Patrick Cohen se félicite de la fermeture de C8. De son côté, Jean-Michel Aphatie estime que les nazis se sont inspirés du comportement des colons français en Algérie. Didier Desrimais écoute trop la radio !
En France, une chaîne de télévision privée, regardée quotidiennement par des millions de téléspectateurs, a été interdite d’émettre sur une fréquence de la TNT. Personne n’est dupe : l’Arcom n’est pas qu’un outil de « régulation » mais aussi un appareil de censure, une officine politique à la solde du pouvoir en place. Sur CNews, Pierre Lellouche a lu, parmi les motifs invoqués par le Conseil d’État pour entériner les décisions de l’Arcom, une phrase qui semble extraite d’un roman orwellien décrivant une novlangue charabiesque permettant de justifier n’importe quelle décision autoritaire émanant d’une instance « indépendante » entièrement politisée : « Il incombe à l‘Arcom de choisir des projets qui contribuent au mieux à la sauvegarde du pluralisme du courant d’expression socio-culturelle, lequel participe de l’objectif constitutionnel de pluralisme de courant de pensée et d’opinion, et qui soit le mieux à même de répondre à l’intérêt public. » Le Conseil d’État a également argué du fait que « C8 a fait l’objet de nombreuses sanctions financières, mises en demeure et mises en garde de la part de l’Arcom pour des manquements, au cours des dernières années » – argument asséné par l’impayable Benjamin Duhamel sur BFMTV pour tenter de convaincre Michel Onfray qui ne s’en est pas laissé conter. Depuis 2012, C8 a en effet été sanctionné 38 fois par l’Arcom (dont 12 fois avec des amendes pour un montant total de sept millions d’euros !) ; l’ensemble des chaînes publiques (France TV, Radio France, Arte, France 24, RFI, LCP), seulement cinq fois (0 amende). Étrange ! Quand on consulte les motifs ayant conduit aux sanctions de C8, on comprend qu’il s’agissait surtout de charger la barque et de justifier à tout prix l’interdiction à venir. CNews reste dans le collimateur de l’Arcom – l’Agence de Répression et de Censure Officielle de certains Médias a en effet déjà sanctionné 18 fois (dont six fois avec des amendes)[1], celle qui est devenue, au grand dam de ses concurrentes et du pouvoir politique, la 1ère chaîne d’information continue.
Le parrain
Sur France Inter, Patrick Cohen se félicite, dans son éditorial du 20 février, de la décision qui a frappé C8. Il dit déceler dans les critiques contre l’Arcom un « mouvement d’allégeance à celui qui apparaît comme le parrain de toutes les droites, Vincent Bolloré ». M. Cohen est très en verve en ce moment quand il s’agit d’évoquer la liberté d’expression, liberté à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux, jure-t-il en se réjouissant de l’arrêt d’une chaîne de télévision. La moindre allusion aux journalistes des médias « bollorisés » déclenche chez lui des crises irrépressibles d’urticaire synaptique qui se traduisent par de longues diatribes enflammées contre les susdits et d’incessants appels à contrôler, réprimander, prohiber, interdire, censurer tout ce qui ressemble à une opinion différente de la sienne. « Ce n’est pas la liberté d’expression qui est bridée par l’arrêt de cette chaîne, c’est celle de propager n’importe quoi », conclut le commissaire radiophonique qui sait de quoi il parle – on se souviendra, entre autres, de la manière désinvolte et captieuse avec laquelle il présenta les événements de Crépol conduisant à la mort du jeune Thomas.
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Jean-Michel Aphatie a lui aussi jubilé en apprenant l’éviction de C8 de la TNT – il faut dire que l’émission Quotidien dans laquelle il officie souffrait de plus en plus de la concurrence de TPMP, l’émission de Cyril Hanouna sur C8. À propos de « propager n’importe quoi », M. Aphatie ne rate jamais une occasion de se faire remarquer. Sur RTL, devant un Thomas Sotto abasourdi par son aplomb, il a soutenu que « la France a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie » et que « les nazis se sont comportés comme nous l’avons fait en Algérie ». Ces allégations hallucinantes nous donnent l’occasion de rappeler quelques hauts faits de cet olibrius.
Dans l’émission “C ce soir”, M. Aphatie avait déjà comparé le général Louis Juchault de Lamoricière – le « père des zouaves » en Algérie – à un général SS. Il y a quelques jours, sur le plateau de Quotidien et sous le regard attendri d’un Yann Barthès resplendissant d’insignifiance, il affirmait que « ce que nous avons fait là-bas [en Algérie], c’est une boucherie que nous avons organisée ». Adepte des thèses « racialistes » et du wokisme ambiant, il n’avait pas hésité à parler sur LCI de « privilège blanc » à propos des essais nucléaires français dans le Sahara au début des années 60. M. Aphatie n’aime pas la police, se moque volontiers des catholiques, déteste l’histoire de France, en particulier le règne de Louis XIV, un « drame français », selon lui. Il y a quelques années, ce matamore agité avait confié que, s’il était président de la République, il ferait raser le château de Versailles « pour que nous n’allions plus là-bas en pèlerinage cultiver la grandeur de la France ». Pendant la dernière campagne présidentielle, il qualifia les Français prêts à voter pour Éric Zemmour de « Français de chez les Français qui puent un peu des pieds » ; quant à Zemmour lui-même, il le traita de « cochon de la pensée » – mais refusa de débattre avec lui, certain qu’il était de se faire écrabouiller. Un soir, sur LCI, il amusa la galerie en affirmant que « le soldat inconnu, on ne sait même pas s’il est Français ! Il est inconnu… ». Ce cuistre, qui se croit indocile alors qu’il est une caricature du rebellocrate décrit jadis par Philippe Muray, est parvenu à se faire une place sous les projecteurs médiatiques à force d’arrogance et de bêtise, malgré (ou grâce à ?) une culture d’une profondeur égale à la largeur de celle de Mathieu Slama, son pendant médiatico-universitaire.
Gesticulations
Ses récentes réflexions nazifiantes sur l’Algérie française ne servent qu’à masquer une ignorance naturelle et une médiocrité intellectuelle qui transcendent les standards habituels. M. Aphatie imagine qu’il suffit de gesticuler bruyamment de la bouche pour convaincre – il croit que ses postillons sont des mots. Derrière l’agitateur frénétique, l’on devine un esprit étriqué, intolérant, intellectuellement limité, aussi fin qu’un parpaing, aussi subtil qu’une bûche, aussi profond qu’un roman d’Annie Ernaux. M. Aphatie exècre ce qui est au-dessus de lui. Or, presque tout est au-dessus de lui – d’où ses nombreux excès de haine bilieuse. Certains préconisent d’interdire d’antenne cet atrabilaire belliqueux. Ce serait une erreur pour deux raisons : la première est que cela contreviendrait à l’idée, défendue par l’auteur de ces lignes, que la liberté d’expression doit être totale. La seconde est d’ordre anthropologique et historique. L’observateur assidu des phénomènes humains, y compris ceux pouvant expliquer le déclin d’une profession, ne saurait ignorer un cas comme celui de M. Aphatie, échantillon parfaitement représentatif d’un journalisme « progressiste » et sectaire ayant encore pignon sur rue. M. Aphatie est par conséquent d’une grande utilité. M. Cohen, dans un autre genre, n’est pas moins intéressant. Après avoir compulsé les parcours professionnels de ces figures emblématiques, le futur chercheur trouvera sûrement matière à disserter sur cette étrange caste médiatique n’ayant eu de cesse de vanter le pluralisme et, dans le même temps, d’interdire à ses contradicteurs

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