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Des propos du président Macron provoquent un début de polémique au Liban


Des propos du président Macron provoquent un début de polémique au Liban
Manifestants contre le gouvernement à Beyrouth, le 13 novembre 2019 © Bilal Hussein/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22398571_000101

En déclarant à Amiens que les Libanais allaient bientôt fêter l’anniversaire du 1er septembre 1920, Emmanuel Macron s’est attiré les foudres de manifestants libanais. A tort ou à raison, certains voient cette date comme l’origine des problèmes de leur pays…


Léo Nicolian est un reporter de guerre français d’origine libanaise qui a couvert un grand nombre de conflits (Irak, Tchétchénie,….); alors que des manifestations secouent le pays du cèdre et remettent en cause le confessionnalisme qui régit cet état, il a brièvement interviewé le chef de l’Etat lors de sa visite à l’usine Whirpool d’Amiens le 22 novembre dernier.

Une réponse qui passe mal

M. Macron a déclaré, alors que M. Nicolian lui avait demandé sa réaction aux événements libanais « On fêtera l’année prochaine la proclamation du Grand Liban de 1920. » Le journaliste lui a rétorqué que c’était aussi l’anniversaire de l’instauration du confessionnalisme, si décrié par les manifestants ; ils y voient la principale raison des malheurs de leur patrie. « Exactement » a répondu le chef de l’Etat avant de s’éloigner. Cette micro-interview de M. Macron a été diffusée au Liban notamment grâce à WhatsApp. L’intervention de notre chef de l’Etat et surtout le mot « exactement » est perçue (à tort sans doute) par une partie des manifestants, au mieux comme une maladresse, au pire comme une ingérence et un appui aux dirigeants actuels du pays du Cèdre…

A lire aussi, notre reportage: Liban: la nation contre les communautés

Un peu d’histoire est nécessaire pour mieux appréhender le contexte. Le Liban a toujours été un pays à part. Au temps des premiers Califes, les chrétiens Mardaïtes à l’origine mystérieuse ont réussi à maintenir pendant plusieurs siècles de petites principautés indépendantes dans le mont Liban. Les Mardaïtes auraient (peut-être) donné naissance aux Maronites actuels. La comté de Tripoli qui occupait le nord du pays du Cèdre, a été de 1100 à 1289 un Etat croisé prospère, à majorité chrétienne. La montagne libanaise a été rétive par la suite à la domination Mamelouk et à celle de l’empire Ottoman qui lui a succédé en 1517. Constantinople déléguait l’affermage des impôts du Mont Liban à des dynasties locales dont les émirs étaient, suivant les époques, plus ou moins indépendants du Sultan; l’un d’entre eux Bachir Chehab II (1767-1850) né sunnite, est devenu publiquement maronite sans perdre son pouvoir. Ce système féodal a duré jusqu’en 1840 et l’invasion des Égyptiens de Mohamed Ali. En 1860, des massacres de Maronites par des Druzes ont provoqué l’intervention de troupes françaises; Constantinople a alors créé, sous la pression des puissances Occidentales, le Moutassarifat du Mont Liban, une petite région autonome qui enserrait Beyrouth, dont la population était majoritairement chrétienne et dont le gouverneur devait nécessairement être chrétien, mais sans être Maronite. En 1916, la France et la Grande Bretagne se sont partagés le Moyen Orient par les accords Sykes-Picot ; les Français ont aussitôt envoyé des troupes dans le Mont Liban. Après que la SDN eut accordé à notre pays un mandat sur la Syrie et le Liban actuel, le général français Gouraud a proclamé, le 1 septembre 1920 le Grand Liban. Cette entité rassemblait le Moutassarifat, Beyrouth, la région de Tripoli, la plaine de la Bekaa et le sud Liban. Adopté sous la pression de la hiérarchie maronite, ce tracé a réuni au noyau chrétien homogène des terres musulmanes et s’est fait au détriment de la Syrie. Ce puissant voisin n’a jamais accepté ce « dépeçage » qui n’était justifié que par des raisons économiques. En outre la cession du Sandjak d’Alexandrette et de l’ancienne Antioche à la Turquie en 1938 (pour éviter qu’Atatürk ne s’allie à Hitler) a entraîné le démantèlement de l’Etat Alaouite, mis en place dans la région de Lattaquié où les adeptes de cette religion sont majoritaires. La Syrie devait disposer absolument d’un grand port qui aurait dû être Tripoli donné au Liban. On s’est rabattu sur l’ancienne Laodicée. Ces choix de la France entre 1920 et 1936 (dont évidemment M. Macron n’est pas responsable !) sont perçus comme mauvais par une partie des Libanais: ils leur reprochent d’être responsables des guerres civiles qui ont déchiré leur pays et la Syrie; la première a pour cause principale l’impossibilité pour des peuples trop différents de vivre ensemble; la seconde comporte un volet religieux : l’insurrection des sunnites contre le pouvoir alaouite incarné par les El Assad.

Le confessionnalisme, une forme de gouvernement désormais contestée

Sous le mandat français (1920-1943) le confessionnalisme s’est peu à peu mis en place pour garantir la stabilité de ce pays qui est une mosaïque ethnique: le Président de la République doit être maronite, le Premier ministre sunnite et le Président du Parlement chiite. Ce système est accusé d’avoir plongé le pays dans la corruption et l’immobilisme et est désormais pris pour cible par nombre de manifestants. Beaucoup de Libanais préféreraient commémorer en grande pompe le 22 novembre 1943 (date de l’indépendance) moins polémique, plus rassembleur et non le 1 septembre 1920 qu’ils voient à tort ou à raison comme l’origine des problèmes de leur pays. Nous le voyons, être l’ancienne puissance coloniale n’est jamais facile. Ses dirigeants sont facilement accusés d’ingérence, même pour des propos anodins.



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