Le monde est choqué, a la nausée. Celui des médias, le mondialisé, celui pour qui les fins de mois se tiennent encore. Ce monde-là n’a rien vu venir. Et vous étonner de leur étonnement ou condamner ceux qui contestent le résultat de l’élection vous rendrait presque complice de celui que certains ont présenté comme le successeur d’Hitler…
Il y a trois semaines, aux Etats-Unis, la majorité silencieuse a gagné. Elle a trouvé en la personne de Trump le moyen d’exprimer avec force, colère et frustration. Elle n’a pas tout cassé, elle a utilisé le vote pour élire un candidat anti système, dans le respect des règles établies. C’est un cri : elle veut que ça change.
Vous êtes bien lotis et vous redoutez un retour aux heures les plus sombres ? Ne vous payez pas de mots : le vivre-ensemble ne va pas de soi et se contenter de manifester son effroi ou son dégoût sur Facebook n’a aucun sens puisqu’ainsi vous le menacez. Oui c’est curieux mais l’empathie fonctionne mieux que le mépris pour vivre ensemble. En exprimant votre consternation, vous niez une fois encore leur souffrance et creusez un peu plus le fossé entre eux et vous.
Trump est la conséquence d’un système en faillite, pas sa cause
Faites l’effort de comprendre la souffrance des votants. Éprouvez leur détresse, mettez-vous à leur place, écoutez-les. La mondialisation crée de la richesse mais tellement de laissés pour compte. Leurs rangs grossissent, leurs inquiétudes aussi quand ils réalisent que la société pourrait très bien tourner sans eux.
Cette fois, un homme a compris leur désarroi s’est adressé à eux avec fracas, promettant un bon coup de balais et faisant fi du politiquement correct. Comment être un candidat anti système quand on en est issu ? En se faisant rejeter à son tour. Il a orchestré ses sorties scandaleuses, encaissé les coups, bravé les condamnations outrées de l’establishment et renforcé sa proximité avec les exclus.
Trump est la conséquence d’un système en faillite et non sa cause. Bien sûr, ses outrances sont choquantes mais la vraie menace pour nos démocraties n’est-elle pas la connivence des élites ? La faiblesse des contre-pouvoirs actuels, les affaires à demi étouffées, le soutien quasi unanime de la presse et de l’establishment à l’égard de sa rivale sont une réalité.
Qui mieux qu’Hillary Clinton incarne cette faillite du système ? En un chiffre, son bilan parle elle: 46,5 millions d’Américains dépendent de tickets de rationnement pour se nourrir.
La connivence des élites, c’est ce que combat le libéralisme
Sur le plan intérieur, les banques ont fait preuve d’un cynisme absolu à l’égard du peuple lors de la crise des « subprimes » mais sont parvenues à un accord financier plutôt que d’avoir à rendre des comptes. En Islande, les banquiers et les dirigeants qui ont failli ont fini en prison. Aux Etats-Unis, ça s’est soldé par un chèque. Résultat : les états s’endettent, les banques sont sauvées… Et c’est reparti pour un tour !
Depuis 2008, on a gagné du temps mais l’économie mondiale reste dans une impasse: Trump ou pas, les années à venir risquent d’être agitées.
Les démocraties occidentales sont malades. La légitimité des élus est inversement proportionnelle à l’abstentionnisme qui ne fait que monter. Le clientélisme électoral, ce cancer démocratique, permet aux élites de se maintenir. Si l’addition d’intérêts particuliers fait parfois l’élection, elle ne fait pas l’intérêt général.
Trump a mobilisé les laissés pour compte de la mondialisation et les classes moyennes qui financent un système qui ne leur profite plus. Ces gens-là chérissent leur liberté. Ils veulent un boulot, plutôt qu’un revenu universel, et un Etat fort qui les protège sans pour autant se mêler de tout. Trump est revenu à l’esprit du libéralisme pour disqualifier le système actuel: pourquoi donner plus de pouvoirs à un Etat qui déciderait seul de ceux qui profitent de ses largesses ?
La connivence des élites est un problème. C’est précisément ce que combat le libéralisme et ce que dénonce le peuple en votant contre les Démocrates américains ou les bureaucrates de Bruxelles.
On additionne les dénis de démocratie
Un individu dont la subsistance dépend d’un revenu universel versé par l’Etat n’est pas libre. Il vit au dépend de celui qui le nourrit et serait donc asservi. L’Etat aimerait aider le peuple mais cet « imbécile » ne comprend rien et préfère rester libre.
En Europe, la majorité des électeurs veut retrouver la maîtrise de son destin et considère qu’une mondialisation excessive génère plus de problèmes qu’elle n’en résout. Ce souhait est exprimé dans les urnes depuis 10 ans (référendum de 2005, Grèce, Brexit…) mais il est ignoré par les dirigeants. Comment s’étonner du retour des populismes alors qu’on additionne les dénis de démocratie ?
En France, les grands partis sont pro-Union Européenne. Seule Marine Le Pen veut quitter la zone Euro et se réclamerait bien de Donald Trump. Ils ont, certes, des points communs. L’ennui c’est qu’elle semble seulement partager ses inconvénients.
Donald Trump a joué à un jeu dangereux, son pays en sort coupé en deux. Il a suscité des attentes fortes chez ses supporters et une haine féroce chez ses adversaires. Il doit obtenir quelques succès rapides pour remettre le pays sur le droit chemin. Et comme le commentaire est toujours plus aisé que l’action, le danger est bien réel. Pour cliver le pays, Marine Le Pen ferait aussi bien que Trump. Peut-être même mieux…
Comme lui, elle veut plus de protectionnisme et n’a jamais exercé le pouvoir. Mais, sur ce point, la comparaison s’arrête là. Pour relancer l’économie et remettre l’Etat à sa juste place, elle veut faire le contraire de lui.
Trump/Le Pen, comme Reagan/Mitterrand
Trump envisage de faire revenir au pays des usines et des emplois. Il veut donc diminuer la part de l’Etat dans l’économie pour pouvoir baisser les charges et les impôts qui pèsent sur les entreprises. Marine Le Pen, à l’inverse, est interventionniste et pense que l’Etat peut tout. Cette différence est fondamentale: elle propose un peu plus d’Etat et devra augmenter les impôts pour le financer. Trump en promet moins et en appelle à la responsabilité individuelle de chaque citoyen.
D’un point de vue économique, un parallèle peut être fait entre ces deux personnalités politiques et leurs homologues des années 80: Reagan et Mitterrand. Le premier avançait un programme libéral pour attirer les investisseurs, le second proposait un programme pour se faire élire, accumulant les solutions magiques et les promesses démagogiques. Les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Marine Le Pen a hérité d’un parti libéral en économie et traditionnel sur le plan sociétal. L’opportunisme électoral l’a convaincu d’épouser une doctrine économique opposée pour se faire accepter.
Einstein a dit: « on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». Mais là personne n’est dupe.
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