David Desgouilles n’a pas seulement un talent certain de conteur, il a aussi beaucoup d’audace. Pourquoi s’obstiner à écrire de la politique-fiction quand les événements quotidiens ressemblent de plus en plus à des séries ? Quand un jeune policier turc accoutré en Men in Black tire plusieurs balles dans le dos d’un ambassadeur russe lors d’un vernissage à Ankara, lorsque Trump remporte la présidentielle américaine, ou que Fillon terrasse Juppé et Sarkozy aux primaires de la droite, la fiction a du pain sur la planche. Mais justement, comme son premier opus Le Bruit de la douche, Dérapage, le dernier roman de notre blogueur franc-comtois, s’inspire de faits relatés dans les journaux pour raconter une histoire dense et haletante flirtant avec la parodie. C’est gros, mais ça marche !
L’intrigue part d’un petit rien, l’une de ces sorties qu’on appelle désormais « dérapages » : croyant le débat télévisé terminé et son micro coupé, le chroniqueur Stéphane Letourneur adresse une remarque grivoise à une femme politique. En quelques heures, il devient l’homme le plus recherché de l’Hexagone et trouve refuge dans ce pays de cocagne qu’est la Franche-Comté. Quelques jours après cette mésaventure, Nicolas Sarkozy se fait kidnapper… Le rapport entre ces deux faits ? Par un concours de circonstances qui ravira à la fois les fans de Retour vers le futur et les abonnés de Mediapart, Desgouilles offre à son héros Letourneur l’occasion de se racheter.
Cela dit, le plus intéressant est moins l’intrigue du roman que la vision du monde de son auteur. Chez Desgouilles, Paris est une banlieue de la Franche-Comté et l’univers un monde de femmes. C’est par elles que tout arrive. Les hommes – au Sofitel de New York dans Le Bruit de la douche ou sur un plateau de télé dans Dérapage – ne sont que les esclaves d’une libido qui les mène à leur perte. Face à une femme de chambre ou à une femme politique, dès qu’ils se croient protégés par un micro coupé ou une porte fermée, les mâles y vont sans réfléchir, oubliant carrière et famille. Les femmes, quand elles ne font pas figure d’Ève poussant Adam au péché, y sont des êtres d’exception maîtres de leurs émotions.
Poussons un peu la psychanalyse de bazar. Dans les romans de Desgouilles, les hommes s’apparentent à des enfants sauvés par les mères. David, puisque nous sommes amis, cette séance ne te coûtera que 300 euros…
David Desgouilles, Dérapage, éditions du Rocher, janvier 2017.
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