« Réenchanter la gauche ». C’est l’objectif que s’est assigné Nicolas Demorand en prenant la tête de Libération. On attendait les premiers signes de cet enchantement nouveau avec impatience. Si au passage, d’ailleurs, Demorand pouvait en profiter pour réenchanter la droite, la politique et, last but not least, la presse quotidienne nationale, nous n’en serions pas complètement fâchés.
Le récent article de Régis Jauffret sur sa rencontre avec Marine Le Pen s’inscrit-il dans cette mission ? Simone de Beauvoir, compagne du fondateur de Libé, doit être toute chose, là où elle est, de découvrir le premier paragraphe de l’écrivain Jauffret : « Si je n’étais pas féministe et partisan de la parité au Parlement, je me serais dit que c’est exactement le genre de fille qu’on a envie de sauter entre deux portes en espérant qu’elle vous demande de lui donner des baffes avant de jouir pour pouvoir se mettre un instant dans la peau d’un sans-papiers macho et irascible. » Ouf ! Heureusement que l’auteur de ces lignes délicates nous prévient qu’il est féministe. On a eu peur. Sans cette subordonnée, nous aurions pu croire que Demorand avait confié une tribune à Alain Soral, afin de promouvoir le réenchantement de la gauche française. Tout cela ne laisse pas de nous étonner de la part de l’ancien matinalier de France Inter et d’Europe1, quand on se souvient de l’émotion qu’il avait exprimée sur le plateau de Canal + après un débordement de Didier Porte du mauvais côté de la ceinture[1. Porte avait joué, dans un sketch radiophonique, Villepin hurlant « j’encule Sarkozy » toutes les 10 secondes. Demorand avait dit chez Denisot sa désapprobation, argumentant sur le fait que son enfant de 8 ans aurait pu écouter la chronique. Question à quelques euros : Demorand Junior a t-il accès à Libé ?]. Que Jauffret ait des fantasmes rock-and-roll de prisunic, cela arrive à des gens très bien ; qu’il les confie, accoudé au zinc à ses potes, pourquoi pas. Qu’il les écrive et que Libé les publie, on entre de plain-pied dans la quatrième dimension.
Bien sûr, Benoît Rayski, chez Atlantico, tord du nez. Il imagine Jauffret écrire le même paragraphe avec Rama Yade dans le rôle de Marine Le Pen, et un beauf lepéniste dans celui du sans-papiers. Et nous laisse deviner entre les lignes qu’à son humble avis, Libération n’aurait jamais publié un tel article.
C’est là qu’on découvre sur Libération.fr un questions-réponses entre les internautes et Sylvie Ayral, professeure d’espagnol au collège et docteur[2. Pourquoi un « e » à la fin de professeure et pas à docteur ? Faute de frappe ? Inconscient néo-sexiste ?] en science de l’éducation. Toute à son explication sur les ravages de la punition envers le collégien mâle, cette dernière précise : « J’essaye de lui faire formuler sa colère, pour l’amener vers le décalage qui existe entre son émotion de départ, et le mot qu’il a prononcé, qui, en général, est de connotation sexiste. Il a le droit d’être en colère, je ne remets pas en question ce sentiment, mais j’essaye de lui faire comprendre qu’il peut l’exprimer autrement que par des injures. » Pas de sanction, donc, contre le gamin qui traite sa prof de « grosse salope » ou de « sale pute ».
Décidément, le réenchantement de la gauche via Libé nouvelle formule s’annonce plein de surprises. La suite… La suite…
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