Que ce passe-t-il en Libye ? La couverture médiatique déjà dénoncée dans ces pages tourne carrément au délire. Ainsi Le Figaro, journal habituellement peu connu pour son hystérie, ne cesse de tomber dans le piège sensationnaliste. Mardi dernier – 8 mars – on nous annonce que « l’aviation de Kadhafi pilonne un fief des insurgés » et que « les forces libyennes [..] ont mené des attaques aériennes contre le port de Ras Lanouf. En milieu de journée mardi, au moins quatre frappes aériennes ont frappé des habitations de cette ville tenue jusqu’ici par les rebelles. Un peu plus tard, six obus ont explosé à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Ras Lanouf, faisant un nombre indéterminé de blessés. Les opposants ont évoqué un déluge de feu. »
Et le bilan de ce « pilonnage », de ce « déluge de feu » ? La réponse est dans Le Figaro du mercredi 9 mars : « Mardi, nul n’a été touché à Ras Lanouf. » Pourtant un bruit court selon lequel « la veille au soir, une voiture remplie de civils en fuite a essuyé le choc d’une roquette tirée au bord de la route. » Ensuite on a droit à la prose qu’on connait : « Le pick-up est resté là, les portières lardées de shrapnels. Du sang tache les sièges où traînent des chaussures d’enfant. » Mais plus on s’approche moins on sait. « La voiture a été touchée par hasard alors qu’elle filait vers Benghazi. Tous les passagers sont morts», assure aux journalistes Sabra Mohammed, un rebelle. Pas si sûr finalement. « Le sort des quatre passagers est confus. Certains les disent seulement blessés. Seule certitude, ils sont les premières victimes de bombardements, jusqu’à présent curieusement imprécis. »
Quant aux célèbres mercenaires, on n’est pas plus avancé. Selon Le Figaro « non loin d’Adjedabia, deux chasseurs se sont écrasés intentionnellement. Les pilotes, issus d’Europe de l’Est, ont été capturés et sont détenus au secret. » . On ne demande qu’a y croire, mais alors, où sont-ils, ces pilotes ? Les rebelles auraient dû avoir intérêt à les montrer, à apporter la preuve irréfutable que le régime de Kadhafi s’appuie sur des mercenaires mais cette évidence n’éveille pas de soupçons.
Le cas du Figaro n’est bien sûr qu’un exemple. La même grille de lecture préétablie fait les mêmes dégâts chez la plupart des confrères. On croit savoir ce qui doit se passer et donc on ne pas capable de voir autre chose même en 24 heures sur 24 sur le sacro-saint « terrain ».
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