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Libé et le syndrome de Marwan


Libé et le syndrome de Marwan

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Hier matin, dans sa légendaire dernière page, Libération consacrait son portrait du jour à un illustre inconnu : Christophe Varagnac, 37 ans au compteur. L’infortuné prof d’histoire-géo bordelais s’est rendu célèbre en septembre, lorsque Marwan, un de ses élèves, l’a tabassé en plein cours. L’enseignant avait eu le tort de critiquer le pays de ses ancêtres, le Maroc, ou du moins son système politique peu démocratique, le tout en évoquant la part juive de son Histoire. C’en fut trop pour le jeune Marwan, qui « depuis l’agression a (…) tenté de renouer les liens » avec sa victime, laquelle « a apprécié, mais a maintenu sa plainte ». Exposer ainsi son jeune agresseur à la perspective d’un internement tous frais payés dans un centre fermé : quel bourreau d’enfants ce prof ! Mais que dit Libé ?

Le laïcard Varagnac en a tiré une leçon de républicanisme sauce tartare : de grâce, plus de sapin de Noël à l’école, ni « de gamins qui jurent sur le Coran de La Mecque » sous les préaux ! D’urgence, il demande un rendez-vous au ministre Vincent Peillon afin de crever l’abcès du malaise dans l’éducation nationale.

Mieux, il s’en prend à ces médias coupables d’avoir repeint le jeune Marwan en « salafiste », apprenti jihadiste en partance pour l’Afghanistan ou la Syrie. Salaud de Sud-Ouest !
Libé nous apprend que Varagnac a entrepris un long travail de reconstruction personnelle, qui passe notamment par l’entreprise d’un psy. En mixant Freud, Lacan et on ne sait quel apôtre de la non-violence en milieu hostile, son analyste est arrivé à la conclusion suivante : « Marwan attendait plus de lui, avait investi autre chose (…) il avait été déçu (une relation père-fils ?) ».
C’est-y pas mignon ? Le cocard, geste d’amour du fils prodigue déçu. Avant d’envoyer valser la table, Marwan avait lancé « deux ou trois clichés antisémites » puis carrément fait valdinguer le méchant prof pas-à-la-hauteur-de-ses-espérances. Sois un père digne et respectueux ou je fais un malheur ! En substance, n’est-ce pas le message d’affection paradoxale délivré par l’innocent Marwan ?

La portraitiste du candide Varagnac ne nous dit pas si une cellule psychologique a été ouverte à la suite de la blessure ressentie par l’adolescent en son for intérieur. Après tout, avaler sans broncher des allégations marocophobes n’est pas à la portée du premier élève difficile venu. Le jour du drame, le prof « détaille ce qui ne va pas dans ce pays, décrit l’autocratie, le poids de la religion » et ose même proférer que « la liberté d’expression est bafouée au Maroc » !

Devant une telle offense à la monarchie chérifienne, certains auraient réagi plus violemment, qui en cramant la voiture de son prof, qui en menaçant son épouse, qui en le traitant de « sale gaulois », qui en rappelant ses liens occultes avec la Franc-Maçonnerie-alliée-du-Nouvel-Ordre-Mondial-et-du-CRIF. L’impudent s’en tire finalement avec une simple altercation, son élève lui ayant sauté au visage « tête contre tête » pour mieux lui exprimer son indignation, une valeur so chic et progressiste par les temps qui courent.

Non, vraiment, le comportement du petit Marwan a somme toute été très mesuré. C’est à se demander ce qu’attend son ancien prof pour retirer sa plainte…

*Photo : KayVee.INC



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Journaliste et syndicaliste, Manuel Moreau est engagé dans le mouvement social.

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