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Libye, Mali, Centrafrique : peut-on se battre sur tous les fronts ?


Libye, Mali, Centrafrique : peut-on se battre sur tous les fronts ?

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La France est une puissance militaire devenue championne dans l’art de faire les choses à moitié. Alors que 2800 soldats poursuivent l’opération Serval et doivent déjouer quotidiennement des tentatives d’attentats perpétrées par des groupuscules favorables à la scission du Mali, la France se lance dans l’opération Sangaris en Centrafrique pour éviter un nouveau Rwanda.

Et pourtant, un autre front reste en suspens. Après les interventions conjointes de la France et de ses alliés de l’OTAN, la situation n’est toujours pas réglée en Libye. Si le bourbier malien se poursuit, c’est en partie parce que l’Etat libyen est un état fantôme qui ne contrôle plus ses frontières. Trafics d’armes, de drogues et de clandestins, le Sahel est la proie de bandes armées qui agissent en toute impunité. La déshérence du nouveau gouvernement favorise la porosité des frontières et la circulation d’un pays à l’autre des combattants islamistes. Mais la politique française actuelle aime les bourbiers. Non contente d’ouvrir un deuxième front en Centrafrique, elle pense pouvoir pacifier le Mali sans une intervention en Libye. De ce fait, elle essaie de combler un puits sans fond.

À vrai dire, les armées françaises déployées sur de multiples théâtres d’opération sont au four et au moulin. Elles agissent contre des milices islamistes pour sécuriser l’Europe en amont avec les deniers de la France et sans participation financière des alliés européens. Chasser Kadhafi du pouvoir relevait du vœu pieu officiel d’amener la démocratie en Libye. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.

Les anciennes rivalités entre tribus que le dictateur avait réussi à contrôler se sont réveillées. C’est désormais la voix des armes qui prévaut et non celles des politiques. Sans armée nationale solide, l’Etat fantôme ne peut faire face. Malgré la promesse des Américains de former 8000 soldats libyens, une guerre civile à peine larvée menace le pays. Pis, le groupe radical Ansar Al-Sharia s’est implanté durablement à Syrte et à Benghazi et apporte un soutien logistique essentiel aux combattants jihadistes qui harcèlent les troupes françaises.

Le récent assassinat d’un enseignant américain, ainsi que la fermeture d’un dispensaire tenue par des sœurs qui soignaient gratuitement des personnes de toute confession, donnent une idée du climat dans lequel la Libye sombre. Désormais, les miliciens adverses s’entretuent pour asseoir leur domination sur des territoires. Par conséquent, cette insécurité permanente ne permet plus l’exploitation des ressources pétrolifères du pays. Ainsi, la production d’or noir, tombée à un niveau historiquement bas, affaiblit un peu plus le pouvoir central. Et, les tribus et milices se déchirent pour savoir hypothétiquement qui profitera de l’argent du pétrole.

A priori, on doute qu’il sera redistribué aux civils terrés chez eux. La Libye divisée inquiète les instances internationales. Le 9 décembre, l’un des ordres du jour au Conseil de Sécurité de l’ONU concernait toujours la situation du pays. En effet, le 28 novembre dernier, après une demande du secrétaire général Ban Ki-Moon, les Nations Unies ont voté l’envoi de 235 hommes. Cette force, la MANUL, est censée protéger le personnel onusien ainsi que les bâtiments officiels. En outre, si la situation se détériore encore, l’on s’interroge de plus en plus sur l’éventualité d’une deuxième intervention de l’OTAN. Mais, les atermoiements persistent.

Pendant ce temps, héroïquement, les troupes françaises font leur devoir sur plusieurs fronts en Afrique et l’Etat français dédaigne celui qu’il aurait fallu rouvrir en priorité. Malgré les sollicitations croissantes des Armées à l’extérieur, le livre blanc prévoit la suppression de 24000 postes en 2013. Ni au Mali, ni en Centrafrique, la durée de la mission n’est connue. La France a des ambitions sur la scène internationale mais les budgets et le personnel destinés à les soutenir diminuent. Vaille que vaille, il n’en reste pas moins que c’est seule qu’elle se retrouve dans des zones que l’on sait d’emblée impossible à sécuriser rapidement. Bravement, la France maintient encore l’illusion de son rang mais pour combien de temps ?

*Photo : NELSON RICHARD/SIRPA/SIPA. 00650820_000010.



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