se sont abstenus de signer… Comme ils s’étaient abstenus le 25 juillet dernier à La Celle Saint Cloud (où pourtant, en 1955, d’autres accords reconnaissaient le retour de Mohamed V et indépendance pleine du Maroc). Que pouvait valoir un accord non signé par les principaux acteurs ? Combien a coûté cette mise en majesté où on avait convié le maréchal Khalifa Haftar, le président de la Chambre des représentants, Aguila Salah, le leader du gouvernement « d’entente nationale », Fayez Al Sarraj, le nouveau président du Haut Conseil d’État, Khaled al-Mechri, Ghassan Salamé, représentant du secrétaire général des Nations unies dans l’ex-Jamahiriya, ainsi que des émissaires venus d’une vingtaine de pays, des envoyés de l’Union africaine, de l’Union européenne et de la Ligue arabe. On fixa même la date des élections générales au 10 décembre prochain.
Mais on avait « oublié » de persuader les émissaires de la ville de Misrata, base de puissantes milices, de participer à la conférence avec la même considération que les frères ennemis Sarraj/Haftar : Misrata a boycotté la conférence. Et Misrata coupe la Libye en deux…
Scénario libyen
En dépit des photos où Emmanuel Macron étreint affectueusement le maréchal Haftar, les fins connaisseurs de la situation libyenne faisaient, dès le lendemain, état de leurs doutes sur le caractère réaliste voire sensé des « accords de Paris ».
Courant juillet, la ministre de la Défense italienne, la sage et expérimentée Elisabetta Trenta, indiquait que « l’accélération du processus électoral n’apportera pas la stabilité en Libye si elle n’est pas accompagnée d’une réconciliation globale ». Au fond, les mêmes critiques pertinentes que l’on peut diriger contre la ligne Fabius sur le Mali. Car Conte considère qu’il revient à l’Italie de diriger le dossier libyen, notamment en septembre prochain lors d’un conférence internationale sur la Libye, en Italie. Il sera plaisant de voir si E.Macron s’y rend ; à Canossa ?
Sur le terrain, les violences sont permanentes, le trafic d’armes et d’êtres humains est très important. La Libye reste divisée entre d’une part le gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale, installé à Tripoli après les accords de paix de Skhirat de 2015, et, d’autre part un gouvernement parallèle dans l’est du pays soutenu par le maréchal Haftar, avec la faveur de l’Égypte. Y aura-t-il des élections générales dans quatre mois ?
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