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Entreprise: la dictariat du prolétature

Le ras-le-bol de la mystique de l'entrepreneur


Entreprise: la dictariat du prolétature
Manifestation à Marseille, le 5 décembre 2019 © Alain ROBERT/SIPA Numéro de reportage: 00935826_000029

Dans la « startup Nation », les églises se vident et le prolétaire prie pour les valeurs de la sainte entreprise. Coup de gueule.


Camarades, le libéralisme économique c’est le communisme du XXIe siècle. En théorie, ça marche. En pratique c’est un enfer.

Oui ! Même le plus demeuré des LRépublicains aura compris que prôner la « concurrence mondiale libre et non faussée », pour un Français c’est réclamer pour soi-même un destin de canard laqué auprès de tous les chinetoques de la terre !

Mourir pour les valeurs de l’entreprise

Pourtant ce libéralisme, tout boiteux qu’il est, aura tout de même réussi, au mitan des années 80, à inventer une nouvelle mystique pour motiver ses esclaves : la culture d’entreprise. « Les valeurs de la boîte ». Mourir pour son pays les yeux dans les yeux d’un peloton d’exécution, défendre sa foi en allant au martyre, se sacrifier pour le communisme ou le fascisme, sauver sa princesse des flammes, ça c’était le bon vieux temps ! Maintenant le héros occidental ce n’est plus Guillaume le Conquérant mais Xavier Niel le winner.

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L’Occident en est là. Il n’a plus rien d’autre à opposer à l’islam sacrificiel que la laïcité, l’apéro résistant en terrasse et « l’esprit Intermarché ».

Notre monde, à nous les gens normaux…. catholiques comme le Bon Dieu… et issus de la paysannerie ou de la classe ouvrière … traditionnellement hanté par l’exemple des saints, des grands rois, de la Résistance… a été colonisé du ciboulot par les valeurs des deux bourgeoisies. La bourgeoisie de gauche d’un côté, c’est-à-dire tous ces sales gosses de médecins ou de notaires lecteurs de Télerama qui bombarderaient Clermont-Ferrand pour la Palestine. Et, de l’autre, cette tartignole de bourgeoisie de droite qui croit nous faire avaler que c’est une transcendance de vendre de la moquette.

L’entreprise, nouvelle église de l’Occident

Qu’un patron de PME croie en son petit tsouin-tsouin, d’accord ! Qu’il y passe ses nuits à promouvoir sa saucisse au Roquefort ok. Il y gagnera sa croûte et donnera un avenir à ses employés. À la rigueur, que ce même patron arrive à motiver ses cadres et à les exalter à coups de prime de Noël, bon… Mais croire que le type qui conduit un chariot élévateur pour 1200 balles par mois chez Monsieur Bricolage va adhérer à toutes ces conneries, non. Là-dedans, dans le fait de faire vivre une boîte, il n’y a pas « autre chose » que le fait de gagner sa vie et de s’occuper l’égo en « gagnant des marchés ». Une mystique ? Un sens à l’existence ? Un chemin vers le dieu de la saucisse ? Ah non ! Ça ce n’est que la dernière trouvaille de « l’Entreprise » pour motiver le péquenaud. J’ai connu ça… dans ma partie… une boîte qui fabriquait du plancher chauffant ! Elle avait réussi à fédérer tout un tas d’artisans autour de ses bouts de tuyau. À coup de congrès, de médailles, de titres genre « sérénissime de la clef de 12 » et d’un club. Il y avait un club des installateurs de plancher chauffant et, mieux encore, un club des utilisateurs du plancher chauffant Tartempion. Et ça marchait ! J’imagine les réunions ! « Alors ton plancher chauffant il marche comment ? » C’était « l’esprit Tartempion », la « Tartempionnosphère » qu’ils avaient appelé ça. Bill Gates n’a rien inventé.

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Et puis qu’on ne vienne pas me chanter Ramona hein ! Ce n’est pas uniquement les marchands de coussins péteurs qui ne sont pas sexy pour un simple employé, c’est l’Entreprise elle-même. L’entreprise en tant que nouvelle église d’un début de siècle où les grandes idéologies sont mortes. Moi, par exemple, je veux bien honnêtement monter du parpaing pour mon patron mais qu’il ne vienne pas me jouer les Raëls de la toupie à béton. Parce que son moulin à prières de « capitaine d’industrie » il ne tourne que pour lui finalement. Et bien peu pour moi, le véritable artiste de la truelle et du fil à plomb.

La droite doit se réarmer

La classe laborieuse autochtone, privée de ses cadres sociaux traditionnels – les curés ou le parti communiste, en gros – est prise aujourd’hui entre deux nouvelles divinités : « l’Autre » à gauche et « l’aventure Leroy-Merlin » à droite.

Bref, face au tiercé qui s’annonce il y a urgence à nous réarmer en spiritualité. Véritable! En ferveur de la communauté charnelle. En esprit sacrificiel pour l’honneur. Pour la terre et les morts ! Si la droite veut jouer un rôle dans le galop qui s’annonce il va falloir qu’elle abandonne ce qui fait son ridicule: sa mystique de l’Entrepreneur, son obsession pour le point de croissance. Il va falloir qu’elle retrouve un sens à ses valeurs.

Parce que quand ça va commencer à cogner sévère, ce n’est pas à coups de tickets-restos qu’on va motiver les troupes…



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